Le paradigme esthétique dans l'analyse philosophique de Wittgenstein

1 – La matrice esthétique de la culture de la Grande Vienne

1Ce que Wittgenstein dans le Tractatus logico-philosophicus avait défini comme « das Mystische » – à savoir la valeur éthique, esthétique, le sens de la vie, l’expérience religieuse – relève selon lui de l’indicible, de l’ineffable. Par analogie avec l’attitude éthique, l’expérience esthétique est appréhension du monde comme d’un tout : par conséquent, elle ne peut porter sur tel fait ou telle action, mais sur la réalité dans son ensemble. De même que la proposition logique, la tautologie, ouvre l’espace logique des faits, c’est-à-dire la sphère même du pensable et des possibilités, de même que l’éthique est transcendantale – à savoir une condition du monde (dans la mesure où elle manifeste dans l’homme de bonne volonté, guten Wollens, l’acceptation des faits dans leur totalité) – ainsi, par analogie, la valeur esthétique réside dans l’appréhension du monde comme un tout avec lequel la subjectivité se trouve en accord. On pourrait dire que cette sphère du mystique, des valeurs inexprimables et indicibles, est un immense non-sens qui déborde le domaine du langage, et s’exclut donc de l’exprimable et de la pensée. Si l’on compare cette sphère à la fatidique proposition 6.54 du Tractatus, elle pourrait être évacuée : « Mes propositions sont élucidantes à partir de ce fait que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme des non-sens, si, passant par elles – sur elles – par-dessus elles, il est monté pour sortir. Il faut qu’il surmonte ces propositions ; alors il acquiert une juste vision du monde [1]. »

2Le dépassement des propositions du Tractatus par Wittgenstein lui-même (et par le lecteur) entraînerait l’élimination des valeurs mêmes qu’on ne peut ni doit consigner dans le langage.

3D’après ce qu’un groupe de philosophes américains notamment : Stanley Cavell, Cora Diamond, James Conant, Warren Goldfarb, a baptisé le « New Wittgenstein » [2], toutes les conditions, les formes, les objets, les états, les valeurs qui se manifestent – se montrent – mais ne peuvent pas se dire, sont en réalité des formes vides dans lesquelles on ne pense rien ; c’est-à-dire des lieux idéaux où nous ne nous trouvons ni ne pouvons nous trouver. Il s’agit là d’une vieille histoire, histoire vraie malheureusement, à l’origine de théories qui placent le sujet philosophant dans un lieu idéal où il ne peut tout simplement pas exister. Ainsi le philosophe thomiste à la recherche de l’adequatio intellectus et rei, le cartésien qui échappant au doute se hisse au rang d’une substance ou d’une chose qui pense et même le philosophe du langage qui considère d’un côté les mots d’un côté et de l’autre les faits (ce qui, malgré l’apparence, ne peut être dit du « premier Wittgenstein »). En fait encore partie le relativiste qui, affirmant que les cultures se valent, croit disposer d’un méta-vocabulaire, occuper un méta-lieu au dessus des cultures [3]. Voilà ce dont Wittgenstein nous a appris à nous méfier, à savoir des philosophes qui prétendent parler d’un lieu où ils ne peuvent se tenir.

4Ce motif ne constitue pas seulement un critère sémantique et épistémologique précis (qui trouvera par la suite à se vérifier et à s’approfondir dans la théorie de l’interprétation radicale de Donald Davidson) ; il a également un côté éthique qui concerne l’exigence mainte fois rappelée par Wittgenstein, de parler de la place que l’on occupe effectivement pour ainsi dire debout sur sa plante de pieds [4].

5La proposition 6.54 du Tractatus est l’une des propositions fondamentales sur lesquelles l’interprétation du New Wittgenstein prend appui pour dissoudre le dualisme entre ce que l’on peut dire (sagen) et ce qu’on ne peut pas dire mais seulement montrer (zeigen). D’après cette lecture, ce qui demeure non-sens sur le plan de l’explicitation linguistique ne peut pas trouver sens et vérité dans la région de l’ineffable et de l’indicible. Mais il faut remarquer à ce propos que la culture de la « Mittel-Europa » en général, et l’autrichienne en particulier, sont marquées par le refus du langage ordinaire car il est un instrument inapte à exprimer la connaissance et l’expérience des valeurs (éthique et esthétique). D’où l’allusion incessante faite par la culture autrichienne au thème de la non-représentabilité et de l’indicibilité des valeurs éthiques, esthétiques et existentielles ; allusion qui trouve une issue dans le mysticisme, dans l’abandon extatique à une expérience directe des choses et des valeurs au-delà des codes symboliques institutionnels. Ce grand tournant est lié au changement connu par Vienne que Karl Kraus définissait, sur la base de la refondation des langages dans la culture autrichienne, comme « l’atelier de la destruction mondiale » : une culture qui, entre la fin du XIXe siècle et les premières décennies du suivant, était caractérisée par une vaste remise en question de toute forme d’identité – celle de la personne, de l’élément masculin et de l’élément féminin (allant jusqu’à l’idéalisation de l’androgynie), de l’identité juive et, pour finir, de l’identité même de la civilisation de la « Mittel-Europa » de la culture autrichienne.

