M. Merleau-Ponty et l'histoire sauvage

1Je commencerai, rapidement, par situer mon propos. Je ne suis nullement un spécialiste de M. Merleau-Ponty, mais c’est précisément à ce titre que je vais intervenir, en restant fidèle au thème retenu, « la notion d’usage ». Quels usages peut-on faire des schèmes, des notions et concepts mis en œuvre par Merleau-Ponty lorsque l’on se donne comme objet de pensée « l’histoire » ? Mon approche sera la suivante : à partir des lieux que je travaille, qu’est-ce que M. Merleau-Ponty permet-il de penser ?

2Deux remarques préalables. La première concerne ces lieux à partir desquels je lis les textes de Merleau-Ponty. Dans la première partie de cet article, il s’agit des textes philosophiques pensant l’histoire, mais aussi des pratiques historiennes, en particulier celles du XVIIe siècle. Cette précision n’est là que pour annoncer à l’avance le mélange des genres à venir, entre les concepts de Merleau-Ponty et les occasions qu’ils permettent de déchiffrer, occasions qu’il faudra circonscrire et présenter le moment venu. Mélange des genres assumé, dont j’espère qu’il donnera à penser.

3La deuxième remarque concerne l’autre pôle de ma réflexion, les textes de M. Merleau-Ponty. Plusieurs de ses textes concernent directement l’histoire. Je ne me centrerai toutefois pas exclusivement sur eux, privilégiant même souvent d’autres emprunts, dont l’usage m’apparaît plus fécond. Ce sera le cas du Visible et l’Invisible, de ses « Notes de travail » en particulier, et de L’Œil et l’Esprit : les réflexions ontologiques qui y sont menées dessinent un cadre favorable pour penser l’histoire comme régime de catastrophe, à partir des notions de discontinuité et de rupture. La lecture croisée de l’œuvre de M. Merleau-Ponty et de celle de C. Castoriadis, qui constituera la seconde partie de cet article, permettra de cerner l’usage que l’on peut faire des concepts de M. Merleau-Ponty dans cette perspective.

4Mais auparavant, je voudrais commencer par préciser le sens de la notion d’«histoire sauvage ». Commençons par proposer une définition et circonscrire, délimiter un enjeu : l’histoire sauvage est ce régime de temporalité qui cherche à penser la « chair du temps [1] », ce « tissu dont nous sommes faits [2] ». Elle présente un lieu du « rapport à l’Être de l’intérieur de l’Être [3] ». L’histoire sauvage reconnaît l’historicité radicale de notre monde, tout en insistant sur notre présence au monde, sur la présence dans ce monde-même de l’historien. Nulle position de surplomb ne vient assurer la prétention d’un sens complet du monde. L’histoire sauvage résulte de la critique de la « pensée de survol [4] », elle entérine l’impossibilité de toute position de surplomb.

5L’histoire sauvage se distingue alors tant de la Tradition que de l’histoire philosophique. La Tradition se définit comme discours de l’origine, mais aussi comme réceptacle des commentaires de cette origine, corrélat d’une temporalité orientée par une donation originelle de vérité, fut-elle opaque et donc à commenter. La Tradition unifie la temporalité en lui donnant sens à partir de l’origine. L’histoire philosophique place le surplomb à la fin, dans le discours qui résume, synthétise et ordonne la temporalité factuelle. Ces deux modes de temporalité fonctionnent comme des négations de l’histoire sauvage, comme mise en ordre de la force inépuisable de « l’Être brut et sauvage [5] ».

6Les situations que je vais présenter sont des situations de crise. Pour des raisons à chaque fois particulières, religieuse et/ou politique, la représentation dominante de la temporalité se trouve mise en doute, ses capacités à identifier, présenter et pérenniser une origine ou un point d’Archimède se trouvent interrogées et critiquées.

7L’analyse de la situation de l’histoire à la fin du XVIIe siècle permet de préciser un peu ces rapides définitions. Cette période me paraît se caractériser par une particularité historiographique, entre pensée de la Tradition et conception rationnelle de l’histoire pas encore élaborée. Bref moment où affleure l’histoire sauvage avant que la raison ne vienne étouffer ce surgissement. Le lieu, paradoxal on va le voir, le plus sensible de cet avènement est constitué par les controverses théologiques. Dans « Foucault révolutionne l’histoire [6] », P. Veyne avait fait la remarque que l’un des lieux importants de naissance d’une conception moderne de l’histoire résidait, avant le XIXe siècle, plus dans ces controverses que dans le genre historique. Catholiques et protestants s’y contestent mutuellement le statut d’orthodoxie et de fidélité originaires. L’histoire devient le juge de paix en quelque sorte de ces oppositions confessionnelles, permettant de désigner ceux qui ont innové, comprendre ceux qui ont trahi l’origine.

8Dans ces controverses P. Nicole (l’un des principaux controversistes catholiques avec A. Arnauld et Bossuet) annonce de la façon suivante le projet et la stratégie des Messieurs de Port-Royal, qui figurent en tête des controversistes catholiques : il convient, afin d’abréger la controverse, de choisir un moment, une époque dont on soit sûr de l’orthodoxie. Ce « point fixe » fonctionnera alors comme un relais de l’origine en amont, abrégeant, en aval, la démonstration de la perpétuité du dogme de l’Église catholique : « rien de plus raisonnable que de choisir un point fixe dont on ne discute pas, afin de passer ensuite à ce qui est en discussion ». Ce point fixe, ce point d’Archimède, a pour fonction, pour charge de rétablir la possibilité d’un ordre originaire dans l’histoire, seule garantie de sens. Car les réformés ne sont pas les seuls à fragiliser les positions de l’Église catholique, c’est-à-dire la possibilité d’une Tradition ; la critique vient également du camp catholique.

