L'École de Kairouan
1Kairouan est la quatrième ville construite par les musulmans après Bassorah, Koufa et Al Foustat. La ville est fondée par Oqba Ibn Nafaa [1] en 670 pour servir de poste avancé lors de la conquête musulmane de l’Afrique du Nord. Les récits sur la fondation de Kairouan faisaient dire à Oqba Ibn Nafaa qu’il voulait fonder à cet emplacement un foyer d’enseignement et une forteresse pour l’islam, jusqu’à la fin des temps [2].
2Au cours du ixe siècle, la ville est à son apogée et devient la capitale de l’Ifriqiya sous les Aghlabides, et son plus grand centre de rayonnement civilisationnel, rivalisant avec les autres centres du bassin méditerranéen. Elle resta pendant longtemps une des régions les plus riches et les plus développées d’Ifriqiya dans tous les domaines, économique, scientifique, artistique…
3Elle était la capitale intellectuelle de son époque. Ses dirigeants ont encouragé la recherche scientifique et la diffusion du savoir. Des écoles et des bibliothèques furent construites. Les savants venaient de toutes les régions pour compléter et parfaire leurs connaissances. C’est une grande ville réputée pour son institution scientifique « Dar Al-Hikma » à Raqqada édifiée sur le modèle de celle de Bagdad, où l’on enseignait la médecine, la théologie, la logique, les mathématiques et l’astronomie. L’École de Kairouan désigne, pour nous, l’ensemble des savoirs, réflexions et questionnements théologiques et philosophiques, dont les auteurs sont des penseurs et scientifiques de Kairouan et de toute la Tunisie de l’époque (Ifriqiya).
4C’est en cherchant à affiner la doctrine de l’islam et à interpréter correctement les textes (Coran et Hadith), tout en extrapolant sur les questions religieuses qui n’avaient pas été explicitement tranchées dans le livre sacré qu’avec la méthode de « l’ijtihad » s’ouvrent les premiers débats philosophiques et théologiques à Kairouan. Le malékisme, l’une des quatre écoles reconnues du droit musulman sunnite est majoritaire à Kairouan, en Afrique du Nord et dans une partie de l’Afrique de l’Ouest. Bien que le malékisme soit fondé par Malik Ibn Anas [3] à Médine, Assad Ibn al-Furat [4] et Sahnun Ibn Sa’id [5] ont su le reformuler à Kairouan et l’adapter aux exigences sociopolitiques de leur région.
5L’école malékite diffère essentiellement des trois autres écoles [6] par les sources qu’elle utilise pour déterminer la jurisprudence. Si les quatre écoles utilisent le « Coran », la « sunna », ainsi que « al-ijma » (le consensus des experts) et « al-qiyas » (les analogies), le malékisme utilise également les pratiques des habitants de Médine « Amal ahl al-medina » comme sources de la jurisprudence « al-fiqh ». Le mode de vie des habitants de « la cité » est considéré comme une « sunna appliquée ».
6La philosophie péripatéticienne n’avait pas une grande influence à l’École de Kairouan où s’affirma l’idée que la philosophie est une activité dangereuse et hérétique remettant en cause les fondements de l’islam. L’introduction de la philosophie grecque et surtout la métaphysique, étrangère à la foi islamique, fut jugée pernicieuse pour l’orthodoxie sunnite. Pour les disciples de cette École, l’islam livrait la vraie vision de la nature et de la réalité, la philosophie grecque paraissant, pour eux, souvent présenter des explications contraires. Les musulmans disposaient déjà d’un système théorique très élaboré – comprenant la jurisprudence, la théologie, la grammaire et les principes d’interprétation du Coran – ; c’est pourquoi ils étaient nombreux à douter de la nécessité d’une science « étrangère » produite et transmise au monde islamique en grande partie par des incroyants.