6Dans un essai de 1919 : L’annexion de l’Allemagne, Robert Musil ironise sur le concept même de « culture autrichienne » : « La culture autrichienne n’était, du point de vue viennois, qu’une erreur de perspective. C’était un vaste ensemble de singularités d’où l’esprit rayonnait, certes, mais personne n’était dupe quant au fait qu’il n’y avait aucun principe de synthèse […]. Quand bien même l’Autriche eût possédé une bonne réserve de culture personnelle, elle n’aurait eu cependant que très peu de culture authentique, c’est-à-dire, en fin de compte, intellectuelle [5]. »

7Tout comme l’ont fait Freud, Beer-Hofmann et von Hofmannstahl par exemple, Musil exprime ici ce que Hermann Bahr avait défini comme le « Wiener Selsbthaas », à savoir, la haine de Vienne pour elle-même [6]. Musil dénonce l’absence d’une synthèse, d’une forme de culture unitaire, marque de la non-culture (Unkultur) de son époque. Il aborde cette question dans l’une des versions de la préface aux Remarques philosophiques (1930) [7].

8La révision critique des codes culturels hérités de la tradition se reflète dans la mise en question des clivages métaphysiques et essentialistes tels que intérieur / extérieur, sujet / nature, esprit / corps, physique / psychologique, concept / sensation, universel / particulier.

9D’après le physicien Ernst Mach, la réalité est dans son ensemble conçue comme un flux de sensations ; les objets psychiques sont constitués, tout comme les objets de la physique, par des éléments (Elemente) sensoriels envisagés selon différentes perspectives. Dans L’analyse des sensations, Mach donne une illustration de sa vision du monde en parlant d’une « masse de sensations » (als eine zusammenhängende Masse der Empfindungen), ainsi qu’il en avait lui-même fait l’épreuve pendant sa jeunesse, à la campagne [8], à travers une expérience extatique. Il est important de souligner le fait que ce flux d’éléments sensoriels et immédiats – ces Elemente, ces Erlebnisse – constituent l’horizon scientifique à la fois de Mach, de la physique phénoménologique, de la philosophie de la science du Wiener Kreis, du Logische Aufbau der Welt de Rudolf Carnap, de l’épistémologie de Moritz Schlick aussi bien que l’horizon esthétique de la Nervenkunst : l’« art des nerfs » du premier Schönberg, de Hugo von Hofmannstahl, de Peter Altenberg, de Beer-Hofmann et d’autres.

10La critique de la culture (Kulturkritik) viennoise exprimait le malaise engendré par le statut des identités devenu incertain. Dans La lettre de Lord Chandos de Hofmannstahl, il ne s’agit pas simplement de remplacer un langage usé et exsangue pour passer à une expérience esthétique ineffable où l’homme serait en contact direct avec les choses. Hofmannstahl avait suivi les cours de Mach à l’Université de Vienne et il en avait retenu l’idée que le monde est telle une masse oscillante de sensations, ce qui sur le plan de l’esthétique se traduisait dans l’« art des nerfs », dans la « symbolique nerveuse » (Nervensymbolik) dont Hermann Bahr décrit le programme dans Zur Überwindung des Naturalismus[9]. La Nervenkunst est l’expression d’une condition existentielle définie par ce que Peter Altenberg appelait l’« hypertrophie du je » [10]. Dans la Lettre de Lord Chandos, Hofmannstahl parlait d’une expérience nouvelle et extatique qui, en l’éloignant des valeurs traditionnelles propres au langage ordinaire, le livrait à un monde de petits riens qui « le transpercent par la présence de l’infini » : « Mon cas, en bref, est celui-ci : j’ai complètement perdu la faculté de méditer ou de parler de quoi que ce soit avec cohérence […] Les termes abstraits dont la langue pourtant doit se servir de façon naturelle pour énoncer un quelconque verdict, se décomposaient dans ma bouche tels des champignons moisis […] Depuis lors, je mène une existence que vous aurez du mal à concevoir, je le crains, tant elle se déroule hors de l’esprit, sans une pensée ; une existence qui certes diffère à peine de celle de mon voisin, de mes proches et de la plupart des gentilshommes campagnards de ce royaume […] Il ne m’est pas aisé d’esquisser pour vous de quoi sont faits ces moments heureux ; les mots une fois de plus m’abandonnent. Car ce quelque chose qui reste sans nom et ne peut guère en recevoir, se présente à moi en ces instants, déversant comme dans un vase n’importe quelle apparence de mon entourage quotidien, un flot débordant de vie exaltée [11]. »

Partition musicale écrite par Wittgenstein, Margarethe Bieder, Vienne

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Partition musicale écrite par Wittgenstein, Margarethe Bieder, Vienne

11Une révision critique et radicale du langage ordinaire était menée, sur le plan philosophique et théorique, par Fritz Mauthner, qui considérait le langage comme un obstacle à la connaissance et à la communication entre les hommes. Selon une doctrine rabâchée, nous devons célébrer les liens que le langage établit entre les êtres. Mais on n’a jamais pensé au fait que toute la misère de la solitude ne trouve son origine nulle part ailleurs que dans le langage [12].

