L'intériorité en question.
1Faut-il inviter Kierkegaard au débat que notre modernité ou post-modernité poursuit autour de la question de l’intériorité? La réponse semble de prime abord évidente. À l’opposé de la vision hégélienne d’un Esprit qui n’est qu’en tant qu’il se révèle, Kierkegaard apparaît assurément comme un penseur éminent de l’intériorité, de son brûlant secret, irréductible à toute généralité ou phénoménalité. Mais en même temps, la modernité, fille de Hegel, ne porte-t-elle pas en elle la contestation radicale de l’idée d’intériorité? Que le sujet, irrémédiablement déconstruit, ne puisse se réfugier dans une pure présence ou intimité à soi, c’est notamment le diagnostic que E. Levinas, dans le sillage de J. Derrida, propose face à la crise contemporaine de l’humanisme. Dans les pensées inspirées par le structuralisme comme chez Heidegger, il découvre la ruine d’un sujet dont l’intériorité « ne se ferme plus de l’intérieur » : « l’intériorité du moi [...] se dissout dans la totalité sans replis, ni secrets. Tout l’humain est dehors » [1]. Est-ce à dire que, champion du for intérieur, Kierkegaard se trouve disqualifié face à une réflexion astreinte à reconnaître le primat indéfectible de l’extériorité? Ce serait évidemment oublier que le Danois est aussi – et peut-être surtout – celui qui, selon les propres termes de Levinas, tente de penser la sortie hors de soi, le passage du Même à l’absolument Autre [2]. Pour Kierkegaard, l’intériorité ne se réduit pas à un simple repli sur soi – attestant encore le privilège du sujet – mais au contraire, est, au plus intime, comme hantée par un Autre excédant ses pouvoirs. D’où la singulière complexité de sa confrontation avec les penseurs clés de la modernité : Heidegger, Levinas.... S’il semble parfois tomber sous le coup de leurs critiques, il peut aussi apparaître - notamment par tout ce qui, dans son écriture (jeux de miroirs, dédoublements mimétiques....), se dérobe à l’énoncé direct – plus « moderne » qu’eux, plus disposé à déposséder le sujet de sa souveraineté en le montrant pris dans un rapport inextricable avec l’altérité.
2Pour entamer le dialogue entre Kierkegaard et Levinas, rappelons les deux gestes majeurs autour desquels s’articule Totalité et Infini. D’une part, le sujet est institué en son intériorité dès lors qu’il trouve refuge dans un quant à soi séparé de la Totalité ; d’autre part, c’est depuis ce quant à soi qu’il est appelé à découvrir les limites de sa souveraineté en rencontrant l’Autre. Plus précisément, ce qui domine dans ces deux gestes est leur non-violence. Replié sur soi, le sujet est doublement épargné : il est soustrait à la violence de ce que Levinas dénonce sous le nom de « participation », l’absorption du moi dans un Tout où il est comme arraché à lui-même, et de surcroît son ouverture à l’Autre se produit dans la pure non-violence de la relation éthique. Or, il est remarquable qu’à travers ces deux gestes, Levinas accuse justement Kierkegaard de la violence qu’il entend récuser. À situer l’épreuve du religieux au-delà de l’éthique, l’auteur de Crainte et Tremblement commettrait une double faute. Cédant à l’ivresse du Sacré ou du Numineux, il ignorerait que la véritable intériorité est rupture avec la « participation » [3]. De plus, mu par le souci égoïste du salut (souci relevant encore de la persévérance dans l’Être), il ignorerait la véritable ouverture à l’Autre : soucieux seulement de sa propre existence, il serait complice de la violence que le Même exerce sur l’Autre, violence dont témoignerait son goût du scandale, sa protestation bruyante, voire impudique contre le Système [4]. Ces objections touchent-elles réellement Kierkegaard? Ce n’est pas sûr. À la première, il pourrait répondre que la rencontre avec le Tout-Autre ne saurait être vécue sur le mode de l’effusion ou de l’extase. Bien au contraire, il insiste pour qu’elle soit assumée dans le strict médium de l’intériorité, ce qui exclut toute expression directe du sentiment religieux, condamnée par lui aussi vigoureusement que la Schwärmerei par Kant [5]. Révélateur est à cet égard le parallèle que l’on peut tracer entre le moment du socratisme chez Kierkegaard et celui du repli sur soi – encore nommé athéisme – chez Levinas. Pour les deux penseurs, le sujet ne doit pas d’emblée s’abandonner à l’Autre. Il doit être d’abord sujet autonome, présence intérieure à soi, et ce n’est qu’à partir de là qu’il peut s’ouvrir à l’Autre, être débordé par une Transcendance qui n’annule jamais l’exigence première d’autonomie. D’où, malgré la critique de Levinas, la rigueur de la démarche de Kierkegaard, lequel rejette lui aussi l’abandon immédiat au Transcendant, affirme aussi la centralité ou priorité de la sphère propre du sujet avant d’en appeler à son dépassement en faveur de l’Autre.