7Ces doutes religieux à l’égard de la philosophie n’étaient pas sans fondement si l’on considère qu’un grand nombre des principes directeurs de la philosophie grecque semblaient contraires à l’islam. Par exemple, la philosophie grecque tendait à admettre avec Aristote (384-322) que le monde est éternel, qu’il existe une hiérarchie d’étants gouvernés par l’intellect ou la raison, que l’ascétisme est le seul style de vie souhaitable et que la raison est l’instrument adéquat de la recherche théorique. Ces thèses apparaissaient, à cette école, fort problématiques du point de vue religieux : si le monde est éternel, Dieu ne l’a pas créé à partir du néant ; si l’intellect est le stade supérieur du réel, seuls ceux qui sont capables d’atteindre un haut niveau d’intellectualité peuvent prétendre au salut. L’ascétisme s’oppose à l’idée normale de la vie bonne dans l’islam, conçue comme l’équilibre des plaisirs et des devoirs. Enfin, les musulmans considéraient que l’islam leur montrait la bonne voie, alors que les philosophes tendaient à substituer la raison à la religion, laissant entendre que la religion est la voie appropriée de ceux qui sont incapables de faire usage de la raison, voie par conséquent bien inférieure à celle du raisonnement.
8L’École de Kairouan veillait d’abord à soutenir les articles fondamentaux de la foi musulmane traditionnelle, avant de chercher à démontrer des vérités étrangères à cette foi. Elle avait une attitude particulièrement traditionnelle dans le domaine de la profession de foi. Elle insistait principalement sur les articles de foi que tous les croyants doivent professer sans demander de preuves ; elle voulait ainsi maintenir l’unité de la communauté musulmane. Son enseignement se limitait à ce qu’il faut accepter pour partager authentiquement la foi islamique et il était destiné au plus grand nombre. La loi religieuse, s’appuyant sur une théologie de la Révélation, ne pouvait admettre un point de départ spéculatif à la recherche de Dieu par l’homme ; pour la théologie, les devoirs de l’homme et du croyant sont perçus dans le cadre de l’obéissance pure et simple aux préceptes coraniques. Ibn Arafa [7] s’est donné pour règle que « composer des œuvres pour ne rien apporter d’original (dans le domaine de la religion) n’est qu’une consommation inutile de papier » [8].
9Malgré le déclin de la pensée péripatéticienne arabe, la logique a continué à être enseignée dans les séminaires religieux. L’École de Kairouan chercha par une démonstration logique à confronter et démontrer le bien fondé de la foi religieuse. Les débats d’ordre religieux firent naître le besoin d’une méthode rationnelle qui permît de défendre la foi, en appliquant à la théologie les arguments et les règles de la logique [9]. Les grammairiens et les linguistes aussi font volontiers appel au syllogisme. Dans ce contexte, la langue arabe, langue du corpus sacré de l’islam, jouera un rôle essentiel comme outil et véhicule de cette culture qui n’est déjà plus une simple transmission de la logique aristotélicienne car elle comporte de nombreuses innovations. On trouve beaucoup de commentaires et d’interprétations de traités de logique. Le rôle de ces commentateurs en ce domaine précis est loin d’être passif : certains d’entre eux qui étaient en même temps des penseurs originaux ont largement contribué à l’élaboration des définitions et des concepts logiques en langue arabe.
10L’École de Kairouan a contribué aussi au développement des sciences telles que la médecine et les mathématiques.
