Sartre et la phénoménologie au buvard
1Jean-Paul Sartre, phénoménologue français. La définition scolaire et nationale fait sourire. Phénoménologue, sans doute. Encore faut-il s’entendre sur les attendus, les objets et surtout sur les usages de la phénoménologie. Assurément Sartre a inauguré sa réflexion philosophique à partir de l’idée d’intentionnalité et de l’enseignement de Husserl. A-t-il pour autant « francisé » cet héritage et développé une phénoménologie française ? Ce débat universitaire des historiens de la philosophie n’intéresse pas vraiment Sartre : d’une part, il ne l’a pas intéressé stratégiquement, Sartre n’ayant pas joué le jeu de l’Université ; d’autre part, cette question présente un intérêt spécifiquement disciplinaire : à savoir comment situer Sartre dans une histoire de la philosophie française. Et de ce point de vue, l’Université lui rend bien son indifférence, puisqu’au moment où elle redonne voix à la phénoménologie, elle semble sauter par-dessus Sartre et relier Husserl à Merleau-Ponty puis à Levinas ou Henry, pour ne citer que des phénoménologues tardivement reconnus [1]. Une démarche inverse consisterait à étudier plutôt ce qu’a été l’apport de la phénoménologie à Sartre, et son emploi hétérodoxe [2]. Elle éviterait de jauger la conformité de Sartre à ses inspirateurs et de lui faire un reproche de khâgneux sur sa mécompréhension de Heidegger. À l’opposé de toute exégèse, Sartre a en effet toujours été infidèle à ses sources qu’il a vampirisées au profit d’une recherche en perpétuel renouvellement.
2Phénoménologue français serait plutôt à entendre de la langue française, si tant est que la langue se trouve au cœur de l’activité polygraphique de Sartre, essayant tous ses registres, éprouvant ses styles, risquant sa parole. L’auteur des Mots, destiné à la confusion infantile entre le langage et le monde, ne cesse de s’expliquer avec la langue, d’y construire une légitimité philosophique. Bien avant la lecture de Brice Parain, la question du langage est posée, dès les premiers essais de description phénoménologique : moins pour y fonder un usage instrumental de la langue que pour articuler, grâce à la phénoménologie, une relation heuristique des mots et des choses. L’enthousiasme fameux du jeune Sartre à l’égard de Husserl ne doit pas nous aveugler sur l’emploi dérivé qu’il propose de la phénoménologie. Il s’y épuise pendant quelques années, pour mieux l’épuiser, c’est-à-dire pour l’absorber. S’il avoue qu’il est resté longtemps husserlien après être entré de manière absolue dans sa philosophie, abdiquant ses propres réflexions, il confie aussi le sens d’une telle empathie : « Épuiser un philosophe, c’est réfléchir dans ses perspectives, me faire des idées personnelles à ses dépens jusqu’à ce que je tombe dans un cul-de-sac. » [3] S’ensuit une critique de Husserl et de la Hylé comme matière passive que viendrait façonner une forme ou une intentionnalité, distinction qui relèverait d’un idéalisme que Sartre veut dénoncer. Aussi décisive que fut la découverte de la phénoménologie pour Sartre, elle ne l’inscrit donc pas dans une philosophie, ni même dans une méthode. À l’égard de la phénoménologie, comme plus tard face au marxisme et à la psychanalyse, il maintient l’exigence de l’interprétation, et à chaque fois il éprouve la pertinence d’un langage.
Décrire, écrire, désécrire
3L’hagiographie masque une telle stratégie de discours. Elle inscrit la discussion philosophique dans un récit édifiant qui thématise les notions débattues : contingence, intuition, réduction, ego transcendantal. La scène narrative est installée par Beauvoir [4] qui présente les personnages passeurs, Raymond Aron revenu de Berlin, Levinas et son livre sur Husserl. Le décor et les accessoires offrent le spectacle d’une révélation, un café de Montparnasse, la leçon philosophique à partir d’un jus d’abricot ou d’un verre de bière. La chose inattendue, le détail qui fait tableau, l’anecdote devient légende. Ici la narration rejoint le petit théâtre du cours de philosophie. Le statut de l’exemple se transforme au sein du discours spéculatif, il produit moins une illustration qu’un effet de réel à valeur événementielle. Aller vers le réel, proposait Jean Wahl, et Sartre découvre avec la phénoménologie cette vertu de saisir le concret, de le faire apparaître dans l’intention. Avec Sartre et le jus d’abricot, la vocation du petit fait révélateur participe d’un topos narratif renouvelé de la description philosophique. Le prétexte anecdotique de la chose qui déclenche le processus spéculatif se confond alors avec le surgissement du monde à la conscience. Et la narration vise à mimer cette irruption qui prend les noms de remplissement ou d’épiphanie.