3Quant à la seconde objection – le tort qu’aurait Kierkegaard de ne se soucier que de soi –, elle s’avère également peu convaincante. Si sa pensée n’est pas réductible au « cri égoïste de la subjectivité » [6], c’est d’abord parce que le cri relève de l’expression directe qu’il rejette, on vient de le voir, au profit de la difficile épreuve de l’intériorité. C’est vrai de l’épisode des fiançailles (« Elle choisit le cri, moi, la souffrance » [7]) comme de tout débat ou combat qu’il mène avec le monde. Sans doute finit-il par laisser éclater le cri qu’il renferme au départ en son for intérieur [8]. Mais ce qui ressort de ce cheminement, c’est précisément son dilemme entre une stratégie indirecte qui le voue plus ou moins au silence et un conflit ouvert auquel il ne se résout qu’en dernier recours, scrupule qui montre assez l’injustice qu’il y a à lui reprocher une particulière attirance ou complaisance pour le scandale.
4Cependant, même étouffé, son cri pourrait indiquer qu’il n’est soucieux que de sa propre existence. Est-ce le cas? Le souci de l’Autre n’occupe, certes, qu’une place marginale dans son discours philosophique. Il se laisse en revanche clairement déchiffrer à travers son écriture biographique. Il faut donc que ce souci soit comme effacé ou occulté dans l’élaboration conceptuelle qu’il propose de son tourment existentiel. Une telle censure n’est du reste pas sans conséquence pour les « héritiers » de sa pensée. Ainsi tout se passe comme si, dans l’analyse existentiale du Dasein – un Dasein essentiellement défini par le souci qu’il a de son propre être –, Heidegger accentuait encore l’effacement de l’Autre initié par Kierkegaard mais dont les marques ne cessent d’être chez lui repérables au plan biographique. Comme on tente de le montrer ailleurs [9], la subjectivité kierkegaardienne se constitue dans le face-à-face spéculaire avec la figure d’un Autre qui est avant tout le Père. Or c’est justement ce renvoi à l’altérité qui disparaît chez Heidegger. Terme central du vocabulaire de Kierkegaard, le Sorg désigne le chagrin, le deuil, l’affliction par quoi il s’identifie « mimétiquement » à la souffrance paternelle. Au contraire, le souci-Sorge n’indique plus chez Heidegger que la nécessité pour un Dasein « solipsiste » d’avoir charge de son être. De même avec le phénomène de l’angoisse. Pour Kierkegaard, s’angoisser, c’est céder au vertige de l’identification à l’Autre (au Père) au point de se croire comme prédéterminé à fauter.Y a-t-il une telle prédétermination de l’individu par ce qui lui vient de l’Autre? Si toute l’analyse du Concept d’angoisse est menée à partir de cette hypothèse, elle est aussi dirigée contre elle. La rejetant comme un cas limite au fond impossible, elle affirme que c’est toujours l’individu lui-même qui se détermine à la faute. Le vertige de la liberté, il le ressent en plongeant le regard dans son propre possible (i sin egen Mulighed) – et non dans celui que lui réfléchirait l’Autre [10].
5Mais à partir de là, on voit bien comment Heidegger infléchit vers le propre (eigen) une analyse qui ne cesse de rester chez Kierkegaard en suspens entre le soi et l’Autre. Ne retenant d’elle que ce qui s’accorde avec la thématique de l’Eigentlichkeit, il fait de l’angoisse non plus l’expérience vertigineuse (car dépossédante) de l’altérité mais l’expérience en laquelle le Dasein s’éprouve face au néant dans sa possibilité la plus propre.
6Comment le souci primordial que Kierkegaard a de l’Autre se traduit-il dans son rapport spéculaire au Père? Souffrant d’avoir été rendu malheureux par le Père (Dieu ou le père terrestre), il souffre encore plus de la souffrance de l’Autre, de la souffrance que l’Autre ressent à le voir souffrir [11]. Mais c’est justement une telle souffrance en miroir que Levinas inscrit au cœur du souci de l’Autre : « L’humanité, c’est le fait de souffrir pour l’autre, et jusque dans sa propre souffrance, souffrir de la souffrance que ma souffrance impose à l’autre [12] ». Mieux encore, lorsque, dans une étude sur R. Haïm de Volozin, Levinas fait l’éloge de cette souffrance pour l’Autre, il semble que remonte précisément à sa mémoire une réflexion de Kierkegaard ! Que l’homme cesse de se soucier de sa propre souffrance (ou de son propre salut) pour souffrir avec Dieu et, dit Levinas, sa souffrance « s’adoucit : il ne sent plus sa propre douleur, comparée à un tourment dépassant le sien en Dieu [13] ». Or tels sont littéralement les mots de Kierkegaard pour parler (à la troisième personne) de son douloureux face-à-face avec le Père : « … son chagrin s’adoucira : bientôt il en souffrira plus pour son père que pour lui-même, il oubliera sa propre douleur dans le profond chagrin qu’il ressentira sympathiquement en pensant combien cela serait dur pour son père s’il s’en rendait compte [14] ».