11L’école médicale de Kairouan a été fondée par Ishaq Ibn Omrane [10], l’illustre auteur du traité de la mélancolie. Selon l’historienne Danielle Jacquart, « Ibn Omrane y analyse de façon magistrale la nature, les modalités, les étiologies et les complications de l’affection en terminant par de remarquables règles hygiéniques morales, diététiques et médicamenteuses. Ainsi, Ibn Omrane décrira toutes les formes aujourd’hui connues (ou presque) des états dépressifs mélancoliques, aussi bien les formes simples que complexes, celles qui rentrent dans le cadre de la psychose maniaco-dépressive que celles qui compliquent des troubles somatiques variés. Du point de vue de l’étiopathogénie, on remarque qu’aucune influence n’est accordée aux causes surnaturelles, non plus qu’aux démons et aux djinns, alors même que leur réalité était ancrée dans les croyances populaires et qu’à la même époque, en Europe, la possession diabolique représentait l’essence même de ces états. Il en est de même du suicide dont le mot n’est jamais prononcé tout au long de ce traité. Seul le pronostic fatal par inanition progressive sera signalé, jamais l’idée active et encore moins la tentative résolue d’auto-destruction. Ibn Omrane surtout a défini, et semble-t-il une fois pour toutes, les grandes lignes de l’éventail thérapeutique qui s’adresse aux états dépressifs : psychothérapie, sociothérapie, physiothérapie, chimiothérapie et thérapie à visée étiologique et hygiénodiététique. Tous traitements s’inscrivant dans le cadre d’une relation médecin-malade basée sur le réconfort moral seront exposés avec une perspicacité remarquable [11]. »
12Ibn al-Jazzar [12] était le digne successeur d’Ibn Omrane. Il était réputé pour la rigueur de son enseignement, l’étendue de son dévouement et la perspicacité de sa thérapeutique. Ses consultations étaient gratuites pour les pauvres et les médicaments délivrés gracieusement par son aide, Rachik, officiant dans le vestibule de la demeure du maître transformé, pour la circonstance, en pharmacie. Et en cela, on pouvait déceler d’ores et déjà une préfiguration de la séparation des fonctions du médecin et du pharmacien [13]. L’œuvre médicale d’Ibn aI-Jazzar est considérable par son volume et souvent remarquable par sa qualité. On retiendra d’une part le souci de ce fin praticien de classifier et de diversifier déjà les spécialités médicales (puériculture, épidémiologie, gériatrie, hygiène), d’autre part ses larges connaissances dans la pharmacopée qu’il a toujours visé à adapter à l’environnement où il vivait et exerçait. Dans ses ouvrages, il décrit aussi les différentes maladies dont souffrent les voyageurs, ainsi que les symptômes de ces maladies et les méthodes de traitement. Il présente, en outre, une description précise de la variole et de la rougeole, et des informations judicieuses sur les maladies internes. De même qu’il aborde les différents types de fièvres et les épidémies.
13Les mathématiques ont été utilisées comme auxiliaires d’autres disciplines telles que l’astronomie, les techniques de constructions géométriques (des mosquées, des coupoles, des bassins pour alimenter la ville en eau…) mais aussi à des fins purement religieuses pour calculer les coordonnées géographiques et indiquer la direction de La Mecque, déterminer les dates du ramadan, calculer l’heure des cinq prières quotidiennes… Al Qalsadi [14] était l’un de ces mathématiciens, disciple de cette École. Spécialiste dans la répartition d’héritages « al-faraidh », il a introduit le symbolisme algébrique en employant des mots ou seulement leurs lettres initiales, comme symboles mathématiques pour désigner la racine carrée, l’égalité ou encore l’inconnue dans une équation.
14L’inconnue dans une équation est appelée la chose : (approximativement : « chaÿ »). Cette appellation sera reprise par Ries [15] et fut nommée la cosa en italien et notée R (du latin res =chose). Al-Qalasadi utilisait la première lettre de ce mot arabe « Chaÿ ». Ainsi, en notant x, comme bien souvent de nos jours, l’inconnue, 12x s’écrivait : 12 « CH ». Le carré de l’inconnue est symbolisé par un « M », première lettre du mot arabe « mourabba » signifiant carré : 6 « M » signifie 6x2. La racine carrée est symbolisée par « J », première lettre du mot arabe « jêdr » signifiant racine : la racine de 7 s’écrit alors : 7 « J ». L’équivalent de la lettre « L » « youadilou » symbolisait notre signe =, et une égalité comme la racine de 9 = 3, s’écrit alors, de droite à gauche : 3 « L » « J » 9.
15Il a utilisé aussi :
- « wa » voulant dire « et » pour (+)
- « illa » voulant dire « moins » pour (–)
- « fi » voulant dire « fois » pour (?)
- « ala » voulant dire « sur » pour la division (/).