4Comment écrire la perception ? Tendre la conscience vers ce que « je perçois », c’est risquer la pensée réflexive et cartésienne du « je pense que je perçois ». Or quand j’écris que je perçois, concrètement c’est la main que je perçois écrire. A partir de là peut démarrer la fiction propre à toute description, le scénario du « je perçois » : je vois le bureau, la feuille, le porte-plume, la main dans laquelle je me regarde penser. Sartre ne cesse de l’évaluer, cette main tantôt chair, tantôt outil. Sa version passive et contingente envahit la description de La nausée, main que Roquentin fourre dans sa poche sans pouvoir en oublier la texture beurreuse. Sa version active assure la prise philosophique, dans L’être et le néant, instrumentalisée dans le projet d’écrire [5]. La main est comme le porte-plume, et pourtant elle est toujours mon corps dont je ne peux me séparer. Sartre se débat encore avec le dualisme cartésien. Le réel anonyme n’est donc pas dans la main, mais au bout du stylo. Sur la page ? Lieu déjà quadrillé, disposé en vide pour l’écriture, formes à remplir de l’intention cursive [6]. Le papier que Sartre assigne à son écriture est une scène blanche, destinée au seul débat des idées, à sa précision et sa clarté toutes classiques, en vue de la version propre et définitive, et que doivent faire disparaître l’impression et la publication [7]. Rien ne doit déborder ni traîner en arrière. Le buvard évite ce genre de bavures. Mais il donne aussi l’occasion d’un petit phénomène, familier pour l’écrivain de plume : l’absorption de l’encre et sa diffusion capillaire dans le papier poreux. L’écriture s’y désécrit, elle y perd sa ligne graphique et s’y réfléchit maladroitement, ramenée à son substrat liquide, à cette encre qui s’empâte dans le buvard. Avant que les taches et les ratures ne deviennent la pâture de la critique « génétique », elles offrent une expérience antérieure au sens, une épreuve matérielle à portée de main.
5Aussi près de l’écriture, dans son espace et son activité, un tel phénomène devient logiquement un parangon, ce qui permet de jauger d’autres phénomènes. Dans l’œuvre de Sartre, la redondance de cette comparaison, « comme le buvard boit l’encre », ne peut se réduire à un tic d’écrivain, ni à une figure de style. Elle est constituée peu à peu en pierre de touche révélatrice non seulement d’une qualité d’être mais aussi d’une position de la conscience. Le buvard acquiert, dans la description phénoménologique sartrienne, une contexture phénoménale qui permet de relier quantité d’objets, d’expériences ontologiques, sous le même rapport d’être. Il est naturellement convoqué pour cerner l’être du visqueux dans L’être et le néant. Sartre explique pendant plusieurs pages qu’il ne faut pas considérer le visqueux comme un qualificatif symbolique, ni comme une projection psychique. Le visqueux implique un rapport de la conscience, une épreuve d’absorption qui engage le Pour-soi sur la voie d’une appropriation par l’En-soi matériel. Le contact avec le visqueux révèle à la conscience la viscosité du monde, le piège d’une fluidité qui mime la liquidité pour mieux faire triompher la solidité. « Toucher du visqueux, écrit donc Sartre, c’est risquer de se diluer en viscosité. Or, cette dilution, par elle-même, est déjà effrayante, parce qu’elle est absorption du Pour-soi par l’En-soi comme l’encre par un buvard. » [8] L’observation de l’encre passant dans la texture du buvard devient la description d’une métamorphose. Ce que le sujet a écrit, la signification qu’il a voulu tracer sur la page, se sont transformés, ont viré vers l’informe de la pâte. La fluidité dirigée du sens a régressé vers le pâteux infra-humain. Ainsi le buvard peut-il fonder le schème phénoménal du visqueux, par l’exemplarité du phénomène d’absorption qu’il présente à l’expérience. Une fois posée cette comparaison, le visqueux fait l’objet d’une définition notionnelle et se décline ensuite en métaphores : ventouse, succion, poix, colle, miels… qualités qui expriment les variations substantielles de l’absorption.