7Afin d’éclairer encore le lien entre la pensée de Kierkegaard et sa sollicitude envers l’Autre, on peut se tourner vers l’épisode crucial de la rupture des fiançailles. Si rompre revient, pour lui, à dépasser l’éthique vers le religieux, il semble bien, comme le prétend Levinas, que son souci de soi l’emporte en la circonstance sur son souci de l’Autre. Il faut toutefois noter qu’avec la rupture, il ne se libère pas de sa responsabilité envers Régine. Au contraire, il se montre alors comme obsédé par l’idée d’avoir pu entraîner la mort de la jeune fille. Obsession de l’Autre dont il croit devoir se charger comme d’un impératif éthique (« Dans la possibilité […] un meurtre pèse sur ma conscience. Quelle est ma peine? De supporter cette conscience […] Une obligation éthique ne se laisse pas épuiser par un calcul de probabilités mais seulement en prenant sur soi la possibilité extrême de la responsabilité [15] »). Obsession qui offre par là une singulière ressemblance avec celle dont Levinas fait, dans sa dernière pensée, la marque même de 1’ « autrement qu’être », la radicale assignation du moi par un Autre qui le bouleverse de fond en comble. Si le moi est chez Levinas pourchassé par Autrui au plus intime [16], tel est aussi le destin de Sören, poursuivi par l’image fantomatique de Régine défunte comme par une possibilité qui le harcèle ou le hante sans lui laisser le moindre repos [17].
8Est-ce à dire que Kierkegaard soit moins éloigné qu’il ne paraît de l’éthique Levinassienne? Contre cette conclusion, on peut faire valoir que l’assignation par Autrui ne constitue pas pour lui un moment indépassable. Tant qu’il est en proie au souci d’un Autre, explique-t-il, il n’a guère le temps pour ce qu’il reconnaît être sa véritable vocation, à savoir, « se soucier de sa propre douleur ». Aussi bien son projet après la rupture n’est-il pas de rester sous l’emprise accablante d’une Régine imaginaire. Il est bien plutôt d’échapper à celle-ci en faisant retour à lui-même, en se ressaisissant en la pure intériorité du religieux [18]. Faut-il dès lors malgré tout donner raison à Levinas, quand il accuse Kierkegaard de n’avoir souci que de sa propre existence? Sans doute le faudrait-il, si Kierkegaard pouvait mener son projet à bien. Mais, de son aveu même, il n’y parvient guère. Alors qu’il voudrait se ressaisir « en son être propre », il est sans cesse retenu en deçà de ce terme idéal, maintenu en suspens, ou encore, tenu sous l’emprise de l’Autre, dont il ne saurait se libérer [19]. Plus significatif encore, il s’avère que cet infini suspens ne diffère pas de celui qui constitue la trame même de l’existence. Kierkegaard le laisse entendre lorsqu’évoquant son impuissance à revenir à lui-même, il se compare à un coquillage ne cessant de souffrir d’une brindille qu’un enfant – Régine – a malencontreusement introduite en lui [20]. La métaphore s’interprète aisément et elle n’est pas sans faire écho au discours de Levinas sur l’Autre. Exister, c’est être toujours déjà affecté au-dedans de soi par une altérité irrémédiable, c’est en souffrir comme d’une blessure qui, pas plus qu’elle ne laisse l’existence se refermer (slutte sammen) en un Système pleinement achevé, ne laisse l’existant se ressaisir (slutte sig sammen) en une pleine présence à soi, une pure intériorité où il ne serait plus en proie au Splint (brindille) ou Splid (division, scission…) introduit en lui par l’Autre [21].
Intériorité et violence
9Si l’on a vu Kierkegaard passablement critiqué par l’auteur de Totalité et Infini, on voit à présent s’esquisser un certain rapprochement entre lui et le dernier Levinas. Comment expliquer ce décalage? Avant d’en questionner la logique interne, observons que le tournant dans la pensée de Levinas coïncide avec l’émergence du concept de trace (diachronie d’un passé qui n’aura jamais été présent), et par suite, comme il ne manque pas de le souligner, en référence directe à Kierkegaard. C’est Kierkegaard qui, le premier, développe l’idée d’une vérité humiliée ou persécutée, une vérité qui, étrangère au monde, demeure toujours en retrait, comme réfractaire à la manifestation, dans un incognito où elle renonce par avance à toute entrée triomphante dans la présence [22]. Chez Kierkegaard, il s’avère de plus en plus que l’hétérogénéité au monde suppose une incontournable violence. Est-ce sur ce point que se rapproche de lui le dernier Levinas? En effet, si Levinas commence par exclure de la rencontre avec Autrui toute violence, tout se passe comme si, à l’instar de Kierkegaard, il reconnaissait de plus en plus la dimension essentiellement traumatique du rapport au Transcendant. Ce développement se laisse bien retracer à partir de la question de l’intériorité. Que, dans Totalité et Infini, le sujet puisse se réfugier dans l’intimité d’un quant à soi, et l’accueil de l’Autre se désigne comme « la non-violence par excellence » [23]. A l’inverse, que, dans Autrement qu’être, la possibilité de ce repli sur soi disparaisse, que le sujet soit toujours déjà expulsé de soi, exposé à l’assignation bouleversante d’Autrui, et l’ouverture à l’Autre se révèle être la « violence par excellence » [24]. Plus précisément, si le moi est au départ épargné, c’est qu’il peut, comme dans le mythe de Gygès, se retirer dans le secret d’un espace intérieur, s’y dissimuler sans être vu ou reconnu. Au contraire, il s’expose à la violence dès lors qu’il est livré sans recours à l’Autre, qu’il n’a plus de « cachette d’intériorité » pour se dérober à son assignation [25].