9À la même époque en effet, en 1678, un prêtre oratorien, R. Simon, publie un ouvrage déterminant, l’Histoire critique du Vieux Testament. Dans ce gros ouvrage, il établit, de façon critique et argumentée, que les livres de l’Ancien Testament n’ont pas été écrits par leur auteur éponyme, qu’il n’y a même pas d’auteur à proprement parler, mais une rédaction continuée. Et que, surtout, nous ne possédons plus l’original. La reconnaissance de cette mise à distance de l’origine me paraît essentielle. Je la rapproche de l’affirmation de Merleau-Ponty, selon laquelle « l’originaire éclate [7] ». Nous ne possédons plus de rapport établi à une origine donatrice de vérité, fondement d’une Tradition et d’une temporalité conçue comme réceptacle d’un sens originairement établi. C’est contre ce constat que se met en place la recherche de Nicole et Arnauld : essayer, au sein de l’histoire, de faire réapparaître un point fixe, un point d’Archimède capable à la fois de réorienter et de refonder l’histoire. Les recherches historiques à cette époque, l’apparition de la critique historique, les débats sur les originaux participent de cet enjeu, la disparition d’une origine capable de fonder une Tradition. Dès lors s’ouvre le champ d’une histoire sauvage, une histoire travaillant précisément un matériau historique de part en part. L’histoire sauvage naît sur les ruines de l’origine, veillant à ne pas rompre « le cercle du savoir et de la réalité », mais au contraire à s’attacher à « la méditation de ce cercle [8] ».

10Toutefois la reconnaissance de cette historicité fondamentale, que la fin du Grand Siècle exhibe exemplairement, sera vite recouverte par le projet philosophique d’une histoire rationnelle aux XVIIIe et XIXe siècles. Je ne prendrai, pour illustrer cette dénégation de l’histoire sauvage, que deux références. La première concerne E. Troeltsch, historien et

11théologien allemand au tournant des XIXe et XXe siècles, ami de M. Weber avec qui il voyage aux États-Unis en 1904 ; Weber qui nous ramène d’autre part évidemment à M. Merleau-Ponty. Troeltsch, réagissant à la question de l’historisme, postérité de la philosophie de Nietzsche, dresse un constat pour le moins inquiet : « Par son relativisme qui exprime et comprend tout […] l’histoire a préparé la voie à cet ébranlement des valeurs [9] ». L’ampleur du bouleversement est décisive : «L’État, le droit, la morale, la religion, l’art, tout est dissout dans le fleuve du devenir historique, et nous ne pouvons dorénavant les comprendre que comme des éléments inscrits dans des développements historiques [10] ». Face à cet ébranlement, face au constat que « Tout est en lutte contre tout [11] », une seule solution : il devient urgent de retrouver « la voie qui mène de l’historique relatif à des valeurs culturelles effectives ». « Il s’agit de construire à partir des études historiques le fondement d’un système culturel présent, qui assurera aussi le prochain avenir » ; « il s’agit de dépasser l’histoire par l’histoire [12] ».On le sait, la réponse de M. Weber à son ami, réponse anticipée à vrai dire dans un article de 1904 [13] est toute différente. Je ne développerai pas ces positions, indirectement commentées par Merleau-Ponty tant dans Les Aventures de la dialectique que dans le cours sur « L’institution » au Collège de France. En revanche je rappellerai la tentative de G. Lukacs, remarquée par M. Merleau-Ponty dans les mêmes Aventures de la dialectique : « le prolétariat est ce sens philosophique de l’histoire car il est “l’autoconnaissance de l’objet”, il fournit cette identité du sujet et de l’objet que la conscience philosophique aperçoit abstraitement comme la condition de la vérité et le point d’Archimède d’une philosophie de l’histoire [14] ». L’analyse historique a longtemps occupé cette fonction de recherche d’un point fixe, d’un point d’Archimède. Le matériau historique factuel n’a alors de sens qu’à être ramené en un point à partir duquel le sens de l’histoire se donne à lire de manière univoque. Mais, dans ce geste philosophique, l’histoire n’est pas prise en compte pour elle-même, sa signification dépend de l’identification de ce point dans lequel elle se résume et disparaît. Comment ne pas rappeler ici l’une des formulations dans lesquelles M. Merleau-Ponty s’en prend aux pensées de survol : «Toutes les instances que l’on voudrait opposer à l’histoire ont elles-mêmes leur histoire [15] » ? Il y a dans ces recherches de point fixe une dénégation de l’histoire dont on vient de rappeler quelques lieux. L’histoire sauvage, à l’inverse, affirme l’impossibilité d’un tel point, condamne une telle entreprise. L’histoire sauvage entérine la critique de toute position de surplomb, en dessinant le lieu à partir duquel il nous faut penser, le « Lebenswelt physico-historique [16] ». Contre la Tradition, mais aussi l’histoire philosophique, l’histoire sauvage reconnaît l’historicité profonde du monde, c’est-à-dire notre appartenance irrévocable à ce « monde sauvage [17] » dont il nous appartient de souligner la variété des perspectives et des formes.