La chair du buvard
6L’environnement intime de l’écrivain lui fournit ainsi l’être-buvard qu’il constitue en comparant premier de la viscosité. Le buvard qui boit l’encre lui donne à voir ce phénomène à la fois banal et saisissant d’une visée prise dans la matière, quasi-incarnation d’un projet de la conscience débordé par l’existant. A suivre l’empathie de Sartre pour ce phénomène d’empâtement, on comprend qu’il existe une chair du buvard, de sorte que l’encre s’y incarnant rejoue, pour la conscience, l’épreuve de la facticité corporelle. Le rapport premier à l’En-soi se vit en effet selon l’être-dans-le-monde de la conscience, aux prises avec une nécessité – l’ordre des choses – vécue à titre contingent et renvoyant la conscience à sa propre contingence. Le corps donne à éprouver cette facticité de la chose qui est, du monde que le sujet n’a pas choisi et qu’il reçoit, dans sa chair, au titre de ce qu’il est. Certes, le corps peut être ressaisi, corps-pour-soi, dans le projet de la conscience vers le monde, mais cette intention, ce surgissement, présupposent le monde et ses relations. Ébauchant une phénoménologie du visage, dans un texte de 1939, Sartre en définit la part corporelle et sa réversibilité, recevant les déterminations du monde et imposant sa propre distance aux choses. « Un corps est une forme close, il absorbe l’univers comme un buvard absorbe l’encre. » [9] La version passive, charnelle et prédéterminée du corps est décrite sous la forme chimique de cette absorption que Sartre radicalise avec une hypotypose fantastique, celle des rats qui cherchent des trous par lesquels entrer, le corps, notamment par son visage, se disposant en trous voraces pour accueillir ces pénétrations. La revanche de la subjectivité, et par là même de l’humanité sur l’animalité du corps, survient avec le regard [10]. Il exprime le surgissement du Pour-soi, au sens où les déterminations refluent, où il retourne le mouvement d’absorption en visée d’expulsion.
7L’expropriation du monde depuis la corporéité du corps propre est donc un privilège du Pour-soi dont le regard, surgi du visage, présente le phénomène. Toutefois, la conscience peut choisir de recevoir ce monde, dans la visée même de son regard. Avec L’être et le néant, le regard s’oriente également vers une position passive et rencontre cette fois les trous déjà présents dans le monde. L’absorption se fait intentionnelle et va du sujet aux choses. Cependant la situation d’une telle visée suppose une organisation préalable qui instrumentalise les trous. Sartre dispose une scène où le regardeur n’impose pas au regardé son pouvoir réifiant : il regarde sans être vu regardant, grâce au trou d’une serrure. D’abord il colle son oreille, c’est-à-dire son trou récepteur des bruits du monde, au trou acoustique, vecteur de ce remplissement. Puis l’œil prend le relais, conformément à la suprématie de la vue dans la tradition philosophique. Cet œil-visée se dispose en instrument optique dans le moule de la serrure, et se laisse happer par le spectacle, abdiquant son pouvoir d’expulsion pour la passivité du réceptacle. « Mon attitude, écrit Sartre, n’a aucun “dehors”, elle est pure mise en rapport de l’instrument (trou de la serrure) avec la fin à atteindre (spectacle à voir), pure manière de me perdre dans le monde, de me faire boire par les choses comme l’encre par un buvard, pour qu’un complexe-ustensile orienté vers une fin se détache synthétiquement sur fond de monde. » [11] Certes, la conscience choisit le compromis, elle ne saurait s’extraire du monde qu’elle découvre en le cadrant comme un spectacle. Elle se compromet dans l’univers des choses, mais dans le but d’une découverte, de sorte que le regard conserve la maîtrise des fins. C’est parce que je suis jaloux, précise Sartre, que je me pose en spectateur d’une scène à voir derrière la porte. Facticité et liberté se conjuguent pour laisser l’œil se faire boire par les choses qu’il a lui-même objectivées.
8Le choix de la passivité est toujours entouré, chez Sartre, de mille précautions afin de ne pas grever la liberté et de ne pas supposer de contraintes déterminantes qui ne relèveraient pas de la stricte conscience en situation. Au cœur de la passivité, le statut du corps constitue le nœud d’une articulation entre la conscience et le monde, dans la mesure où le corps-pour-soi se heurte à un perpétuel paradoxe : toujours tendu vers autre chose que lui-même, il est vécu comme corps propre d’autant mieux qu’il efface sa dimension charnelle. D’un côté il incarne le projet de la conscience pour-soi, de l’autre il disparaît, en tant que tel, dépassé par la visée transcendante qui lui confère une signification. Il est toujours « corps-qui-indique-au-delà-de-lui-même » [12]. Dès lors, la relation à autrui met en cause cette possibilité de dépassement car elle implique aussi un corps qui, dans son altérité, présente une transcendance échappant au sujet. Or cette étrangeté, loin d’être désincarnée, s’adresse à la conscience en tant qu’elle est incarnée, chair dont le dépassement n’est plus contrôlé par le seul corps-pour-soi. La facticité, l’étrangeté, la passivité viennent cette fois du corps de l’autre qui fait appel à ces mêmes dimensions du corps propre au sujet.