10Mais, à partir de là, un parallèle s’impose avec le concept, essentiel à la pensée kierkegaardienne, d’intériorité cachée. On se souvient que ce concept, illustré par l’incognito du chevalier de la foi, correspond à l’idéal d’une spiritualité qui, assumée dans le for intérieur, s’accorde parfaitement avec l’existence mondaine, et par suite avec l’éthique. On se souvient aussi que Kierkegaard est jusqu’à la fin partagé entre cet idéal, qu’il remet de plus en plus en question, et son dépassement vers un conflit ouvert avec le monde. C’est ce qu’il suggère déjà lorsqu’il oppose dans le Journal paradoxe absolu et paradoxe divin. Tandis que le premier met en scène l’hypothèse d’une Incarnation totalement homogène au monde, au point qu’elle se déroulerait dans un total incognito, le second inscrit la rupture avec l’éthique au cœur même de la vie du Christ :
Le paradoxe absolu serait que le fils de Dieu se fît homme, vînt au monde, y vécût sans qu’absolument personne ne le remarquât, étant strictement un individu comme les autres avec un métier, une famille […] Le paradoxe divin, c’est, chez le Christ, d’être remarqué, à défaut d’autre chose, du moins par sa crucifixion [26]. Le fils de Dieu s’est fait homme : voilà bien le suprême paradoxe […] religieux mais pour l’éthique, ce n’est pas encore le plus profond. L’apparition du Christ comporte une polémique contre l’existence […] face aux éléments de l’éthique concrète, il s’est tenu dans un rapport polémique […] Le suprême paradoxe éthique serait que le fils de Dieu entrât complètement dans la réalité [27].
12Peut-on, en cantonnant la vie spirituelle au seul domaine de l’intériorité, faire l’économie d’un conflit avec le monde? Pour Kierkegaard, la question est au fond de savoir si, conciliant l’exigence religieuse avec la non-violence de l’éthique, il peut être à la fois pur esprit et un homme comme les autres. De là son évocation paradoxale d’un Dieu ou d’un héros de la foi qui demeurerait totalement incognito. S’il veut croire à ce paradoxe pour justifier son union avec Régine, il ne tarde pas à en reconnaître l’impossibilité, ce qui l’entraîne dans une polémique toujours plus vive avec l’ordre établi, l’écarté toujours plus de l’idéal non-violent d’une religiosité purement intérieure.
13Dans la mesure où un tel cheminement mène au-delà de l’éthique, nul doute que Levinas y soit défavorable. Mais en même temps, il est clair que sa pensée suit un cheminement similaire. Lui aussi manifeste une défiance croissante à l’égard du possible repli du sujet dans une « intériorité cachée », lui aussi exige de plus en plus son exposition sans réserve – obsessionnelle ou sacrificielle – à la transcendance de l’Autre.
14Pour étayer ce parallélisme au plan textuel, on mentionnera ici trois thématiques majeures :
151) Si le premier Levinas admet que l’Autre – en tant qu’idée de l’Infini – dépasse la mesure du moi, il n’en affirme pas moins, paradoxalement, que le visage d’Autrui reste à la mesure (!) de celui qui l’accueille, que le moi est en mesure de l’accueillir sans être blessé ou violenté par ce qui, en lui, excède ses pouvoirs [28]. Au contraire, ce qui prédomine chez le dernier Levinas, c’est l’hyperbolique démesure de l’Autre, débordant dans le moi toute capacité d’accueil, et par là vécue par lui comme blessure, coup, traumatisme. Mais ce radical ébranlement du moi par l’Autre ne manque pas de rappeler le tourment du sujet kierkegaardien en proie au Transcendant. Chez les deux penseurs, la démesure de l’Infini produit sur la conscience les mêmes effets accablants, voire dévastateurs : éclatement face à ce qui ne saurait, dans son excès, être contenu ou soutenu [29], écrasement comme sous un soleil qui refuse de lâcher prise – comme s’il n’y avait plus aucune ombre où se réfugier, aucune possibilité de se dérober, se détendre, se distraire, aucun recours dans l’oubli ou le sommeil [30].