16Ibn Khaldoun y établit une science faite de discipline, d’examen et de vérification des faits [17]. Il tente ainsi, avec sa propre méthodologie, de déterminer les causes de la montée et du déclin des dynasties arabes, les historiographes s’étant jusqu’alors contenté de consigner les événements historiques sous forme d’annales et sur la base de récits transmis d’abord oralement puis par écrit. À l’inverse, Ibn Khaldoun s’interroge constamment sur les causes des évolutions historiques qu’il classe en facteurs sociaux, culturels, climatiques, etc.
17Le « Kitab al-Ibar », qui constitue l’œuvre principale d’Ibn Khaldoun, représente une histoire dite universelle et dotée de sa propre méthodologie. Cette histoire est divisée en sept livres, dont le premier tome, la « Muqaddima », est considéré comme une œuvre à part entière et plus importante que l’histoire universelle elle-même. Dans la préface, il décrit l’historiographie comme la plus importante des branches de la science car elle traite de la création et de l’évolution de la civilisation humaine. Sa démarche est d’ordre épistémologique : assigner à l’histoire une place dans l’organisation du savoir d’où elle était absente jusque-là : « J’ai suivi un plan original, ayant imaginé une méthode nouvelle d’écrire l’histoire, et choisi une voie qui surprendra le lecteur, une marche et un système tout à fait à moi [18]. » Il bannit toute spéculation philosophique ou quête d’une finalité. Le réel étant la source unique de l’intelligible, Ibn Khaldoun entend saisir les rapports de causalité qui régissent ce réel. Ainsi naît en lui la conception d’une science neuve, celle du « ‘lm al-umran », étude d’une sociabilité naturelle qui permet de comprendre le mécanisme des comportements historiques mais déborde la singularité des faits pour les replacer dans la totalité qui les contient : « Les discours dans lesquels nous allons traiter de cette matière formeront une science nouvelle […] C’est une science sui generis, car elle a d’abord un objet spécial, je veux dire la civilisation et la société humaine, puis elle traite de plusieurs questions qui servent à expliquer successivement les faits qui se rattachent à l’essence même de la société. Tel est le caractère de toutes les sciences, tant celles qui s’appuient sur l’autorité, que celles qui sont fondées sur la raison [19] ». Ce rationalisme de la démarche, s’il exclut tout examen de la nature humaine, semble se détourner également de tout recours à un fondement religieux.
18À travers son approche, Ibn Khaldoun explique la légitimité du pouvoir par « al-asabiyya », un mot d’arabe ancien qu’il réinterprète [20]. Le comportement socio-politique du groupe s’analyse comme suit : naissance d’une « asabiyya » puis identité d’intérêts et de comportements qui fonde un groupe. Ce dernier cherche à imposer sa souveraineté « mulk » qui est la base de toute civilisation ordonnée. À ce moment entre en jeu un autre facteur de civilisation : la religion, superstructure soumise à des déterminations de base et à leurs sollicitations. À chaque phase de l’évolution sociale correspond donc un type de comportement religieux. La religion s’insère dans une situation où elle a une fonction d’ordre politique. C’est elle qui sous-tend le mouvement d’une « asabiyya » vers le « mulk ». Ibn Khaldoun ne prétend donc pas retrouver dans l’histoire quelque dessein de Dieu et note que le sentiment religieux se dénature et se dissout en même temps que se distendent les liens de solidarité de « al-asabiyya ». Cette doctrine heurte le rigoureux idéalisme malékite qui règne alors à Kairouan et au Maghreb.