9Ce corps de l’autre est un buvard, en ce qu’il vient absorber les significations que la conscience croyait pouvoir donner seule au monde qui l’entoure. Mais plus encore, il suggère à la conscience de vivre son propre corps sur le mode du buvard. Sartre analyse ainsi la relation de désir à autrui et les incarnations réciproques suscitées par la rencontre des corps, chacun se découvrant chair par la chair de l’autre. Il en décrit l’approche en ayant soin, comme toujours, d’assurer la liberté de la conscience qui choisit : « Je détruis mes possibilités pour détruire celles du monde et constituer le monde en “monde du désir”, c’est-à-dire en monde déstructuré, ayant perdu son sens et où les choses sont saillantes comme des fragments de matière pure, comme des qualités brutes. Et, comme le Pour-soi est choix, cela n’est possible que si je me pro-jette vers une possibilité neuve, celle d’être “bu par mon corps comme l’encre par un buvard”, celle de me résumer en mon pur être-là. » [13] La présence de la chair et de ses saillies apparaît à Sartre comme le choix de la matière, l’immersion-absorption dans le substantiel [14], version profane et sexuée du Dasein. Sartre explique ainsi le « trouble », recoupant l’affect avec les phénomènes matériels, le trouble sexuel et le trouble des matières, l’éruption du désir et la diffusion de l’encre dans un buvard.
10Ce laisser-absorber s’effectue plutôt dans la douleur, à supposer même que la conscience demeure l’origine d’un tel choix. Précisément le désir et la douleur ont partie liée dans l’incarnation sartrienne de la conscience, sans cesse menacée par l’activité matérielle, effrayante comme une racine de marronnier, attrayante comme la chair des corps, ou sournoise comme une pâte à buvard. La douleur rappelle aussi à la conscience son existence charnelle et biologique sur le mode de la facticité. Fidèle à L’esquisse d’une théorie des émotions, de 1939, Sartre reprend avec L’idiot de la famille, en 1971, l’idée d’une intention de la conscience à l’œuvre dans les phénomènes physiologiques. Analysant la maladie de Gustave Flaubert, il observe la manière dont l’auteur vit sa douleur et son regret déclaré de ne pouvoir l’utiliser comme une distanciation à l’égard du vécu, ce que Sartre traduit en termes d’« épochè » esthétique. Il s’agit encore de « troubles » physiques, mais qu’une intention virile aurait pu convertir en expérience phénoménologique. Au lieu d’une telle gestion, Gustave se laisse absorber par la douleur et il y greffe un rapport d’immanence avec le monde, une abdication de la conscience choisissant de faire corps avec sa chair souffrante. « Quand les convulsions, décuplées, absorbent les facultés de l’âme, remarque Sartre, la facticité triomphe, elle boit la transcendance comme un buvard boit l’encre, tout en prétendant l’incarner, le monde se referme sur l’existant qui prétendait s’en évader. » [15] La maladie de Flaubert est élue en conversion somatique d’un refus du monde. Mais au lieu de transformer le corps en espace de signification, le choix de l’affection généralisée brouille tout message, se fait délibérément confus et innommable, car il a suivi la voie du buvard qui transmue le signe en tache difforme.
Le schème phénoménal
11Le phénomène d’absorption repéré dans l’activité matérielle du buvard permet donc à Sartre d’évaluer plusieurs modes d’être et de saisir les différentes relations de la conscience à la matière, au corps et au langage. Quel est le statut d’une comparaison aussi redondante dans le discours spéculatif ? Assurément elle ne se réduit pas à une image au sens illustratif du terme, encore moins à une métaphore obsédante de l’écrivain Sartre. Si elle relève certes d’une figure du discours, elle détient toutefois une vertu plus forte puisqu’elle ne vient pas exemplifier le phénomène d’absorption mais plutôt le présenter à la vue et le constituer en schème. Dès L’imagination, Sartre a pris ses distances à l’égard du schématisme kantien pour proposer un usage symbolique de l’image. Il s’est orienté ensuite vers la définition du schème ontologique, précisant combien les images stylistiques employées dans ses textes philosophiques se distinguent des métaphores [16]. Ce type de schème permet à Sartre d’articuler de façon originale image stylistique et concept. Fidèle à une démarche phénoménologique selon laquelle l’être n’est pas saisissable hors de ses manifestations, il traite l’image comme lieu de présentification d’un certain mode d’être. En ce sens, elle ne déclenche pas un transfert de sens et ne concourt pas au déplacement analogique usuellement assigné à la métaphore. Elle condense plutôt le sens et relie des phénomènes de même famille ontologique : c’est pourquoi elle relève moins de l’analogie des formes sensibles que de l’entre-expression des modes d’être. Elle ne remplace pas le concept, mais se construit en interaction avec lui, manifestant la relation entre l’existant et son essence. Cet existant, contingent et polymorphe, ne peut se résumer dans le concept. Aussi la totalité du sens est-elle au bout de ce rapport entre image et concept. Sartre préfère même la « notion » au concept, car elle n’occulte pas ses conditions de production et conserve le vécu dans la généralisation.