12Les positions de Merleau-Ponty concernant l’histoire ne sauraient toutefois être réduites à cette seule critique de la pensée de survol, pourtant décisive. Cette critique est, en effet, souvent énoncée conjointement avec une autre critique, s’adressant à ce que l’on pourrait qualifier symétriquement de « pensée de la coïncidence ».De telle sorte que l’affirmation selon laquelle « L’histoire a du sens, mais elle n’est pas un pur développement de l’idée [18] » se comprend par rapport à cette double critique.Précisons encore les termes de cette double critique. On peut en trouver des formulations générales, comme « On se tromperait autant à définir la philosophie comme recherche des essences et comme fusion avec les choses […] survol ou fusion, ce sont là deux positivismes [19]». D’autres sont rapportées à l’histoire : « il n’y a pas histoire si le cours des choses est une série d’épisodes sans lien, ou s’il est un combat déjà gagné dans le ciel des idées [20] », ou encore « le chemin qu’il [M. Weber] cherche passe justement entre l’histoire comme suite de faits uniques et l’arrogance d’une philosophie qui se flatte d’enfermer le passé dans ses catégories et le réduit à ce que nous en pensons [21] ».L’histoire se distingue donc aussi bien de la chronique, coïncidence silencieuse avec les faits, que des autres régimes de temporalité que sont la Tradition ou l’histoire philosophique. Entre survol et coïncidence, entre un sens anhistorique et un silence définitif, l’histoire sauvage tente de déchiffrer un sens qui échappe à la fois à l’absolu désincarné, mais aussi au particularisme confinant au relativisme. C’est sur ce dernier aspect que je voudrais terminer l’analyse de la notion d’histoire sauvage.

13La critique de la coïncidence renvoie à la question du relativisme. Si l’on souscrit à la critique de la pensée de survol, ne risque-t-on pas de ne plus avoir comme horizon que l’enfermement dans une époque, dans une configuration particulière, dont il ne reste plus qu’à décrire le fonctionnement ? Pour échapper à ce règne de la chronique, simple relation des événements sans autre visée que l’adéquation entre l’œuvre et les faits, il convient d’être attentif à « l’unité massive de l’Être sauvage [22] ». M. Merleau-Ponty le souligne à propos de l’histoire de la philosophie : on risque de devenir insignifiant à force de vouloir être objectif. Dès lors, « Seule solution : montrer qu’il n’y a pas réduction à un plan unique, mais que, dans cet échelonnement en profondeur elles renvoient quand même l’une à l’autre, il s’agit quand même du même Être [23] ». L’historien qui travaille sur une période même lointaine n’en est jamais totalement coupé ; cela tient en partie à la spécificité de l’histoire, où l’objet n’est précisément pas un objet. Mais, sauf à penser un nominalisme radical ou un structuralisme surplombant, l’exercice historien postule une parenté sourde, souterraine entre l’historien et la période étudiée. Face au « cercle du savoir et de la réalité », et plutôt que d’essayer de le briser unilatéralement, il faut s’attacher à « la méditation de ce cercle [24] ». Parce qu’il peut produire un discours au-delà même des différences, l’historien découvre que le « monde est cet ensemble où chaque partie quand on la prend pour elle-même ouvre soudain des dimensions illimitées – devient partie totale [25] » ; on comprend bien ici l’intérêt de Merleau-Ponty pour Leibniz. Cette parenté prend forme dans un rapport spécifique à l’Être brut ou sauvage, un « rapport latéral [26] », une « vue de côté », « par empiètement [27] ». Se référant à L. Febvre, M. Merleau-Ponty précise : « la pensée n’a accès à un autre horizon historique que par l’autocritique de ses catégories, par pénétration latérale [28] ».Ce que découvre par conséquent l’historien dans la possibilité même de son travail, c’est l’énigme de l’unité du monde : « un monde qui n’est pas projectif, mais qui fait son unité à travers des incompossibilités telle que celle de mon monde et du monde d’autrui [29] ». L’histoire sauvage, par le rapport qu’elle ouvre à l’Être brut et sauvage, sauve conjointement l’historien des mésaventures du surplomb et de la désillusion de la chronique.

14L’appartenance de l’historien au Lebenswelt, le rapport spécifique à l’Être qu’il est en mesure d’entretenir nous conduisent à la notion décisive de «chiasme».Les analyses du chiasme du Visible et l’invisible, présentes également dans L’Œil et l’Esprit, ont pour enjeu de critiquer toute forme de dualisme simple en soulignant au contraire le « recroisement [30] », « l’insertion réciproque et l’entrelacs », la chair, la « synergie [31] ».Ces schèmes et cette logiqueme paraissent très heuristiques pour penser, dans différents lieux, à différents niveaux, le travail de l’historien.

15Premier lieu, la situation de l’historien et le domaine de l’histoire. M. Merleau-Ponty, dans Les Aventures de la dialectique, remarque la particularité de l’histoire, « étrange objet : un objet qui est nous-même [32] ». Les notions d’ « entrelacs » et de « chiasme » réfléchissent bien cette situation particulière dans laquelle l’historien partage avec son objet un monde commun, sans pour autant qu’il y ait coïncidence. Contre les positions positivistes héritées de L. von Ranke, mais aussi en se différenciant du domaine de la philosophie, S. Kracauer utilise, quant à lui, la notion de Lebenswelt. Elle lui permet de souligner que « bien plus que la philosophie [l’histoire] est proche du Lebenswelt[33] », car elle cherche à résoudre « l‘énigme même de la vie et du monde ». Alors que la philosophie « vise des vérités concernant les intérêts ultimes de l’être humain », l’histoire se consacre « aux dernières choses avant les toutes dernières [34] ». L’ancrage dans le Lebenswelt, dans ce champ commun réunissant observateur et objet de l’enquête, délimite le domaine des avant-dernières choses, explicitant ainsi le titre de l’ouvrage posthume de Kracauer. Dans le dernier chapitre, il caractérise ce « domaine de l’entre-deux comme une anti-chambre ». Le chiasme indique combien l’historien appartient au monde, en-deçà de toute prétention à une position privilégiée telle que Ranke la postule. Une deuxième résonance de la notion de «chiasme» renvoie à la synergie entre passé et présent.