19Son enseignement sur la civilisation et la culture « ‘lm al-Umran » comprend des discussions approfondies sur les relations entre la vie rurale bédouine et la vie urbaine sédentaire qui sont selon lui la source d’un conflit social majeur. Dans cette perspective et à l’aide du concept de « al-asabiyya », il explique aussi bien dans l’histoire islamique que non islamique la montée et le déclin des civilisations au sein desquelles la religion et la foi peuvent compléter et épauler l’effet de « al-asabiyya », comme par exemple lors du règne des califes. Selon lui, les Bédouins, en tant qu’habitants des régions rurales, possèdent une forte « asabiyya » et une foi plus solide tandis que les habitants des villes deviennent toujours plus décadents et corrompus au fil des générations et voient ainsi l’intensité de leur « asabiyya » diminuer. Au bout de plusieurs générations, la dynastie implantée en milieu urbain voit donc son pouvoir, fondé sur « al-asabiyya », s’amoindrir, devenant ainsi la proie d’une tribu agressive issue de la campagne, possédant une « asabiyya » plus forte, qui établira à son tour, après la conquête des villes et leur destruction partielle, une nouvelle dynastie.
20Avec cette approche, il est souvent présenté comme l’un des pères fondateurs de l’histoire, en tant que discipline intellectuelle, de la sociologie et de la science politique, et ses travaux sont interprétés dès le xviiie siècle par divers auteurs européens. Nombreux sont ses idées, concepts et méthodes qui sont par la suite considérés comme précurseurs de certaines théories et disciplines européennes. Il esquisse aussi ce qu’on appelle aujourd’hui la mondialisation dans sa théorie du vainqueur et du vaincu en indiquant que le vaincu est fasciné par le slogan, l’uniforme et les habitudes du vainqueur. Vincent Monteil, dans sa préface à la deuxième traduction française, indique : « Ibn Khaldoun est fort en avance sur son temps […] Aucun de ses prédécesseurs ou de ses contemporains n’a conçu ou réalisé une œuvre d’une ampleur comparable [21] ». Il demeure l’un des plus grands penseurs arabes.
Notes
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[1]
Oqba Ibn Nafi Al Fihri est né dans les dernières années de vie du prophète Muhammad et décédé en 683. C’est un général arabe envoyé en 670, à la tête des armées musulmanes, par les Omeyyades de Damas pour convertir le Maghreb polythéiste à l’islam. C’est dans une plaine, à 60 kilomètres de la côte tenue par les Byzantins et loin des montagnes, bastion de la résistance berbère, qu’il choisit d’installer la ville-camp de Kairouan (sur la ligne de confrontation entre Byzantins et musulmans). Il y édifie la Grande mosquée de Kairouan.
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[2]
R. Brunschvig, Ibn Abdalhakam et la conquête de l’Afrique du Nord par les Arabes, Tome VI, Annales de l’Institut d’Études Orientales, Alger, 1947, p.142-146.
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[3]
Malik Ibn Anas (né à Médine en 712, décédé en 795), fondateur de l’école légale Malékite.
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[4]
Asad Ibn al-Furat, (759, Kairouan - 828 en Sicile), est juriste et théologien. Grand savant malékite portant le titre de cadi, il étudie le droit à Médine auprès de Mâlik Ibn Anas, puis à Kufa auprès d’un élève d’Abu Hanifa, le fondateur de la tradition juridique hanéfite. Il résume ses conceptions juridiques dans « Assadiyya » qui aura une grande influence en Ifriqiya. À son retour en Ifriqiya, il est nommé cadi de Kairouan par les Aghlabides. En tant qu’hanéfite, il a joué un rôle majeur dans les règlements de conflits entre les malékites de Kairouan.
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[5]
Sahnoun Ibn Said Tannoukhi, fondateur de l’école malékite ifriqiyenne, (777, Kairouan), étudia les sciences juridiques sous la direction de savants de sa ville natale. En 804, il se rendit en Orient pour compléter et parfaire ses connaissances. De retour à Kairouan, en 807, il s’employa à répandre la doctrine de l’Imam Malik. Son œuvre maîtresse « al-Moudawana » y contribua très efficacement puisque son influence fut capitale dans la cristallisation et la diffusion du rite malékite dans l’Occident musulman. Nommé Cadi de Kairouan, il occupa cette charge jusqu’à sa mort en 855. Il était, en tant que juge, réputé pour sa rigueur dans l’application de la justice.
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[6]
Les quatre écoles du droit musulman sunnite : le hanafisme, le malékisme, le chaféisme et le hanbalisme.