12Le buvard permet ainsi d’introduire un schème phénoménal sous la forme d’une comparaison spéculative. Il donne l’occasion à Sartre d’articuler la présentification du phénomène et les termes dans lesquels peuvent être saisis les modes d’être. Ce travail, constant dans son activité d’écriture philosophique, est généralement ignoré par les adversaires de Sartre qui, du côté littéraire, accusent sa conception instrumentale de la langue, s’appuyant sur les thèses circonstancielles de Qu’est-ce que la littérature ?, et, du côté philosophique, lui reprochent à l’inverse un expressionnisme littéraire. Cependant les familiers de l’écriture-processus sartrienne savent combien la question du langage y fait l’objet d’une reformulation perpétuelle, selon la quête d’une langue permettant d’approcher au plus près les modalités de la conscience dans le monde. Il ne s’agit donc nullement de l’emploi d’un « style littéraire » en philosophie, qui désignerait un certain usage français de la phénoménologie. Ce type d’argument témoigne d’ailleurs d’une double mécompréhension : il demeure empreint d’une conception instrumentaliste de la langue philosophique, et ignore comment Sartre, loin de confondre littérature et philosophie, n’a cessé de penser et de pratiquer leur pertinence respective et leur articulation dans un projet ontologique [17].
13La comparaison au buvard s’inscrit donc dans une réflexion sur l’image philosophique. Elle apparaît, sous forme de variante, dans L’imaginaire, précisément au moment où Sartre entend discuter de l’emploi des images dans la pensée. Alors qu’il entreprend de fonder l’imagination comme un acte de transcendance et de liberté de la conscience, il analyse avec réserve son emploi dans le jugement. Reprenant cette fois une définition toute classique de l’image, il met en garde contre ses déterminations propres et les risques d’infidélité qu’elle fait courir au sens : « Il faut distinguer deux cas, et cette façon qu’a la pensée d’être captive dans une représentation spatiale entraînera des conséquences différentes pour le cours ultérieur de la conscience, suivant que celle-ci supporte avec peine cet enchaînement et cherche à s’en libérer ou suivant qu’elle se laisse absorber par l’image comme l’eau par le sable. » [18] La pensée dans l’image, et non par l’image, est menacée de chosification : sa pureté réflexive rencontre une représentation spatiale qui la leste de significations adventices. La comparaison avec l’absorption permet à Sartre de distinguer ce type d’image, dont seule une défiance et un arrachement de la conscience peuvent tirer profit, du schème symbolique, dont précisément la comparaison employée relève. Utilisée occasionnellement et sporadiquement, elle resterait une image illustratrice, mais sa redondance et la diversité des comparés en font un schème phénoménal.
14Ce risque de l’absorption intervient parmi les différentes modalités de l’expression langagière. Sartre le repère au sein des situations de communication, lorsque le sens du message disparaît au seul bénéfice d’une communication sans contenu. Avant que ne soit formalisée la fonction poétique du langage, Sartre y voit un usage fantastique dont le texte de Blanchot, Aminadab, fournit une épreuve : un expéditeur et un destinataire entretiennent une correspondance dont les messages sont incompréhensibles, « comme si la grande affaire était le message lui-même et non son contenu : le moyen a bu la fin comme le buvard boit l’encre » [19]. La critique littéraire, et plus largement esthétique, confronte Sartre à l’épaisseur de l’expression, à ses significations opaques. Cette fois il ne convient plus de rechercher la transparence du signe, et les nombreux articles de Sartre sur la peinture, et même sur la poésie de Francis Ponge, l’amènent à interroger, de manière phénoménologique, le rapport des artistes aux choses, aux significations et aux matériaux. Ce qu’il ne s’accorde pas pour sa propre écriture, il l’analyse chez le peintre ou le sculpteur, fasciné par leur pouvoir de présentification et leur manière d’assumer la matière de l’expression. Ainsi de Picasso dont les longs Arlequins « sont une émotion qui s’est faite chair et que la chair a bue comme le buvard boit l’encre, une émotion méconnaissable, perdue, étrangère à elle-même, écartelée aux quatre coins de l’espace et pourtant présente » [20]. Ambiguës, indéchiffrables, ces figures ont fait disparaître jusqu’aux noms des émotions qui les inspirent. Elles sont l’image, la chair d’une signification absorbée par la peinture.
15La pensée sartrienne de l’image se déploie bien au-delà de L’imaginaire : les réflexions sur les images énigmatiques de l’art suscitent un renouvellement aussi bien de la conception du langage que de la description dite phénoménologique. Leur opacité met en question la prise du sens, et la retotalisation démiurgique avec laquelle Sartre rend compte des imaginaires, ceux de Genet ou de Flaubert notamment. Avec L’idiot de la famille, il réinvestit en effet des schèmes conçus dans L’imaginaire et L’être et le néant, mais nourris de nouvelles analyses, sociales et psychiques : la phénoménologie est un départ que n’a pas interrompu la découverte du marxisme et s’est poursuivie à travers l’usage d’un langage, la permanence et la reformulation de schèmes moteurs qui ont garanti à la fois la démarche ontologique et sa reconfiguration en d’autres grammaires théoriques (explorées dans Critique de la raison dialectique, puis L’idiot de la famille). C’est pourquoi Sartre ne symbolise pas un tournant spécifique de la phénoménologie, dans la mesure où lui-même lui a fait prendre de nombreux tournants, ou plutôt, selon son vocabulaire, des tourniquets. La place singulière qu’il occupe dans la phénoménologie française trouve sa réplique dans les improbables héritiers de son œuvre. Non qu’il n’y ait de fidèles lecteurs et commentateurs, non plus qu’il n’y ait de fils ou de frères plus ou moins rebelles. Mais le processus de sa réflexion irradie peut-être davantage par son acte de pensée, et par ses libertés spéculatives et langagières, infidèle à tout esprit d’école.