162) Que le premier Levinas reconnaisse une certaine légitimité au repli du sujet sur son quant à soi, et il lui accorde le droit de céder au « vouloir naïf de vivre », de jouir spontanément de la vie [31]. Au contraire, dans sa pensée plus tardive, cette jouissance apparemment innocente se révèle égoïsme coupable, voire criminel. Occuper une place dans l’Être, c’est comme en chasser l’Autre, l’expulser, le nier. D’où l’impossible conciliation entre la jouissance du quant à soi et la responsabilité envers Autrui. D’où le fondamental dilemme entre le statut privilégié de sujet installé dans l’Être, et celui d’exclu (de tout lieu), auquel le moi, arraché à son autochtonie, est lui-même voué de par l’assignation irrécusable de l’Autre. Mais, à se tourner vers la pensée de Kierkegaard, on y découvre un revirement analogue. Concédant au départ une certaine légitimité à l’Almene-Menneskene (la généralité humaine, l’existence commune des hommes…), il admet que l’on puisse jouir innocemment de la vie. Or, au fil des années, cette jouissance lui apparaît de plus en plus suspecte, au point qu’il finit par juger la vie dans le monde – notamment à travers la sexualité qui est persévérance égoïste dans l’Être – en totale contradiction avec la requête du Transcendant.
17Ce parallèle se laisse préciser à partir de l’idée de repli sur soi. Si le premier Levinas dote l’homme d’un « chez soi, où il peut à tout moment se retirer » [32], il n’y a plus, dans sa dernière pensée, de lieu vers lequel le moi puisse faire retraite, il est désormais exposé à l’Autre sans réserve ou sans retour [33]. De semblable manière, le dernier Kierkegaard est celui qui s’engage sans réserve – il meurt en s’engageant à fonds perdu dans la polémique de L’Instant –, alors que jusque là il croit encore devoir se réserver ou se préserver, garder la possibilité de revenir en arrière [34]. Face au Transcendant, il n’est plus question de temporiser, ce que, pour sa part, Levinas suggère également a contrario lorsqu’il définit le quant à soi comme mise à distance de l’échéance de la mort : délai, ajournement, sursis [35].
183) Si l’individu qui paraît jouir innocemment de la vie se révèle à Kierkegaard d’un égoïsme criminel, c’est que, dans sa jouissance, il ignore la souffrance d’un Autre mort ou martyrisé (Père, Christ, témoin de la vérité…). Sourd à son appel, il vit comme sur son compte, au lieu de tout faire pour lui demeurer fidèle – l’imiter en partageant ses tourments, en le suivant jusque dans la mort [36]. Mais une fois encore, on découvre ici un parallèle lourd de sens avec la démarche de Levinas. Si celui-ci conteste de plus en plus la légitimité du quant à soi, c’est que le repli sur soi est au fond ignorance de l’appel de l’Autre, exposé sans défense au malheur ou à la mort [37]. Au contraire, entendre son appel, c’est refuser de le laisser seul dans le dénuement ou face à la mort, refuser de se rendre comme complice de sa mort en restant – dans son propre plaisir de vivre indifférent – sa détresse.
19Il faut ici rappeler ce que la réflexion de Levinas doit au traumatisme inouï de la Shoah, et singulièrement à ce qu’il reconnaît comme son « complexe de survivant » [38] : le sentiment effrayant que la (sur)vie est culpabilité, que (sur)vivre – persévérer dans l’Être –, c’est être déjà coupable de la mort de l’Autre :
Ma place dans l’être, le Da- de mon Dasein, n’est-il pas déjà usurpation, déjà violence à l’égard d’autrui? [39]
Comme si par le fait d’être là, je privais quelqu’un de son espace vital, comme si j’expulsais ou assassinais quelqu’un [40].
Qu’est-ce qu’un individu sinon un usurpateur? Que signifie l’avènement de la conscience […] sinon la découverte des cadavres à mes côtés et mon effroi d’exister en assassinant? [41]
21Rappelons en outre que, si Levinas évoque régulièrement la Shoah comme une Passion, c’est en des termes équivalents – passion mais aussi témoignage, martyre, persécution, sacrifice… – qu’il décrit l’extrême passivité de l’exposition du moi à l’Autre. Mais à partir de là s’accuse encore le parallèle avec Kierkegaard. Tout se passe comme si les deux pensées faisaient fond sur une souffrance incommensurable (Passion christique ou Passion d’Israël), de sorte qu’ici et là, se profile un même dilemme : ou bien mettre la souffrance de l’Autre à distance, l’oublier dans une jouissance égoïste de la vie – ou bien, dans une identification sacrificielle à l’Autre, imiter sa Passion, la prendre sur soi jusqu’à une consumation sans reste (la consumation totale de l’Holocauste ou le « Tout est consommé » du Christ [42]), jusqu’à la mort.