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[7]
Mohamed Ibn Arafa (1316, Tunis - 1401, Tunis), est un imam malékite et le juriste le plus représentatif du xive siècle en Ifriqiya. Sa connaissance du droit, de la grammaire, de la rhétorique, des mathématiques et de la médecine lui permet de devenir « mufti » puis de diriger la prestigieuse mosquée Zitouna. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages traitant du droit, de la théologie et de la logique.
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[8]
Saad Ghrab, Ibn Arafa et le malékisme en Ifriqiya aux viii-xive siècles, tome 1, Publications de la Faculté des Lettres de la Manouba, 1992, p.475.
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[9]
Ibn Arafa, Al-mukhtasar al-mantiqui, établi par Saad Ghrab, CERES, p.59-60.
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[10]
Ishak Ibn Omrane, originaire de Samarra en Irak, a vécu à Kairouan au xe siècle. Il offrit ses services à l’émir Ziadallah III, de la dynastie Aghlabide, et instaura une tradition d’enseignement et de pratique de la psychiatrie.
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[11]
Danielle Jacquart, La médecine arabe et l’occident médiéval, Éd. Maisonneuve et Larose, Paris, 1996.
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[12]
Ahmed Ibn Ibrahim Ibn al-Jazzar (vers 898- vers 980), fils et neveu de médecins, apprit très tôt le Coran, la grammaire, la théologie, les belles-lettres et la médecine. Il était très modeste et n’accepta jamais les brillantes situations officielles qu’on lui offrait auprès des souverains. En cela, il suivait la droite ligne des doctes savants kairouanais et notamment celle du rigoureux et illustre Imam Souhnoun.
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[13]
Sleim Ammar, Ibn Jazzar et l’école médicale de Kairouan, Tunis, 1994.
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[14]
Abou al-Hassan Ibn Ali al-Qalasadi est un juriste et un grand mathématicien, (1412, Bastah en Andalousie – 1486, Béja en Tunisie). Sa « Rihla » qui était connue surtout par les grands fragments conservés dans le livre de Tunbukti « Tamhid al-Talib wa Muntaha al-Raghib ila ala al-Manazil wal-Manaqib », (établi par Muhammad Bou Lajfan, publié à Tunis en 1978), contient essentiellement les biographies de ses maîtres, dont 5 Tunisiens : Ahmad al-Kalachani, Ahmad al-Munastiri, Muhammmad al-Dahhan, Muhammad ben Uqab et Muhammad al-Wasili. Al-Qalasadi a écrit plusieurs livres dont : Al-Tabsira fi Ilma al-Hissab, Kashfi ak-Astar an Ilm Hourouf al-Ghoubar, Kashfi al-Gilbab an Ilm al-Hissab…
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[15]
Adam Ries, mathématicien allemand (1492-1559).
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[16]
Abd ar-Rahman Ibn Muhammad Ibn Khaldoun al-Hadrami (1332, Tunis - 1406, Le Caire), est un historien, philosophe et homme politique d’Ifriqiya. Sa façon d’analyser les changements sociaux qu’il a observés dans sa culture lui vaut d’être considéré comme étant à l’avant-garde de la sociologie. Il a laissé une autobiographie dans laquelle il cite de nombreuses informations concernant sa vie.
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[17]
Houidi Skander, Ibn Khaldoun 600 ans d’histoire, Marianne, 2006.
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[18]
Ibn Khaldoun, Les Prolégomènes, éd. Institut de France, Paris, 1863, p.93.
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[19]
Ibn Khaldoun, Les Prolégomènes, op. cit., p.142.
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[20]
Ce terme peut signifier à la fois « sentiment d’appartenance à la tribu », « liens de sang », ou encore « solidarité du clan » mais ne se limitant pas aux seuls liens familiaux.
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[21]
Abdelaziz Daoulatli, « Ibn Khaldoun. Un historien témoin de son temps et un précurseur », La Presse, Cahiers culturels, Tunis, 3 janvier 2006, p.III.