Phénoménologies de l’image
16Pour le plaisir de retrouver Sartre phénoménologue là où on ne l’attend pas, l’évocation de l’hommage que lui rend Barthes, en 1980, dans un livre devenu culte, La chambre claire, sera instructive. L’histoire des idées désigne en effet le sémiologue comme l’un des principaux membres du structuralisme, adversaire de Sartre et de ses conceptions sur la littérature engagée. En écrivant sa « note sur la photographie », Roland Barthes surprend pourtant ses disciples puisqu’il abandonne la lecture des signes et dédie son ouvrage à L’imaginaire de Sartre. Non content de montrer qu’une image photographique ne se réduit pas au studium, à des codes culturels, il mobilise la phénoménologie pour approcher l’essence du photographique. Même s’il n’en fait pas un usage systématique et s’il l’abandonne finalement, au profit d’une méditation personnelle, cette référence est inattendue. De manière implicite mais pourtant décisive, Barthes reprend une ambition sartrienne : saisir l’« essence » de la photographie. Au lieu de se contenter de commenter les effets, les pouvoirs de l’image, il s’inscrit dans un projet ontologique. Sartre souhaitait déjà rallier tous les types d’image sous une même famille et penser leur essence commune au regard de la conscience intentionnelle. Il passait outre les différents modes d’apparition des images, leurs genres et leurs matérialités, reliant ainsi les images mentales et les images plastiques. Certes Barthes s’en tient à l’image photographique, cependant sa démarche ne se limite aucunement à l’étude d’un genre [21] et il met à distance les grilles de lectures, sociologiques, sémio-logiques, psychanalytiques, pour chercher l’eidos de la photographie.
17Selon ce dessein, Barthes reprend trois thèses fortes de L’imaginaire : tout d’abord l’image relève d’un acte de la conscience et ne se réduit pas à une chose sensible. Venue de Husserl, cette thèse permet de traiter la photographie d’une autre manière que celle d’un spectacle figé donné à l’observation distanciée. L’image présuppose un cadrage, une disposition, un point de vue. Observer une photographie ne peut se réduire à décrire ce que l’on voit mais implique d’assumer un regard préalable, de voir ce qui a été vu. La chambre claire débute par cette mise en abyme du narrateur-spectateur qui, devant une photographie d’un frère de Napoléon, constate qu’il voit des yeux qui ont vu l’Empereur : les yeux photographiés anticipent et réfléchissent ainsi la fonction photographique, le dépôt d’une empreinte visible. L’œil photographique (l’œil de l’Operator) ne disparaît donc pas dans ce qu’il voit et la photographie sollicite de son spectateur une greffe oculaire qui l’amène à réactiver l’image présentée, à réintérioriser le regard premier de l’opérateur.
18La deuxième thèse concerne précisément le regard du spectateur (l’œil du Spectator) et sa place devant une image qui non seulement est le témoin d’un regard passé mais dérange aussi son propre positionnement. Le fameux punctum, une des notions les plus fécondes de La chambre claire, conteste l’étude de la photographie à partir du Studium, de la lecture culturelle et sémiologique. Le phénomène imaginaire est appréhendé, par Barthes, au regard de la conscience et de sa réquisition dans le procès de l’image. Sans être citées comme telles, les modalités du Pour-soi et de l’En-soi se retrouvent dans l’ambivalence du punctum, à la fois trou et saillie au cœur de la photographie. Le trou attire la conscience par un détail qui met en cause son regard même, lui impose une scission devant l’image. Le Spectator devient regardant et regardé à la fois [22]. Tel l’œil sartrien devant le trou de la serrure, il se dispose par le cadre à faire l’épreuve du visuel, à se projeter et/ou à se faire pénétrer par le monde imaginaire, à trouer ou à être troué. Barthes dit ainsi le punctum, « petit trou, petite tache, petite coupure » [23], autant de petits phénomènes visuels, traversant la tache du buvard comme celle de l’œil, et relevant du processus imaginaire, ni réductible à la perception, ni soluble dans l’analyse des codes.