16L. Febvre a souligné, lui aussi contre le positivisme, que l’histoire est toujours histoire écrite d’un présent. Le passé n’est pas totalement passé, l’historien le fait resurgir, l’appelant de son présent. « On n’évitera pas l’invasion de l’historien dans l’histoire [35] ». Le repoussoir est toujours cette prétention méthodique de l’histoire à recréer le passé tel qu’il fut. L. von Ranke proposait de montrer « ce qui s’est réellement passé » (wie es eigentlich gewesen) ; S. Kracauer, on l’a vu, lui oppose l’inscription dans le Lebenswelt, « le maquis des choses [36] », Merleau-Ponty souligne que « en cherchant le passé tel qu’il fut en soi on sous-entend toujours un spectateur, et l’on risque de ne trouver que le passé tel qu’il est pour nous [37] ». Il n’est pas question ici de développer cette question, sur laquelle les historiens eux-même se divisent, alertés par les mises en garde de C. Ginzburg contre le danger d’un oubli du « principe de réalité » (Un seul témoin), réveillés aussi par les polémiques nées du linguistic turn[38]. Une dernière remarque, une dernière piste à propos de l’entrelacs du passé et du présent : S. Kracauer analyse à de nombreuses reprises M. Proust, ce qui lui permet d’introduire la notion d’« estrangement » pour décrire la capacité de l’historien à passer du passé au présent. On sait combien M. Merleau-Ponty, lui aussi, s’intéresse à Proust, parce qu’il brouille et dépasse les dualismes figés [39]. Mais Kracauer s’en sépare à la fin : l’estrangement ne conduit pas Proust à l’extraterritorialité revendiquée par Kracauer pour l’historien. Ce dernier s’oublie, « il est fils d’au moins deux époques […]. En un sens, son esprit n’est pas localisable ; il déambule sans domicile fixe [40] ». On pourrait poursuivre l’analyse en confrontant cette extraterritorialité à la thématique du corps et de la prégnance chez M. Merleau-Ponty [41].L’usage de cette notion de « chiasme » appelle une révision de la logique dualiste pour laquelle la connaissance résulte d’une analyse distanciée entre un sujet et un objet. Ce sera la dernière occurrence du pouvoir heuristique de la notion

17d’ « entrelacs », celle qui permet de décrire les transformations à l’œuvre au cœur de l’histoire, dans sa chair, et que découvrent les historiens, au moins ceux échappant au registre de la linéarité simplificatrice. C’est à propos de M.Weber, parlant de l’efficace de la religion et de celle de l’économie que M. Merleau-Ponty remarque « l’entrelacs où tantôt l’une, tantôt l’autre joue le rôle de tuteur, des renversements où l’effet se retourne sur sa cause [42] ». On retrouve dans les Résumés de cours la même analyse, jouant conte Hegel : « cette phénoménologie reste bien différente de celle de Hegel, parce que le sens qu’elle trouve au fait historique est vacillant et toujours menacé. Le capitalisme dénature l’éthique calviniste dont il procède [43] ». Je prendrai rapidement une autre illustration de cet entrelacs, tirée d’un domaine précédemment évoqué. Il s’agit, encore, de l’avènement de l’histoire opposée à la Tradition entendue comme discours de l’origine. Dans les controverses déjà citées, chaque camp tente de défendre sa fidélité originaire. Les méthodes historiques factuelles mises en place pour ruiner les prétentions adverses à l’orthodoxie originaire se retourneront in fine contre le pouvoir de l’origine de fixer le temps. L’entrelacs de l’histoire désigne alors la plasticité de la « chair du temps [44] » au sein de laquelle des significations adviennent dans des dispositifs initialement pensés pour les contredire. On peut aussi penser au processus de sécularisation, mis en évidence par K. Löwith dans Histoire et salut, qui lit l’avènement de la modernité dans les schèmes et les mots de la tradition, au prix de cet entrelacs complexe.

18M. Merleau-Ponty appelle « logique souterraine [45] » celle qui va tenter de rendre compte de ces « renversements et [de] ces antinomies [46] ». Contre une logique privilégiant le pouvoir heuristique du développement de l’idée, l’histoire sauvage est attentive à cette « genèse fiévreuse » des significations. Les travaux d’A. Koyré, concernant des questions scientifiques donc apparemment plus objectivables, ont montré de la même manière des généalogies complexes, dont peuvent rendre compte les notions d’« entrelacs » et de « chiasme ».