12C’est à l’horizon de ce monde flottant, fragmentaire et décousu que le principe de la subjectivité égocentrique et individualiste s’affirme. C’est ce principe qui est la cible de Schopenhauer, pour qui les déformations gnoséologiques et morales de l’homme renvoient à la séparation du sujet individuel et du monde. Le principium individuationis, la manifestation de la multiplicité des phénomènes spatio-temporels qui désunit l’unité du monde, représente un obstacle à la connaissance de l’essence unitaire de la réalité en soi aussi bien qu’à la vision et la conduite éthique et esthétique [13]. Nietzsche (dont l’influence est grande sur la culture autrichienne de cette période [14]) reprend, on le sait, deux éléments fondamentaux de la pensée de Schopenhauer, à savoir, la critique du principium individuationis et l’affirmation positive de l’intuition esthétique comme étant l’unique condition du dépassement de l’individualisme et du rétablissement d’une harmonie entre l’homme et la vie du Tout. Ces thèses décisives de la doctrine nietzschéenne de la tragédie se reflètent dans l’œuvre de Wittgenstein : « Rassemblées, de telles intuitions nous offrent déjà tous les éléments d’une conception du monde profonde et pessimiste, en même temps qu’elles révèlent la doctrine ésotérique de la tragédie, telle qu’elle provient des Mystères – soit la reconnaissance fondamentale de l’unité du tout ce qui est présent, la conception de l’individu comme cause originelle du mal et cette idée, enfin, que l’art est ce qui représente l’espoir d’une future destruction des frontières de l’individuation et le pressentiment joyeux de l’unité restaurée [15]. »

13Ainsi que nous le trouvons exposé dans le Tractatus, le rapport entre la logique et l’expérience renvoie directement à la question posée par Schopenhauer (et reprise par Nietzsche) du dépassement de l’individualité – assujettie à la multiplicité spatio-temporelle du monde phénoménal – moyennant une ascèse éthique et esthétique. Le Tractatus relie logique, éthique et esthétique dans une vision « sub specie aeternitatis ». Il s’agit d’un rapport effectif, formel au sens technique et non pas simplement littéraire, empathique ou allusif. Bref, comme la logique ouvre l’espace des possibilités tout en restant indépendante vis-à-vis de tout fait considéré en lui-même, ainsi l’éthique trouve sa source dans une attitude envers le monde considéré comme un tout et non dans ses aspects à chaque fois singuliers. « Le monde est mon monde » écrit Wittgenstein dans le Tractatus : voilà ce que peut dire un sujet ayant dépassé le principium individuationis et qui se trouve par conséquent en harmonie avec la réalité dans son ensemble. Cette vision constitue dans le Tractatus l’expérience du mystique. Le monde de la dimension éthique et esthétique est le même monde unitaire qui a été ouvert par les possibilités de la logique. En ce sens, l’éthique, l’esthétique et la logique se trouvent, dans la première œuvre de Wittgenstein, reliées et soudées entre elles. Nous lisons dans le Tractatus que « l’éthique est transcendantale […] Éthique et esthétique ne font qu’un (Ethik und Ästhetik sind Eins) [16]. » En l’élargissant jusqu’à l’éthique, Wittgenstein pousse ici sa conception immanentiste à l’encontre de la logique du dédoublement : « la récompense morale ou le châtiment doivent se trouver dans l’action elle-même ».

14Dans le sillage de Schopenhauer et à travers Nietzsche, ce sont l’esthétique et la musique en particulier qui jouent un rôle majeur dans la pensée de Wittgenstein : la comparaison entre proposition logique ou énoncé mathématique et phrase musicale traverse l’œuvre de Wittgenstein d’un bout à l’autre. Comme le dit R. Monk, quand Wittgenstein exprime son jugement sur les Principia Mathematica de Russell et Whitehead en disant que la lecture de l’œuvre est pour lui semblable à l’écoute d’une mélodie [17], on comprend bien l’importance que la musique revêt à ses yeux. À travers la comparaison des propositions du langage et des phrases musicales, Wittgenstein souligne leur affinité profonde en raison de leurs structures respectives : « La proposition n’est pas un agrégat de mots (Der Satz ist kein Wörtergemisch). La mélodie non plus n’est pas un agrégat de notes, comme le croient tous ceux qui ne sont pas de musiciens [18]. »