L’emprise de l’Autre
22Si Levinas place l’infléchissement de sa pensée sous le signe de Kierkegaard, c’est, on l’a dit, par le glissement vers l’idée d’un Autre essentiellement dérobé à la présence, donné seulement dans l’équivoque ou l’énigme de la trace. Plus précisément, partant de l’anarchie menaçante d’un Être sans visage – un Être qui, se jouant du sujet, l’emprisonne à son insu dans ses filets invisibles –, le premier Levinas met en avant ce qui seul permet – en tant qu’origine ou archè – de contrer cette menace : la parfaite rectitude du face-à face avec l’Autre, présent en personne. À l’inverse, Levinas rejoint Kierkegaard lorsqu’il fait du dérobement de la Face – qui est l’irrectitude même [43] – le sens éminent de la rencontre avec Autrui : expérience pré-originelle, an-archique d’une Transcendance qui, « blessant le sujet par derrière » (à partir d’un passé pour lui inaccessible), le livre sans recours à l’obsession de l’Autre. Ce qui frappe surtout dans ce schéma est l’étrange recouvrement entre l’expérience traumatique rejetée par le premier Levinas et celle qu’il revendique plus tard comme épreuve primordiale de l’éthique [44]. Alors que tout devrait a priori les opposer – ici, le sujet est voué à l’emprise impersonnelle de l’Être, manifesté dans le bruissement inhumain de l’« il y a », là, voué à l’emprise de l’Autre, incarnation même de l’humain–, il s’avère que Levinas les dépeint en des termes quasi-identiques.
23Que ce soit dans l’assignation à l’Être ou à l’Autre, le sujet se découvre comme rivé irrémissiblement à soi [45]. Irrémissibilité accablante, que le sujet voudrait fuir dans le repli de l’intériorité mais à laquelle il ne saurait échapper, qui le hante comme une fatale impossibilité de sommeil, de détente, d’oubli [46]. D’une certaine manière, Levinas rapproche lui-même ces deux expériences, lorsqu’il situe l’une et l’autre « en arrière » du moi actif ou conscient, à un niveau « pré-originel » où le moi n’est encore qu’un soi livré sans défense (sans le recul protecteur de la conscience) à un dehors qui le submerge. Cependant, malgré un essai tardif de réinterprétation de l’« il y a » dans la perspective de l’éthique [47], il ne semble pas qu’il fasse toute la clarté sur ce rapprochement paradoxal. Comment l’expliquer? Sans doute par le fait que les deux expériences s’enracinent dans un même arrière - plan biographique, qui se trouve être à nouveau le traumatisme de la Shoah. Si cette connexion ne fait pas problème pour l’emprise de l’Autre (le retour obsédant, accusateur du souvenir des disparus), elle apparaît moins évidente pour l’emprise de l’Être.
24Nombreux sont pourtant les indices qui en portent témoignage :
251) Dès 1935 (dans De l’évasion), Levinas met en avant l’épreuve aussi fondamentale que fatidique de l’« il y a de l’être ». Il la situe dans la découverte de l’être irrémissiblement rivé à soi sans possibilité de fuite, mais, comme l’observe avec pertinence J. Rolland, c’est par les mêmes mots qu’il évoque dans un texte contemporain la tragique fatalité du destin juif, sous la menace de l’hitlérisme : « Le sort pathétique d’être juif devient une fatalité. On ne peut plus le fuir. Le juif est inéluctablement rivé à son judaïsme » [48].
262) Dans De l’existence à l’existant (publié en 1947), Levinas reprend l’idée d’un enchaînement irrémissible à l’Être (qui culmine dans l’horreur de l’il y a) mais contre elle il développe aussi l’idée d’un possible repli du sujet dans un quant à soi où se rompt sa solidarité avec le Tout. D’un côté, la participation forcée à l’il y a, fond obscur de l’existence, nuit étouffante où se dissout toute vie privée, de l’autre, la possibilité de se soustraire au fatal engrenage de l’Être ou de l’Histoire : on se doute que ce que vise ici Levinas est une possible épochè par rapport à la hantise de la Shoah. Selon une formule qu’il emprunte à Lévy-Bruhl, la participation rattache mystiquement l’individu aux « autres membres, vivants ou morts, de son groupe social » [49]. Ainsi semble-t-il que dans son esprit, le souvenir de l’Holocauste se vive comme attachement indéfectible aux éternels revenants que sont les disparus, et tel est aussi le sens qu’il donne plus ou moins ouvertement à l’il y a : non pas disparition dans le néant mais incessante résurgence de l’Être par delà l’anéantissement, perpétuel retour des morts qui, n’en finissant pas de mourir, ne cessent de revenir sur le mode fantomatique ou spectral [50]. A ce point, paraît s’effacer la différence entre emprise de l’Être et assignation par Autrui, et, en effet, pour exprimer l’impossibilité d’échapper à l’une ou à l’autre, Levinas en appelle aux mêmes vers de Phèdre :
Le ciel, tout l’univers est plein de mes aïeux.Où me cacher? Fuyons dans la nuit infernale !Mais que dis-je? mon père y tient l’urne fatale [51]
283) On sait que la conception de l’Être comme ressassement anonyme, murmure incessant du Neutre, est développée parallèlement – dans un jeu subtil de correspondances – par Levinas et par son ami M. Blanchot. Ainsi, bien que l’assimilation de l’Être à une présence étouffante lui soit certainement personnelle, est-ce plutôt à Blanchot qu’il rapporte la pensée de l’il y a comme plongée infernale dans le « sans issue », enfermement dans une mort à la fois inéluctable et impossible, obsession affolante (expressément référée à la folie d’Auschwitz) d’un mourir qui n’en finit pas [52]. Méditant cette pensée, il souligne l’incommensurabilité entre le temps « normal » du survivant et le temps de l’Autre, comme immobilisé dans une agonie sans fin [53]. Temps absolument singulier, qui échappe à « l’heure commune des horloges » et par suite ne se livre que dans une irréductible diachronie. Parce qu’Autrui appartient à un présent irreprésentable – ne passant jamais ou, ce qui revient au même, toujours déjà passé –, je suis, à mon rendez-vous avec lui, immanquablement en retard [54]. Retard irrécupérable sur l’Autre, qui me rend toujours déjà en faute ou en dette par rapport à lui, responsable « pour ce que je n’ai pas commis » – sa faute ou sa souffrance –, à quoi il m’assigne avant même que j’aie pu l’assumer « au présent » [55]. Radicale antécédence de l’Autre qui s’offre aussi comme radicale antériorité du Bien, m’obligeant à répondre de « plus » que de mon propre être, s’imposant à moi avant ma liberté, me choisissant ou m’aimant avant que je ne l’aie choisi ou aimé [56].