19L’usage fait de Merleau-Ponty jusqu’à présent est un usage heuristique, permettant de donner un cadre à des analyses historiques, positives. Je voudrais poursuivre mon propos par un usage plus spéculatif. Pour cela, repartons de ce que l’on peut appeler l’hypothèse du point. Cette hypothèse, dont on a vu combien elle représentait une tentation réconfortante [47], renvoie à la possibilité d’identifier un point, souvent dans une logique originaire, à partir duquel ordonner le cours de l’histoire. Source de la temporalité, ce point en assure la continuité et en garantit le sens. C’est longtemps dans ce cadre que fut pensée l’histoire, dont il apparaissait qu’elle ne pouvait avoir de sens qu’à être saisie à partir de ce pôle de stabilité, qui en révélait l’ordre et la continuité. Penser la nouveauté marque une rupture par rapport à ce régime de temporalité ; c’est dans cette perspective que la lecture croisée de M. Merleau-Ponty et C. Castoriadis me paraît intéressante. « Il n’y a pas d’histoire si le cours des choses est une série d’épisodes sans lien, ou s’il est un combat déjà gagné dans le ciel des idées [48] » : lorsque M. Merleau-Ponty présente son projet, il semble bien entériner cette perspective non originaire. L’enjeu d’une telle perspective me paraît pouvoir être concentré dans l’appréciation de la nouveauté. On a rappelé précédemment comment le régime traditionnel de temporalité considérait la nouveauté comme une trahison de l’origine, bloquant de la sorte la temporalité, la cantonnant dans une répétition ou une élucidation de la donation originaire. Contre cette dénégation, Nietzsche, plus qu’aucun autre, contribua à mettre au centre de sa pratique et de sa pensée de l’histoire les notions de « transformation », de « création », d’ «émergence ». Foucault, à partir entre autres d’une lecture de Nietzsche, insista quant à lui sur la notion d’événementialisation. C’est dans ce cadre que la nouveauté devient une question cruciale. L’enjeu, essentiel, de cette notion remet en cause l’homogénéité du temps historique sur laquelle repose la prétention à tracer des perspectives pérennes. Penser la nouveauté contribue définitivement à rompre avec les modèles du régime traditionnel, toujours enclins à faire apparaître des continuités, des suites, à construire de la stabilité et de la pérennité.

20Cette position du problème historique laisse entrevoir la nécessité de ce que M. Merleau-Ponty appelle « un nouveau type d’être ». L’analyse d’un régime de temporalité proprement historique (au sens que M. Merleau-Ponty donne à la notion d’« histoire » dans la référence faite au paragraphe précédent) induit en effet la critique de ce que Castoriadis qualifie pour sa part de « logique héritée », celle qui pose que la caractéristique essentielle de l’être réside dans la détermination. La première phrase de l’Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitisme (« les actions humaines n’en sont pas moins déterminées, exactement comme tout événement naturel, selon les lois universelles de la nature ») illustre cette conception ontologique héritée, pour laquelle le surgissement radical d’une nouveauté se dissout dans la détermination. Castoriadis pose lui aussi la nécessité d’une nouvelle pensée de l’être pour penser le surgissement de nouveauté, la création radicale en quoi consiste l’histoire dès lors qu’elle n’est plus réduite dans le cadre de la logique héritée, déterministe et continuiste.

21M. Merleau-Ponty qualifie d’être sauvage, d’être brut ce nouveau type d’être. C’est à partir d’analyses portant sur autrui, sur la réversibilité du corps voyant et vu, visible et invisible, sur l’expérience de la main, touchante et tangible qu’il en pense la nécessité. Elle résulte également du constat selon lequel « il n’y a plus d’essence au-dessus de nous [49] ». Merleau-Ponty le nomme « être brut, vertical, sauvage » : « l’échec de la dialectique comme thèse, c’est la découverte de cette intersubjectivité non perspective, mais verticale, qui est, étendue au passé, éternité existentielle, esprit sauvage [50] ». Ce nouveau rapport à l’être, non déterminé, semble indiquer cette « métaphysique de l’histoire [51] » qu’a annoncée la fin du cours sur « L’institution ». On peut lire dans L’ôÀil et l’Esprit, mais aussi dans « Le langage indirect et les voix du silence », l’analyse de l’« historicité sourde [52] » que révèle de façon exemplaire l’activité des peintres. Contre le schéma continuiste critiqué chez Malraux, corrélat de la pensée de survol dénoncée dans le VI, l’être brut impose son propre mode d’historicité. Le critère de verticalité [53] semble pouvoir favoriser le prise en compte du surgissement, de ce qui relève de l’ordre de la déhiscence.