15« Le signe propositionnel réside dans le fait que les éléments de la proposition, les mots, se rapportent (en elle) les uns aux autres d’une manière déterminée. La proposition n’est pas une mixture de mots. (De même que le thème musical n’est pas une mixture de notes) La proposition est articulée [19]. » Dans une note du 7 février 1915, Wittgenstein compare les énoncés du langage aux thèmes musicaux : « Les thèmes musicaux sont en un certain sens des propositions. La connaissance de la nature de la logique conduira par là à la connaissance de la nature de la musique [20]. »

16Mais pourquoi la connaissance de l’essence de la logique devrait nous conduire à la connaissance de l’essence de la musique? Quelle est l’essence de la logique? La réponse à cette question est justement le Tractatus. La tautologie – « pV¬p » (il pleut ou il ne pleut pas) – est en effet le cas-limite du calcul des fonctions de vérité car elle est vraie inconditionnellement, quels que soient ses fondements de vérité. En ce sens, la tautologie déploie l’espace logique de toutes les possibilités, tandis que le cas-limite opposé, la contradiction – « p.¬p » (il pleut et il ne pleut pas) – annule l’espace logique et supprime toute possibilité. La tautologie, c’est-à-dire la proposition logique vraie inconditionnellement, constitue la condition de possibilité de toute proposition et – dans la mesure où les thèmes musicaux sont des propositions – celle des phrases musicales elles-mêmes. Dans une autre note du 4 mars 1915, Wittgenstein ajoute une précision décisive au lien logique-proposition-phrase musicale : « La mélodie est une espèce de tautologie, elle est refermée sur soi ; elle se satisfait elle-même [21]. »

17Mais toute expression linguistique est pour Wittgenstein « achevée et bouclée sur elle-même ». C’est pour cette raison que Wittgenstein avait engagé une vive polémique contre la Theory of Knowledge (1913) [22] de Russell, selon laquelle la connaissance directe (acquaintance) d’une forme logique pure, un ensemble abstrait conçu comme un objet singulier, serait la conditio sine qua non de la compréhension des propositions. Dans une note de 1914 des Carnets. Wittgenstein dit que « la proposition représente le fait, pour ainsi dire de son propre chef (auf eigene Faust) [23]. » Répondant à Russell pour qui « le symbole doit avoir la même structure que sa signification », Wittgenstein écrit du camp de Monte Cassino : « C’est justement ce qu’on ne peut pas dire. Tu ne peux pas prescrire à un symbole ce qu’il peut légitimement exprimer[24]. » Wittgenstein rappelle l’autonomie du langage, le fait qu’une expression linguistique dit ce qu’elle dit sur la base de ses propres ressources, à partir de l’association réitérée mainte fois entre énoncé et geste (Gebärde). Mais la phrase musicale aussi est un geste (tout comme sa compréhension) ; plus encore, l’architecture, elle aussi, est un geste. Comparer l’expression linguistique et artistique à un geste implique que la signification et la valeur des symboles sont intransitives, et immanentes à l’expression linguistique : il ne faut pas les rechercher dans une structure déjà là.

2 – Le paradigme esthétique dans le deuxième Wittgenstein

18Le rôle du paradigme esthétique est tout à fait central dans l’œuvre de Wittgenstein, et cela même dans les écrits postérieurs au Tractatus. Il ne se limite pas à l’expression d’une certaine conception des phénomènes artistiques et littéraires, mais il constitue une pierre de touche de toute l’œuvre du philosophe. Entre 1933 et 1934, Wittgenstein écrit : « Je crois avoir bien saisi dans son ensemble ma position à l’égard de la philosophie, quand j’ai dit : la philosophie, on devrait, pour bien faire, ne l’écrire qu’en poèmes (dichten). »