19La troisième thèse concerne l’apport le plus original de Sartre à la phénoménologie de l’imaginaire, l’idée d’absence consubstantielle au procès de l’image, inscrite dans la présentification même de l’objet. Barthes abandonne l’étude structurale du signifiant pour en revenir au réfèrent. Et il saisit le noème de la photographie dans le « ça a été ». La néantisation sartrienne trouve ici un prolongement et une spécification. Certes, l’acte d’imaginer pose à la fois une présence de l’objet en image et par là même son absence. Mais avec la photographie, l’analogon prend une signification plus forte car l’objet a laissé son empreinte matérielle sur le film aux grains d’argent. Quelque chose a bien été présent devant l’objectif pour que la photographie existe, de sorte qu’elle « témoigne » d’une chose absente, car elle demeure lestée d’un réel que l’image mentale n’a conservé qu’au titre d’un analogon. « La Photographie, écrit Barthes, devient alors pour moi un médium bizarre, une nouvelle forme d’hallucination : fausse au niveau de la perception, vraie au niveau du temps : une hallucination tempérée, en quelque sorte, modeste, partagée (d’un côté “ce n’est pas là”, de l’autre “mais cela a bien été”) : image folle, frottée de réel. » [24] C’est pourquoi l’épreuve du regard photographique se trouve liée à l’expérience du deuil, et Barthes finit par trouver l’essence paradoxale de la photographie dans l’intimité et la singularité de son propre deuil, la photographie absente de la mère défunte acquérant une fonction heuristique dans La chambre claire.
20Un tel dialogue avec Sartre ne saurait cependant accréditer l’hypothèse d’un Barthes devenu phénoménologue sur le tard. De son propre aveu, celui-ci fait un usage désinvolte de la phénoménologie, la déformant selon son plaisir. Et son souhait d’une science eidétique se heurte à la singularité des objets choisis ou rencontrés. Barthes donne les raisons de son esquive à l’égard d’une approche strictement phénoménologique de la photographie : il revendique la nécessité d’assumer tout à la fois la subjectivité de l’expérience critique, l’écriture de la description phénoménologique, et l’irréductibilité des affects présents à l’origine de la visée intentionnelle. Certaines images, précisément, nouent à un tel degré ces dimensions qu’aucune réduction ne saurait rendre compte de leur intrication complexe. Photographies oubliées de l’enfance, papiers tachés de formes non identifiables, Barthes et Sartre interrogent infatigablement ces objets énigmatiques, oscillant du trou à la tache, rétifs à la réduction, déroutant perception et imagination. La diffusion informe de l’encre dans le buvard en fournit une expérience quotidienne et banale à l’écrivain Sartre. La curiosité esthétique de Barthes l’amène à contempler les taches graphiques déposées sur toiles de Cy Twom-bly. Dans ses commentaires sur l’artiste américain [25], il décline les différentes façons de délier l’écriture de sa fonction directrice, signifiante et droitière. Griffure, tache ou salissure esthétisent le raté, gauchissement du sens, l’insignifiant du papier. Attentif à l’événement de la macule, Barthes accompagne cet abandon, lorsque Sartre, nostalgique du contrôle [26], identifie un comparant phénoménal.
21L’hommage de Barthes à l’auteur de L’imaginaire ne s’inscrit donc pas dans une filiation philosophique et relève plutôt d’une longue affinité que les années dites structuralistes ont occultée. Mais il demeure plaisant de constater que cette dédicace de La chambre claire déjoue les appartenances convenues, autant celle de Barthes à la sémiologie que celle de Sartre qui n’y figure pas vraiment comme représentant d’une phénoménologie classique. Il y va d’un clin d’œil à l’invention théorique et aux libres dérivations sartriennes de la phénoménologie. Si la critique rétrospective et totalisante des œuvres de Sartre permet d’en dégager une cohérence philosophique faite de dépassements et de retotalisation des premiers textes phénoménologiques, l’usage polygraphique de cette inspiration nous rappelle une pensée ouverte et jamais dogmatique, toujours curieuse de l’irréductible. Selon cette exigence, la « phénoménologie » sartrienne ne s’est pas laissé absorber ni mystifier par ses objets ou ses descriptions, ne s’est pas perdue dans l’esprit de sérieux contre lequel l’auteur de L’être et le néant mettait finalement en garde son lecteur : « Le résultat de l’esprit de sérieux qui, comme on sait, règne sur le monde, est de faire boire comme par un buvard les valeurs symboliques des choses par leur idiosyncrasie empirique. » [27] A l’inverse, la liberté inventive maintient la disponibilité aux choses, à leur contingence et à leur plurivalence. Si la phénoménologie a pu en proposer une méthode d’accès, elle a aussi permis à Sartre d’articuler plusieurs écritures, philosophiques et littéraires, et de concevoir des schèmes comme différents modes d’incarnation de l’être.
Notes
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[1]
Déjà Lyotard, dans son « Que sais-je ? » sur La phénoménologie (PUF, 1954), lui accordait une place très réduite.
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[2]
Vincent de Coorbyter montre comment Sartre s’emploie à retourner Husserl contre lui-même, in Sartre face à la phénoménologie, Ousia, Bruxelles, 2001.