22De son côté, C. Castoriadis privilégie lui-aussi une telle définition de l’histoire, « L’histoire est création, ce qui veut dire émergence de ce qui ne s’inscrit pas dans ses “causes”, ses “conditions” etc. […]. Pour le dire en termes plus étroits, plus pragmatiques : la spontanéité est l’excès de l’“effet” sur la “cause” [54] ». C’est principalement contre ce qu’il estime être le réductionnisme de Marx que sa conception de l’histoire se met en place. Il reproche à Marx de n’être pas resté fidèle aux critiques qu’il adresse à Hegel, par exemple dans l’Introduction à la Critique de l’économie politique ; lui-même finit par tomber dans l’illusion consistant à chercher à édicter des lois de l’histoire [55]. Le geste consistant, à partir ou à l’occasion d’une réflexion sur l’histoire, à engager une redéfinition de l’être rapproche Merleau-Ponty et C. Castoriadis. Au-delà de cette décision théorique les différences se font pourtant sentir. Repartons de Merleau-Ponty. La prise en compte de l’être sauvage semblait indiquer la voie d’une possible analyse dépassant toute logique déterministe. Pourtant la lecture de L’ôÀil et l’Esprit laisse entrevoir ce que l’on pourrait appeler une préformation de l’être. Lorsqu’il décrit la relation que le peintre entretient avec le monde visible, avec cette « nappe de sens brut » qu’il travaille, les expressions utilisées sont les suivantes : « la peinture réveille », « elle donne existence [56] », il s’agit pour le peintre de « recréer [57] » ce « secret de préexistence [58] ». On trouve, dans le VI, la même ambivalence : « Le monde perceptif “amorphe” dont je parlais à propos de la peinture – ressource perpétuelle pour refaire la peinture– qui ne contient aucun mode d’expression et qui pourtant les appelle et les exige tous et re-suscite avec chaque peintre un nouvel effort d’expression [59] ». Le monde est certes amorphe, ouvert à la création, à l’institution, du peintre mais aussi des hommes historiques, mais il est en même temps ce qui appelle et exige. La notion de création abrite finalement la même tension : « Création qui est en même temps réintégration de l’Être [60] ». Dans ce contexte, l’historicité révélée par la peinture est tout à fait spécifique. La peinture se refait perpétuellement : « Depuis Lascaux jusqu’à aujourd’hui, pure ou impure, figurative ou non, la peinture ne célèbre jamais d’autre énigme que celle de la visibilité [61] ». Pas de progrès, pas de processus cumulatif, mais finalement pas non plus de rupture, de nouveautés. L’« historicité sourde [62] » que manifeste le travail des peintres reste largement tributaire du « fond primordial », du « secret de préexistence [63] », que finalement « les peintres ont toujours su [64] ». La pensée de M. Merleau-Ponty est complexe : pas de relève de l’histoire dans une fin (« L’idée d’une peinture universelle, d’une totalisation de la peinture, d’une peinture toute réalisée est dépourvue de sens »), ouverture par conséquent à la « recherche d’un cheminement en cercle [65] », mais en même temps reconnaissance qu’« en un sens la première des peintures allait jusqu’au fond de l’avenir ». En raison de l’appel de l’Être, l’histoire ne présente qu’une succession indéfinie des expressions latérales de l’être ; ces expressions entretiennent toutefois entre elles un rapport, le VI soulignant à plusieurs reprises cet enjeu d’unité [66]. Mais en raison de l’Être brut, jamais ces expressions ne seront dialectisables en un point, quel qu’il soit. Cette tension concernant la capacité, à partir de la notion d’« être brut », à penser la nouveauté radicale se retrouve dans la référence à la notion de pli [67] : « Je voudrais développer cela dans un sens : l’invisible est un creux dans le visible, un pli dans la passivité, non production pure [68] ». La référence à la notion de nature constitue un autre indice de la possible difficulté à trouver dans l’ontologie merleau-pontienne le cadre adéquat pour penser le surgissement radical d’une nouveauté. Les cours au Collège de France témoignent de cet intérêt non démenti pour l’étude de la notion de nature.

23Les « Notes de travail » du VI en attestent aussi : « “La nature est au premier jour” : elle y est aujourd’hui. Cela ne veut pas dire : mythe de l’indivision originaire et coïncidence comme retour. […] Il s’agit de trouver dans le présent, la chair du monde (et non dans le passé) un “toujours neuf ” et “toujours le même” – une sorte de temps de sommeil [69] ». La singularité de la conceptualisation de M. Merleau-Ponty concernant la pensée de la nouveauté se trouve dans cette double affirmation, constitutive d’une tension au caractère peut-être intenable. Penser la permanence d’un fond, tout en pensant le caractère inépuisable de ses expressions successives ; poser son caractère englobant tout en affirmant l’impossibilité de toute coïncidence ou saisie définitivement adéquate.

24Face à cette tension, qui interdit finalement de penser l’institution d’une création radicalement nouvelle, peut-être faut-il aller chercher ailleurs l’agencement conceptuel permettant de penser une historicité des faits davantage encore ouverte à la nouveauté et à la différence. La philosophie de C. Castoriadis me semble ouvrir des pistes intéressantes de ce point de vue. Je l’ai rappelé, c’est à partir d’une critique des positions marxistes (dans lesquelles il a commencé par se reconnaître, militer et produire théoriquement) que Castoriadis en vient à remettre en cause, pour des raisons à la fois épistémologiques et ontologiques, les prémisses de la théorie marxiste de l’histoire. J’en retiendrai l’enjeu ontologique [70].