19Quelque temps après, le philosophe parviendra à ce qu’il lui semblera être « l’étrange ressemblance d’une recherche philosophique (surtout peut-être en mathématiques) avec une recherche esthétique (ainsi, ce qui ne va pas dans tel vêtement, ce qui serait seyant. » En se référant à l’œuvre de Schiller, Wittgenstein estimait connaître par expérience personnelle la signification d’une « disposition poétique » (poetische Stimmung) qui épouse les mouvements de sa pensée dans un relation de proximité et d’écoute de la nature. En effet, Wittgenstein compare la beauté des objets et des structures mathématiques aux beautés de la nature, ainsi la régularité d’un cristal. Après avoir cité les auteurs qui l’ont influencé, Wittgenstein déclare que son originalité à lui réside dans l’invention de métaphores nouvelles (Gleichnisse) [25]. Le philosophe autrichien déplore le fait que – dans une forme de vie et de civilisation dominée par la technique et la science – les hommes estiment que seuls les scientifiques peuvent nous apprendre des choses, et non les musiciens ni les poètes. Mais c’est aussi dans les œuvres du second Wittgenstein que le paradigme esthétique oriente la description des démonstrations mathématiques considérées comme une image harmonieuse, telle une structure cohérente, convaincante (überzeugendes, wohlklingendes) [26]. Dans la pensée de Wittgenstein est à l’œuvre l’utopie d’une condition esthétique, soustraite aux dispositifs mécaniques de la Zivilisation moderne, et aussi à ce que Musil définit à la même époque comme la logische Mechanisierung, la mécanisation logique de la vie qui a son origine dans le langage institutionnel, dans le langage de code propre à l’âge de la science et de la technique. Cette critique de la Zivilisation, c’est-à-dire de la modélisation mécanisée de toutes les dimensions de l’existence humaine, marque une profonde affinité entre les œuvres de Wittgenstein et de Musil. Wittgenstein déclara une fois à ses étudiants de Cambridge que « l’aura de la philosophie s’est perdue. En effet, nous sommes actuellement dotés d’une méthode pour faire de la philosophie, et nous pouvons parler de philosophes de métier. Comparez ce qui fait la différence entre l’alchimie et la chimie ; la chimie possède une méthode et nous pouvons parler de chimistes de métier. Mais une fois la méthode trouvée, les possibilités pour la personnalité de s’exprimer sont corrélativement restreintes. La tendance de notre époque consiste à restreindre de telles possibilités ; ce phénomène est caractéristique d’une époque de culture déclinante, ou de l’absence de culture [27]. »

20Wittgenstein élargit cette critique de la culture au domaine des mathématiques en estimant que « la méthode des mathématiques n’est pas un moyen pour aller quelque part » [28]. Dans les Remarques sur les fondements des mathématiques, il s’attaque à l’idée d’une « mécanisation des mathématiques » (des Mechanisierens der Mathematik) et refuse « la mode du système axiomatique » (die Mode des axiomatischen Systems). Wittgenstein se sert du modèle esthétique pour réagir contre l’intervention des modèles mécaniques à l’intérieur du symbolisme linguistique et de ses modalités d’application. De même, pour penser la preuve et la démonstration mathématique, Wittgenstein propose de substituer le paradigme de type esthétique au mécanisme causal. Les prémisses d’une démonstration ou d’une argumentation ne sont pas les causes de la conclusion : 4=2+2 et 2=1+1 ne sont pas à prendre comme cause de la conclusion 4=1+1+1+1, car la valeur de la conclusion n’est pas prédéterminée a volo dans les deux prémisses [29]. Par analogie, dans la formule de la logique des prédicats (x)fx, la succession du produit logique fa. fb. fc … fn ou de la somme logique fa v fb v fc. v… v fn ne sont pas prédéterminées a volo. Wittgenstein rejette la relation de type causal-mécanique propre aux phénomènes de la physique hors du symbolisme où on l’a exportée ; il introduit l’idée de la démonstration logico-mathématique en termes d’image (Bild) ou de paradigme (Paradigma) « harmonieux et convaincants » : il s’agit d’une confrontation entre constellations de symboles et de formes. En d’autres termes, la formule (x)fx n’est pas la cause ou ce qui prédétermine la formule fa v fb v fc. v… v fn car les deux formules ne font en réalité que s’éclairer réciproquement : le fait que de (x)fx il s’ensuit fa v fb v fc. v… v fn éclaire la signification de (x)fx. Plutôt que de relations causales et mécaniques, Wittgenstein met en évidence l’entrelacs des prémisses avec les conclusions. La preuve mathématique n’est pas le résultat d’une expérimentation ni d’une action mécanique ; elle est plutôt une image illustrant la manière dont on tire des conclusions entre les formes du symbolisme. Wittgenstein affirme en ce sens que « la preuve doit être faite par le regard », c’est-à-dire que « la preuve n’est pas une expérimentation » [30]. La preuve, en mathématiques, est un nouveau paradigme [31]. L’inférence n’est pas le résultat d’une expérimentation ou de relations causales, mais une constellation de symboles qui apparaît comme légitime à l’intérieur d’un paradigme, d’une image [32].