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[3]
Carnets de la drôle de guerre, septembre 1939-mars 1940, Gallimard, 1995, p. 405.
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[4]
La force de l’âge, Gallimard, 1960, p. 156 ; cf. Annie Cohen-Solal, Sartre, Gallimard, 1985, p. 139.
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[5]
Commentant ces différentes significations de la main, Denis Hollier observe : « Sartre rendra grâce à Husserl de l’avoir délivré de l’épistémologie française, celle de Meyerson, Lalande et Brunschwicg, pour qui connaître, c’était toujours effectuer une manière d’assimilation. Le réel n’est pas ce que l’esprit s’approprie, il est inassimilable et indigeste, ce sur quoi plutôt les mains se salissent. Telle est la base de l’épistémologie nauséeuse pour laquelle connaître, ce n’est pas manger, c’est vomir. » (Politique de la prose, Gallimard, 1982, p. 173.)
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[6]
Michel Sicard, interrogeant Sartre sur son goût maniaque pour un type de papier quadrillé prédisposant à une ouverture de la lettre, obtient cette réponse : « Ce sont des rectangles : ils unissent la ligne supérieure à la ligne inférieure : c’est ça qui m’intéresse et que j’aime. Il y a du papier analogue avec des carrés : celui-là je ne peux pas m’en servir, il m’opprime la lettre que je fais. » (Sartre, Obliques, n° 18-19, dirigé par Michel Sicard, 1979, p. 19.)
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[7]
Ibid., p. 20.
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[8]
L’être et le néant, Gallimard, 1943, p. 702 (nous soulignons toutes les occurrences de cette comparaison).
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[9]
« Visages », in Michel Contât et Michel Rybalka, Les écrits de Sartre, Gallimard, 1970, p. 562.
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[10]
« Voici les yeux qui s’ouvrent et le regard paraît : les choses bondissent en arrière ; à l’abri derrière le regard, oreilles, narines, toutes les bouches immondes de la tête continuent sournoisement à mâchonner les odeurs et les sons, mais personne n’y prend garde. Le regard, c’est la noblesse du visage parce qu’il tient le monde à distance et perçoit les choses où elles sont. » (Ibid., p. 563.)
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[11]
L’être et le néant, op. cit., p. 317.
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[12]
Ibid., p. 418.
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[13]
Ibid., p. 465.
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[14]
Ce choix décèle évidemment combien le Pour-soi est masculin, même si Sartre refuse de le sexualiser. Les dernières pages de L’être et le néant sur l’appel d’être que présente le trou féminin en fournissent la confirmation (ibid., p. 706), rangeant la femme du côté du buvard et de la porosité.
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[15]
L’idiot de la famille, Gallimard, 1971, tome II, p. 1805.
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[16]
Nous avons proposé de les appeler « images propres » dans Sartre : l’incarnation imaginaire, L’Harmattan, 1996.
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[17]
Une étude attentive à la langue philosophique sartrienne, en tant que telle, permet de saisir de tels enjeux. Gilles Philippe en montre l’exemple par l’analyse de « l’écriture phénoménologique » du premier Sartre (« Embrayage énonciatif et théorie de la conscience », in L’analyse au discours philosophique, sous la direction de Frédéric Cossuta, Langages, n° 119, 1995).
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[18]
L’imaginaire, Gallimard, 1940, p. 148.
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[19]
« Aminadab », in Critiques littéraires (Situations I), Gallimard, 1947, p. 160.
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[20]
« Qu’est-ce que la littérature ? », in Situations II, Gallimard, 1948, p. 62.
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[21]
Le corpus des photographies de La chambre claire ne relève d’ailleurs pas d’une recherche personnelle, et vient directement du supplément photo du Nouvel Observateur. Barthes va jusqu’à mettre en doute l’existence de « la » Photographie à travers ses multiples usages. Rosalind Krauss préférera parler du « photographique » (Le photographique, Macula, 1990).
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[22]
Barthes reprend Sartre et croise aussi Blanchot (L’espace littéraire, Gallimard, 1955) dans cette analyse de l’image qui regarde son spectateur. Georges Didi-Huberman développe cette réversibilité dans ses remarquables analyses des sculptures de Tony Smith (Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Minuit, 1992).
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[23]
Barthes, La chambre claire, Cahiers du cinéma, Gallimard, Seuil, 1980, p. 48.
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[24]
Ibid., p. 177.
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[25]
Barthes, « Sagesse de l’art » et « Cy Twombly ou Non multa sed multum », in Œuvres complètes, tome 3, éd. E. Marty, Seuil, 1995.
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[26]
Devant les taches d’encre du test psychologique de Rorschach, Sartre prétendait malicieusement pouvoir identifier toutes les formes possibles et ainsi épuiser tous les sens du test.
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[27]
L’être et le néant, op. cit., p. 722.