29Cependant, là encore, se dessine un parallèle remarquable avec la pensée de Kierkegaard. Pour Kierkegaard également, le sujet est d’emblée aux prises avec l’antériorité d’un passé ou d’un péché qui, l’ayant toujours devancé, lui vient d’avant sa liberté. Passif qu’il vit comme dette ou retard inéluctable par rapport à Celui qui l’a « aimé en premier » [57]. Mais aussi et surtout, passif qu’il n’assume (si tant est qu’il soit assumable) qu’en prenant sur lui ce qui dépasse sa sphère propre.
30Comme Kierkegaard le fait dire à l’éthicien, ne s’assume réellement que celui qui, se choisissant essentiellement comme coupable, se repent de « plus que de sa propre faute » [58]. Ou, comme il le dit encore dans son analyse du Tragique grec, si l’individu se libère de ses liens substantiels avec la Totalité (et en particulier, de la faute héritée du père ou du genre), il n’accède jamais à une pleine autonomie de sujet, seul responsable de son destin [59] ; il se trouve toujours lié à ce qui l’a précédé – « pâtir » par lequel il ne cesse de prendre part à la faute ou à la souffrance de l’Autre (comme Antigone le fait avec son père Œdipe), et que le texte désigne expressément comme un « participer » [60].
31Mais, à la faveur de cette grille kierkegaardienne, on mesure à nouveau toute l’ambivalence du rapport de Levinas à l’idée de participation, en tant que débordement du sujet par l’Être ou par l’Autre. Si, soucieux de défendre l’espace intérieur du quant à soi, il commence par la critiquer (la dénonçant notamment chez Kierkegaard), il est peu à peu amené à la reprendre à son compte, le plus souvent, il est vrai, à travers d’autres concepts mais aussi, au moins une fois (à son insu?), de manière explicite :
Me voilà, dans cette responsabilité rejeté vers ce qui n’a jamais été ni ma faute ni mon fait, vers ce qui n’a jamais été en mon pouvoir ni en ma liberté […] Signifiance originaire d’un passé immémorial, à partir de la responsabilité pour l’autre homme. Ma participation (!) non intentionnelle à l’histoire de l’humanité, au passé des autres qui me regarde [61].
Notes
-
[1]
Humanisme de l’autre homme (HAH), p. 86
-
[2]
Noms propres (NP), p. 135.
-
[3]
Cf. par exemple, Post-Scriptum aux Miettes philosophiques. Oeuvres Complètes de S. Kierkegaard. Paris. Ed. de l’Orante, (OC) XI, pp. 243-247
-
[4]
TI, p. 282.
-
[5]
Stades sur le chemin de la vie, OC IX, p. 184.
-
[6]
TI, p. 282.
-
[7]
Stades sur le chemin de la vie. OC IX. p. 184.
-
[8]
Sur la « dialectique » du cri dans le cheminement kierkegaardien, on pourra consulter notre Kierkegaard et les figures de la paternité, Paris, Ed. du Cerf, 1999. pp. 89-104.
-
[9]
Cf. Kierkegaard ou la subjectivité en miroir, à paraître.
-
[10]
Le Concept d’angoisse, OC VII. p. 158, 163. 177, 209.
-
[11]
Cf. Kierkegaard et les figures de la paternité, op. cit., pp. 209-211.
-
[12]
Du sacré au saint, p. 167.
-
[13]
À l’heure des nations (HN), pp. 148-149.
-
[14]
OC XI. p. 269.
-
[15]
OC IX, pp. 363-364.
-
[16]
Autrement qu’être (AE), pp. 117, 137, 181.
-
[17]
Post-Scriptum, op. cit.. OC IX, pp. 196, 261. 304.
-
[18]
Stades, op. cit., OC IX. pp. 236. 302-303.