21À l’encontre de Russell et de son logicisme d’après lequel un lien de fondation causale subsiste entre logique et mathématiques, Wittgenstein retranscrit l’équation de Russell (des 7 pommes et des 5 poires) [33] dans les termes d’un paradigme esthétique : on pourrait construire des modèles en forme d’étoile (sternförmige Muster), l’un pour le côté gauche, l’autre pour le côté droit de l’implication, puis les comparer entre eux « en les transformant en un seul ornement » (Ornament). Nous obtiendrons de la sorte une façon parmi les autres de représenter la correspondance biunivoque mais certainement pas une égalité arithmétique. Wittgenstein compare l’introduction d’un nouveau paradigme de preuve mathématique à la composition d’un nouveau mélange de couleurs. L’élévation à la puissance d’un nombre naturel n’est que l’établissement d’une nouvelle image où le dénombrement des facteurs se trouve lié à la technique de la multiplication. À l’intérieur de ce paradigme, la notion de « représentation synoptique » (übersichtliche Darstellung est décisive : « Quand j’écrivais “la preuve doit être synoptique” cela signifiait : la causalité ne joue aucun rôle dans la preuve ». L’essentiel, en mathématiques est que l’on doit pouvoir avoir une vue d’ensemble (übersehbar) de la preuve [34]. Wittgenstein reconnaît, dans le regard et dans le voir, la condition d’une nouvelle découverte logique et mathématique. À cette modalité du regard et du voir capable de reconnaître une nouvelle forme et une nouvelle signification dans une vieille formule, Wittgenstein rattache la découverte de la « stroke function », de la barre de Sheffer « | » en tant que seul facteur du calcul véri-fonctionnel, dont l’invention est due au mathématicien H. Sheffer. Là où Frege voyait deux constantes logiques, à savoir « ¬ (…). ¬ (..) », Sheffer n’en met en lumière qu’une seule [35]. L’évidence d’une proposition mathématique signale le fait que les locuteurs ont choisi un mode particulier d’emploi et d’application des symboles, faisant de celui-ci un paradigme de preuve [36].

22La présence d’un modèle de type esthétique dans l’analyse linguistico-conceptuelle de Wittgenstein semble donc évidente dans l’enquête sur les fondements des mathématiques. Wittgenstein souligne comment le développement d’une succession mathématique, qui constitue le développement d’une décimale illimité non périodique comme ?, n’est pas déjà préétabli a volo par une prémisse d’ordre logico-mathématique, à l’intérieur d’une structure formelle rigide qui le devance, et comment il doit, au contraire, être construit pas à pas dans une procédure. C’est Wittgenstein lui-même qui compare la construction mathématique à l’opération poétique, au chantier d’un artiste qui n’a pas encore décidé du destin de son héros : « On ne s’aperçoit de l’étrangeté de la question de savoir si la figure ? (une certaine disposition des chiffres, par exemple “770”) va intervenir dans le développement infini de ? que lorsqu’on cherche à poser de façon très terre à terre la question : les hommes ont été dressés de façon à disposer des signes suivant certaines règles. Ils procèdent maintenant en accord avec cette éducation, et nous disons que c’est un problème de savoir si en suivant la règle donnée, ils traceront jamais la figure ?. Mais que dit celui qui dit qu’une chose est claire : que l’on arrivera ou que l’on n’arrivera pas à ? dans le développement infini? Il me semble que celui qui dit cela établit déjà lui-même une règle, ou un postulat. Et si l’on répondait par une question : « il n’existe pas encore de réponse à cette question? » C’est ainsi que pourrait répondre le poète si on lui demandait si le héros d’un conte a une sœur ou non, alors qu’il n’en a pas encore décidé. La question, veux-je dire, change son statut lorsqu’on peut la trancher, car un rapport est créé qui, auparavant, n’existait pas. […] Aussi étrange que cela paraisse, l’évolution d’un nombre irrationnel est une évolution des mathématiques. […] Je veux dire : il semble qu’il existerait déjà une raison pour décider, et qu’il faudrait seulement la découvrir [37]. »

23Influencé par L. Brouwer qui avait distingué l’action mathématique véritable et les mathématiques du deuxième ordre ou logique mathématique [38], Wittgenstein, reformule en termes esthétiques et constructifs le processus qui génère les entités mathématiques. Quand il rejette l’alternative entre présence ou non d’une certaine propriété dans le développement de ?, il met en question le principe du tiers exclu, à savoir la possibilité d’inférer l’existence mathématique à partir d’un procédé logique. Là où l’attitude logicisante présuppose la décidabilité d’une question mathématique et, par conséquent, infère l’existence ou la non-existence, le modèle esthético-constructiviste de Wittgenstein reconnaît au contraire l’exigence d’une décision qui est encore à prendre, l’invention de quelque chose que les hommes ne peuvent pas trouver s’ils ne l’inventent pas. Tout au long de son œuvre, Wittgenstein démantèle la théorie philosophique qui part de l’idée d’une connexion secrète et intrinsèque entre chaque moment d’un processus symbolique. Ce que Wittgenstein appelle « pensée », à savoir le fait de déplacer et relier des symboles, n’est qu’un contexte, une séquence ouverte et variée d’éléments, tout comme ce qu’il appelle « mathématiques » n’est qu’une mixture bigarrée de techniques de démonstration, « ein buntes Gemisch von Beweistechniken » [39]. Dans la tradition philosophique, le terme « cohérence » correspond à l’idée d’une corde ou bien d’une colle qui lie un signe à un autre à l’intérieur d’une connexion nécessaire, et cela, à partir de ce que l’on considérait comme le terme premier et cela Jusqu’au dernier, suivant la règle « s’il y a cette chose, il doit bien y avoir cette autre ». Dans les travaux plus tardifs de Wittgenstein, la traditionnelle vision de la cohérence est remplacée par l’idée d’un contexte varié et multicolore de signes à l’intérieur duquel on ne peut plus dire « s’il y a cette chose, il doit bien y avoir cette autre ». L’esprit est le nom d’un contexte de signes, traces qui se relient ensemble et qui, dans leur être-ensemble, prennent une physionomie unitaire grâce aux symboles du langage, de ce langage qui est la clause de leur coexistence. C’est celle-ci précisément qui est la dimension esthétique de l’analyse philosophique de Wittgenstein. En ce sens, le langage ne présente pas de ressemblances entre les choses : il est plutôt l’instrument qui décide et produit des ressemblances. Le langage nous permet de les reconnaître, et dès lors les construit.