25Une première formulation souligne l’importance de la notion de création : « L’histoire est création, ce qui veut dire émergence de ce qui ne s’inscrit pas dans ses “causes”, ses “conditions”, etc. […]. Pour le dire en termes plus étroits, plus pragmatiques : la spontanéité est l’excès de l’“effet” sur la “cause” [71] ». Les enjeux ontologiques de cette place, essentielle, dévolue à la création seront ultérieurement développés : « L’être est chaos, ou abîme [72]». Nulle trace d’une nature, d’une organisation en soi de la réalité sur laquelle devrait s’indexer la pensée. Cette affirmation ontologique représente la condition la plus fondamentale pour penser l’histoire, non sur le mode réductionniste dans les limites d’une pensée déterminisme, mais comme champ de la nouveauté. L’histoire devient alors la succession des institutions de sens, succession dont il faut souligner qu’elle n’est réglée par aucune logique unifiante induisant un schème continuiste. On cerne là une divergence avec M. Merleau-Ponty. Elle porte sur la pertinence de la notion de nature, son sens fut-il révisé. En contestant le caractère opportun, Castoriadis revendique qu’« il n’y a pas de nature humaine [73] », pas plus qu’aucune forme de données régulant a priori la création humaine historique. Dès lors, ne pouvant faire référence à la nature, à ce que l’on peut penser chez Merleau-Ponty comme un arrière-fond ordonnant, dans presque tous les sens du terme, la création humaine, Castoriadis en vient à circonscrire l’importance décisive de l’imagination : « “Ce qui crée” l’histoire et la société, c’est la société instituante par opposition à la société instituée ; société instituante, c’est-à-dire imaginaire social au sens radical [74] ». La lecture d’Aristote, du traité De l’âme en particulier [75], lui permet de préciser les termes d’une imagination radicale, authentiquement créatrice de formes nouvelles, et non seulement mise en forme de données. Il faut souligner que, à la différence de Marx ou Lacan, cette conception de l’imagination n’est nullement spéculaire, reflet d’une réalité encore et toujours dirimante. Sa caractéristique fondamentale consiste à inventer, à créer du nouveau. L’analyse du surgissement de la ville médiévale, à partir de l’œuvre de l’historien Y. Barrel, permet à Castoriadis de préciser l’articulation entre la discontinuité que l’irréductibilité de l’institution imaginaire impose, et la continuité inévitable, une telle création intégrant évidemment des éléments hérités [76].

26Pour autant, cette articulation reste problématique, constituant ce que Castoriadis appelle lui-même « le cercle de la création ». La critique de la position fondamentale du principe de détermination, dans ses enjeux logique et ontologique, rend complexe la pensée de la création. De cette critique s’ensuivent deux propositions, les refus conjoints de la détermination (pour des raisons évidentes dans le contexte ontologique exposé) mais aussi de l’indétermination (refuge d’une absence de pensée). Les dernières formulations de cette question reprennent souvent la formulation suivante : « De cette création il y a chaque fois des conditions nécessaires mais non suffisantes. La création, quant à la forme, à l’eidos, est ex nihilo ; mais elle n’est ni in nihilo, ni cum nihilo[77] ». Cette conceptualisation, dont Castoriadis reconnaît le caractère « lourd », est censée rendre compte du « caractère intrinsèquement circulaire de l’apparition de la nouvelle forme », le surgissement de la polis en Grèce et la

27création des nouvelles citées vers l’an mille en Occident en constituant des exemples historiques. Dans un autre article, cette distinction conceptuelle est explicitée par l’idée de « création sous contraintes [78] »

28M. Merleau-Ponty, les notes de travail du Visible et l’Invisible en témoignent exemplairement, nourrissait sa réflexion philosophique d’apports extérieurs à la philosophie et à son histoire, en articulant ces matériaux avec une conceptualisation pour laquelle la connaissance et la méditation de l’histoire de la philosophie étaient indispensables. Les réflexions présentées plus haut tentent, bien modestement évidemment, de suivre ce modèle : articuler références positives et propositions plus spéculatives, en les soumettant à la critique publique.

29C’est aussi ce que m’aura permis, et espérons-le ce que continuera d’offrir comme conditions de travail le Collège international de philosophie, dont l’intérêt pour les intersections n’a pas d’autres raisons d’être.