-
[19]
Stades, op. cit., OC IX, pp. 392-393, 402, 411-412.
-
[20]
Stades, op. cit.. 0C IX. p. 358.
-
[21]
Cf. D. Brezis. Kierkegaard et le féminin. Paris, Ed. du Cerf, 2001, pp. 180-181.
-
[22]
En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger (EDE), pp. 209, 215, NP, pp. 114-115.
-
[23]
TI, pp. 177-178.
-
[24]
AE, p. 158. Si, déjà dans Totalité et Infini. Levinas reconnaît la violence qu’Autrui impose au moi en le mettant radicalement en question, il nie qu’elle soit réellement violente, la désignant comme une violence « par delà toute violence » (TI, p. 18). Sur la violence de l’altérité. annulée ou rachetée par son identification au Bien. cf. AE, p. 19, HAH, pp. 76-77.
-
[25]
TI, pp. 32, 62. EDE, p. 197, AE, pp. 62-63, 185.
-
[26]
IV A 103.
-
[27]
IV A 62.
-
[28]
TI, p. 18, 21-22, 177-178.
-
[29]
De Dieu qui vient è 1’idée (DVI), pp. 49, 87. 116, 121: sur le thème kierkegaardien de l’éclatement, cf. Kierkegaard et les figures de là paternité, op. cit.. pp. 135-137.
-
[30]
AE, pp. 118. 185, NP, pp. 63, 95, DVI, p. 122. Pour Kierkegaard, cf. Post-Scriptum, op. cit., OC XI, pp. 110, 172-174. X 5 A 17, 95.
-
[31]
TI, pp. 59, 111-112, 117, 121-3, 146.
-
[32]
TI, p. 125-126.
-
[33]
AE, pp. 18, 94, DVI, p. 121.
-
[34]
De prime abord, les deux pensées se laissent ici nettement opposer. Alors que, pour Kierkegaard, l’ouverture au Transcendant requiert un engagement volontaire, Levinas insiste sur le fait qu’elle s’impose au sujet avant toute libre assomption. S’il s’agit d’une divergence considérable, elle ne saurait cependant être exagérée, dès lors que Kierkegaard aussi se reconnaît au fond appelé ou engagé mal gré lui : « Mon choix n’est pas libre […] je ne choisi s pas d’aller à Dieu car je suis contraint […] on croirait que c’est Dieu qui m’a choisi et non pas moi qui ai choisi Dieu (Stades, op. cit., OC IX. p. 324) ».
-
[35]
TI, pp. 25-8, 139, 199-200.
-
[36]
XI 1A 100. L’Instant. OC XIX, p. 285.
-
[37]
TI. pp. 175. 190, EDE. p. 195, Entre nous (EN), p. 250. Altérité et Transcendance (AT), p. 113.
-
[38]
Sur l’injuste privilège de la survie, cf. AE, p. 115, NP. p. 178, HN, p. 166, AT. pp. 166-167.
-
[39]
AT. p. 180.
-
[40]
AT, p. 168.
-
[41]
DL, pp. 136-137.
-
[42]
De l’évasion (DE), p. 90, NP, p. 179, DVI. p. 119.
-
[43]
EDE, p. 198.
-
[44]
Sur ce recouvrement, cf. E. Neppi. « il volto dell ’altro e la sua larva », in E. Levinas. Il volto infinito: Dialoghi, Bari, 2000.
-
[45]
De l’existence à l’existant (EE), pp. 101-102, 134-136. AE. pp. 137. 143.
-
[46]
EE. pp. 109-121, AE, pp. 86, 118.
-
[47]
AE, pp. 64, 208-209, DVI, pp. 47-51. 115.
-
[48]
DE, pp. 70-71, 86-87, 103-104.
-
[49]
EN. p. 64.
-
[50]
EE. pp. 100-101.
-
[51]
EE, p. 102. HAH, pp. 78, 108.
-
[52]
Sur Maurice Blanchot (MB), pp. 57-63. 73. Relevons encore l’écho entre le murmure ou la consumation inextinguible de l’Être dans l’il y a (EE. p. 94. MB, p. 15). le feu inextinguible de la Passion pour l’Autre (DVI, p. 61) et les cris inextinguibles des victimes de l’Holocauste (DL, p. 172).
-
[53]
NP, p. 134. Ce motif du temps arrêté – emprisonnement cauchemardesque dans un mourir interminable, qui est le lot de la victime et non du survivant - guidait déjà la réflexion sur l’esthétique développée dans « La réalité et son ombre » (1948).
-
[54]
AE, pp. 110-115. 192.
-
[55]
EDE. p. 233, AE, p. 12.
-
[56]
AE, pp. 13, 157.
-
[57]
Les Oeuvres de l’amour. OC XIV, pp. 94, 162.
-
[58]
L’Alternative II, OC IV, pp. 195, 215.
-
[59]
L’Alternative I. OC III, p. 135-145.
-
[60]
L’Alternative I, OC III, p. 151-2.
-
[61]
EN, p. 172.