24Université de Pise

Notes

  • [1]
    L. Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, en trad. fse par Gilles Granger, Gallimard, 1993.
  • [2]
    A. Crary et R. Read (co-ed.), The New Wittgenstein, London and New York, Routledge, 2000.
  • [3]
    Cf. Hilary Putnam, Raison, vérité et histoire, Éd. Minuit, 1994.
  • [4]
    Cf. Aldo Giorgio Gargani, Il coraggio di esistere, Rome-Bari, Laterza Editori, 1992, pp. 75-104, en français « Le courage d’être. Introduction aux Carnets secrets 1914-1916 de Ludwig Wittgenstein » in Agone. Philosophie, Politique & Sociologie. 26/27, 2002, pp. 277-311.
  • [5]
    Robert Musil, Der Anschluss an Deutschland in Gesamelte Werke, Hambourg, Rowolt, 1978, Bd 8, pp. 1039-1041.
  • [6]
    Cf. Hermann Bahr, Wien, Stuttgart, C. Krabbe, 1906, p. 9. Voir aussi l’ample perspective proposée par J. Le Rider, op. cit., p. 23.
  • [7]
    « La culture est semblable à une grande organisation qui indique sa place à chacun de ses membres, une place où il puisse travailler dans l’esprit du tout et où sa force puisse, de la façon la plus légitime, être mesurée à ses conséquences heureuses pour le tout. Mais à l’époque de la non-culture, les forces s’éparpillent, celle de l’individu s’épuise à cause des forces opposées et des résistances dues aux frottements, et ce n’est pas sur toute la longueur du chemin parcouru qu’elle vient à s’exprimer, mais seulement peut-être dans la chaleur qui se dégage dans ces frottements lorsqu’elle les surmonte. Mais l’énergie reste énergie, et si le spectacle qu’offre cette époque n’est pas celui d’une grande culture en devenir, dans laquelle les meilleurs travaillent à une grande fin, la même pour tous, mais bien le spectacle moins imposant d’une foule dont les meilleurs ne poursuivent que des buts privés, nous ne devons cependant pas oublier que le spectacle n’est pas ce dont il s’agit. Si donc est clair pour moi que la disparition d’une culture ne signifie pas la disparition de la valeur humaine, mais simplement d’un certain mode d’expression de cette valeur, le fait n’en demeure pas moins que c’est sans sympathie que je regarde le fleuve de la civilisation européenne, sans compréhension pour ses fins – à supposer qu’elle en ait. J’écris donc proprement pour des amis qui sont dispersés aux quatre coins du monde » ; Wittgenstein, en trad. fse par Gérard Granel. Remarques mêlées, Mauvezin, T.E.R., 1984. p. 18.
  • [8]
    Cf. E. Mach, en trad. fse par F. Eggers et Jean-Maurice Monnoyer, L’analyse des sensations : le rapport du physique et du psychique, Paris, Chambon, 1996.
  • [9]
    H. Bahr, Zur Überwindung des Naturalismus : theoretische Schriften 1887-1904. Stuttgart-Berlin-Cologne, W. Kohlhammer, 1968.
  • [10]
    Peter Altenberg, Wie ich es sehe, Berlin, Fischer, 1919, p. 226.
  • [11]
    H. von Hofmannstahl, Lettre de Lord Chandos, op. cit., pp. 42 et suiv.
  • [12]
    F. Mauthner, Neiträge zu einer Kritik der Sprache, Francfort-Berlin-Wien, W. de Gruyter, 1982, p. 39.
  • [13]