Notes

  • [1]
    Le Visible et l’Invisible, édité par C. Lefort, 1964, Gallimard ; cité dans l’édition de la collection «TEL», p. 150.
  • [2]
    Idem, p. 257.
  • [3]
    Idem, p. 268.
  • [4]
    L’OÊil et l’Esprit, 1964, Gallimard, Paris ; cité dans l’édition parue en collection «Folio», p. 12.
  • [5]
    Le Visible et l’Invisible, p. 237.
  • [6]
    Publié dans Comment on écrit l’histoire, 1972, Le Seuil.
  • [7]
    Le Visible et l’Invisible, p. 163.
  • [8]
    Les Aventures de la dialectique, 1955, Paris, Gallimard, p. 45, à propos de M. Weber et de sa philosophie de l’histoire.
  • [9]
    « La crise de l’historisme » in Religion et histoire, éd. et trad. J.-M. Tétaz, Labor et Fides, 1990, Genève, p. 221. L’article est paru en 1922.
  • [10]
    Idem, p. 206.
  • [11]
    Idem, p. 220.
  • [12]
    Idem, p. 220-222.
  • [13]
    Dans « L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales » in Essais sur la théorie de la science, trad. J. Freund [1964], 1992, Paris, Plon.
  • [14]
    Les Aventures de la dialectique, p. 67.
  • [15]
    Résumé de cours, [1968], Paris, Gallimard, cité dans l’édition parue en collection «Tel», p. 44.
  • [16]
    Le Visible et l’Invisible, p. 229.
  • [17]
    Idem, p. 231.
  • [18]
    Les Aventures de la dialectique, p. 27.
  • [19]
    Le Visible et l’Invisible, p. 168-169.
  • [20]
    Résumé de cours, p. 46.
  • [21]
    Les Aventures de la dialectique, p. 32.
  • [22]
    Le Visible et l’Invisible, p. 256.
  • [23]
    Idem, p. 239.
  • [24]
    Les Aventures de la dialectique, p. 45, à propos de M. Weber et de sa philosophie de l’histoire.
  • [25]
    Le Visible et l’Invisible, p. 271.
  • [26]
    Idem, p. 167.
  • [27]
    Idem, p. 271.
  • [28]
    Résumé de cours, p. 64.
  • [29]
    Le Visible et l’Invisible, p. 268.
  • [30]
    Idem, p. 176.
  • [31]
    Idem, p. 182, 187.
  • [32]
    Les Aventures de la dialectique, p. 20.
  • [33]
    L’Histoire. Des avant-dernières choses [1966], trad. C. Orsoni, 2006, Paris, Stock, p. 267.
  • [34]
    Idem, p. 264, 267.
  • [35]
    Les Aventures de la dialectique, p. 18.
  • [36]
    L’Histoire, p. 158.
  • [37]
    Les Aventures de la dialectique, p. 21.
  • [38]
    Voir, entre autres, les positions de L. Stone, « Retour au récit ou réflexion sur une nouvelle vieille histoire », Le Débat, n°4, 1980.
  • [39]
    Par exemple, Le Visible et l’Invisible, p. 195, sq.
  • [40]
    L’Histoire, p. 155.
  • [41]
    Cf. Le Visible et l’Invisible, p. 261-262.
  • [42]
    Les Aventures de la dialectique, p. 27.
  • [43]
    Résumé de cours, p. 51.
  • [44]
    Le Visible et l’Invisible, p. 150.
  • [45]
    Résumé de cours, p. 63.
  • [46]
    L’Œil et l’Esprit, p. 19.
  • [47]
    J. W. Scott souligne combien les historiens « aspirent à la sécurité » (Théorie critique de l’histoire, 2008, Paris, Fayard, p. 15) en s’appuyant, entre autres dispositifs, sur de telles notions essentialisées à même de procurer, face au devenir de l’histoire, des appuis stables.
  • [48]
    Résumé de cours, p. 46.
  • [49]
    Le Visible et l’Invisible, p. 158.
  • [50]
    Idem, p. 229.
  • [51]
    Résumé de cours, p. 65.
  • [52]
    L’Œil et l’Esprit, p. 90.
  • [53]
    Utilisé à plusieurs reprises dans Le Visible et l’Invisible, par exemple p. 323, 325.
  • [54]
    La « source hongroise » in Contenu du socialisme, Paris, 1979, p. 382.
  • [55]
    C’est dans « Valeur, égalité, justice, politique : de Marx à Aristote et d’Aristote à nous » (in Le Carrefour du labyrinthe, 1978, Paris) que Castoriadis développe la critique du caractère trop nomothétique des recherches de Marx concernant l’histoire, économique en particulier.
  • [56]
    L’Œil et l’Esprit, p. 26.
  • [57]
    Idem, p. 30.
  • [58]
    Idem, p. 70.
  • [59]
    Le Visible et l’Invisible, p. 233.
  • [60]
    Idem, p. 250.
  • [61]
    Idem, p. 26.
  • [62]
    L’Œil et l’Esprit, p. 90.
  • [63]
    Idem, p. 70.
  • [64]
    Idem, p. 81.
  • [65]
    L’Œil et l’Esprit, p. 92.
  • [66]
    Par exemple, à propos de l’histoire de la philosophie : « montrer qu’il y a transcendance, certes, entre les philosophies, pas de réduction à un plan unique, mais que, dans cet échelonnement en profondeur elles renvoient quand même l’un à l’autre, il s’agit quand même du même Être », Le Visible et l’Invisible, p. 239.
  • [67]
    Je suis redevable à l’audition de la communication de J. Rogozinski, reproduite dans ce même numéro, de l’importance de cette notion de «pli».
  • [68]
    Le Visible et l’Invisible, p. 289.
  • [69]
    Idem, p. 320.
  • [70]
    Une seule référence parmi de très nombreuses autres formulations : « Le fait de la création a aussi des implications ontologiques lourdes […]. Il entraîne l’abandon de l’hyper-catégorie de la déterminité comme absolue », Fait et à faire. Les carrefours du labyrinthe V, p. 18.
  • [71]
    « La source hongroise » in Contenu du socialisme, 1979, Paris, p. 382.
  • [72]
    « L’imaginaire : la création dans le domaine social-historique » in Domaines de l’homme. Les carrefours du labyrinthe II, p. 219. Outre cet article, on trouvera d’autres présentations de ces thèses ontologiques dans le même recueil, p. 407, 264, 284 (pour l’étymologie de la notion de «chaos» chez Hésiode).
  • [73]
    Institution imaginaire de la société [1975], Paris, col. Point, Le Seuil, 2006, p. 37.
  • [74]
    « La polis grecque et la création de la démocratie » in Domaines de l’homme. Les carrefours du labyrinthe II, p. 264.
  • [75]
    Voir en particulier la lecture attentive d’Aristote dans « La découverte de l’imagination » in Domaines de l’homme. Les carrefours du labyrinthe II, ainsi que « Imagination, imaginaire, réflexion » in Fait et à faire. Les carrefours du labyrinthe V (Paris, 1997), dans lequel l’analyse kantienne est également prise en compte.
  • [76]
    Voir « Complexité, magmas, histoire. L’exemple de la ville médiévale » in Fait et à faire. Les carrefours du labyrinthe V.
  • [77]
    « Complexité, magmas, histoire. L’exemple de la ville médiévale » in Fait et à faire. Les carrefours du labyrinthe V, p. 212.
  • [78]
    « Imagination, imaginaire, réflexion », in Fait et à faire. Les carrefours du labyrinthe V, p. 268. Castoriadis énonce ensuite les modes de contraintes externe, interne, historique, intrinsèque. À la page 19 du même recueil, il présente également les différents types de conditions permettant de modéliser les rapports entre formes anciennes et nouvelles.