    A. Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, en trad. fse par A. Bourdeau. nouvelle éd. rev. et corr. par R. Roos, P.U.F., 1966, IV/63 : « La manifestation, l’expression objective de l’universelle volonté de vivre, c’est le monde, le monde avec toutes ses divisions, avec toutes ses formes d’être […] Maintenant, il est bien vrai que, pour les yeux de l’intelligence, telle qu’elle est dans l’individu, soumise au service de la volonté, le monde ne se montre pas avec la même figure que lorsqu’il finit par se révéler au chercheur qui reconnaît en lui la forme objective de la volonté unique et indivisible […] Non, le monde étend devant le regard de l’individu brut le voile de Maya, dont parlent les Hindous ; ce qui se montre à lui, à la place de la chose en soi, c’est le phénomène seul, sous les conditions du temps et de l’espace, du principe d’individuation, et sous celles des autres formes du principe de raison suffisante. Et avec cette intelligence ainsi bornée, il ne voit pas l’essence des choses, qui est une, il en voit les apparences, il les voit distinctes, divisées, innombrables, prodigieusement variées, opposées mêmes ».
  • [14]
    Sur l’influence de Nietzsche sur la culture autrichienne, voir W.J. McGrath, Dyonisian Art and Populist Politics in Austria, Yale University Press, 1974 ; J. Le Rider, Modernité viennoise et crises de l’identité, op. cit., pp. 40 et suiv. ; Jean-Pierre Cometti, Robert Musil ou l’alternative romanesque, P.U.F., 1985 et Musil philosophe. L’utopie de l’essayisme, Seuil, 2001 ; Jacques Bouveresse, L’homme probable, Combas, Éd. de l’éclat, 1983.
  • [15]
    F. Nietzsche, La naissance de la tragédie, (trad. par Michel Haar, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy), Gallimard, 1977, p. 70.
  • [16]
    Tractatus, op. cit., 5.6. 5.61 et 5.62, puis 6.421.
  • [17]
    Cf. Ray Monk, en trad. fse : Wittgenstein. Le devoir de génie, Paris, Odile Jacob, 1993.
  • [18]
    L. Wittgenstein, en trad. fse par Gilles Granger, Carnets 1914-1916, Gallimard, 1971, p. 89.
  • [19]
    Tractatus op. cit., 3.14 et 3.141.
  • [20]
    Carnets 1914-1916, cit., p. 86.
  • [21]
    Ibid., p. 87.
  • [22]
    manuscrit resté inachevé, et finalement traduit par J. Michel Roy, Vrin 2002.
  • [23]
    Carnets, op. cit., p. 64.
  • [24]
    Ibid., p. 234.
  • [25]
    Remarques mêlées, v. respectivement p. 54, 35, 39, 79. 28.
  • [26]
    Bemerkungen… ou Remarques sur les fondements des mathématiques, op. cit., II, section 59
  • [27]
    Wittgenstein, Lectures 1930-1932, Oxford, Blackwell, 1980 ; traduit de l’anglais par Elisabeth Rigal, Le cours de Cambridge 1930-1932, Mauvezin, T-E-R. 1988, p. 24.
  • [28]
    in Wittgenstein and the Vienna Circle ou WWK, Oxford, Blackwell, ed. Brian McGuinness, 1967, p. 33 ; en trad. fse par Gérard Granel, Wittgenstein et le Cercle de Vienne, Mauvezin, T-E-R, 1991.
  • [29]
    W.W.K op. cit., pp. 152-57.
  • [30]
    Bemerkungen über die Grundlagen der Mathematik, Blackwell, 1956, en trad. fse par Marie-Anne Lescourret, Remarques sur les fondements mathématiques, Gallimard, 1983, II, 39 : « Der Beweiss muss übersehbar sein ».
  • [31]
    Ibid., II, 41.
  • [32]
    Ibid., V, 45.
  • [33]
    Bemerkungen… ibid. III, 6, p. 141.
  • [34]
    Ibid. v. respectivement III, 31, p. 154 ; 47, p. 164 ; IV, 41, pp. 211-212 et III, 1, p. 137 ; III, 55, p. 169-170.
  • [35]
    H.M. Sheffer, in Transactions of the American Mathematical Society, 14 (1913), p. 481-88. Voir aussi W.W.K. chez T.E.R. op.cit., pp. 122-23
  • [36]
    Bemerkungen… op. cit., IV, 3, p. 196.
  • [37]
    Ibid. V, 9, p. 227-228.
  • [38]
    Cf. L.E.J. Brouwer, « Mathematik, Wissenschaft und Sprache " in : Monatsheft für Mathematik und Physik, XXXVI, 1929 ; trad. par J. Largeault, Intuition et intuitionnisme, Vrin, 1993. Voir aussi A. Gargani, « Procédures constructives et techniques descriptives : Schoenberg-Wittgenstein », in Sud. Revue Littéraire, XVI, Marseille, 1986. pp. 74-121.
  • [39]
    Bemerkungen… op. cit., III, 46, p. 161.