Un peu de Bourbaki ne ferait pas de mal
1On se souvient de la catastrophe que fut l’introduction dès l’école primaire des mathématiques dites « modernes » dans les années soixante-dix du siècle dernier. Cette « réforme » visait à améliorer les performances scientifiques de la population des pays occidentaux – argument particulièrement sensible aux États-Unis où l’on avait tiré du lancement du spoutnik soviétique, vécu comme un Pearl Harbor scientifique, la conclusion qu’un pays technologiquement avancé est un pays où la formation mathématique de la population en général est d’un haut niveau.
2En France, berceau de l’école Bourbaki, dont les thèses avaient servi de caution théorique à la « réforme » de l’enseignement des mathématiques, l’introduction des « maths modernes », abondamment critiquée par le corps enseignant, les parents, les physiciens et les ingénieurs, fut abandonnée au milieu des années quatre-vingt. Aujourd’hui, trente ans après, l’évolution du monde tel qu’il va invite à se demander si le bâton n’a pas été trop tordu dans l’autre sens et si un peu de Bourbaki ne serait pas bienvenu à l’école et au collège.
3C’est à propos du concept de nombre et de l’usage qui en est fait que l’on peut se demander si l’école joue bien le rôle d’apprentissage de l’esprit critique qui est supposé être le sien et s’il ne serait pas nécessaire de remettre à l’ordre du jour certains thèmes de la « réforme » avortée il y a trente ans.
4On sait que l’une des thèses du bourbakisme concerne précisément le statut des nombres. Contrairement à ce que l’on pense spontanément, les nombres ne nous ont pas été « donnés », armés de la structure mathématique qui est la leur. Car compter n’est pas calculer. Si le dénombrement peut bien être considéré comme la forme première et concrète de la notion mathématique de nombre (entier « naturel »), en revanche la structure permettant le calcul sur des nombres ne nous a pas été imposée, donnée, par « la nature » ; elle résulte d’un effort d’abstraction de l’esprit humain conduisant à la définition des deux opérations, l’addition et la multiplication, dont les règles permettent à leur tour de définir les nombres comme ce qui obéit à ces règles de calcul [1]. Comme l’écrit Jean Dieudonné dans Éléments d’histoire des mathématiques [2], publié sous le nom de Nicolas Bourbaki, mais dont il est le principal rédacteur : « Il a été assez difficile de se libérer de l’impression que les objets mathématiques nous sont “donnés” avec leur structure : seule une assez longue pratique… a pu familiariser les mathématiciens modernes avec l’idée [que sur un même ensemble plusieurs structures sont possibles [3]]… Avec cette dissociation [entre les objets et leur structure] s’est finalement réalisé le passage à la définition générale des structures. » Le mathématicien « moderne » n’accepte pas de se limiter aux objets que semble lui imposer l’origine concrète des mathématiques ; il crée ses propres objets en définissant à leur propos une structure, c’est-à-dire, dans le cas des nombres, un ensemble de règles de calcul ; dans un premier temps (au début du XIXe siècle), on s’est contenté de reprendre les règles de l’algèbre usuelle, fondée sur le jeu combiné des deux opérations arithmétiques : l’addition et la multiplication (cette structure est donnée ici en note [4]).
5On le voit, la structure des nombres est complexe, même si elle repose sur deux opérations que tout un chacun apprend sinon à comprendre, du moins à manipuler automatiquement, dans l’enfance, à l’école élémentaire. C’est bien là le « mystère » des nombres, qu’ils soient si sophistiqués théoriquement et en même temps si facilement manipulables. Manière de dire que le concept de nombre est riche et ouvert, susceptible de multiples extensions, comme le note Dieudonné, dans un autre texte : « C’est seulement au début du XIXe siècle, qu’on se rendit compte enfin qu’on peut “calculer” sur certaines “choses” qui ne sont pas des nombres comme si c’étaient des nombres [5]. » Dieudonné cite alors comme exemple d’élargissement réussi le cas des « imaginaires » (ainsi qualifiés au début du XIXe siècle parce que la racine carrée de (-1) était traitée, sans que cela soit justifié et même à l’encontre des prescriptions usuelles, comme s’il s’agissait d’un nombre « véritable »). Il montre, dans le détail et de façon simple, comment il est possible de définir pour ces objets bizarres deux opérations obéissant aux mêmes règles de calcul (voir note 4) que les opérations usuelles, l’addition et la multiplication ; ce qui, conclut Dieudonné, justifie que l’on fasse comme si la racine de (-1) était un nombre.
6Cet exemple « historique » ne doit cependant pas faire croire que le domaine d’application de la structure de nombre, à base d’addition et de multiplication, est facilement extensible : de fait, la procédure décrite par Dieudonné n’a pu être réitérée au delà de l’annexion des complexes à la catégorie des nombres déjà existants et toute autre tentative d’extension oblige à modifier au moins l’une des règles énoncées à la note 4 (le plus souvent, la règle de commutativité de la multiplication) [6].
7Il n’est donc pas vrai que la structure des nombres (c’est-à-dire les règles de la multiplication et de l’addition arithmétiques et de leur combinaison) soit universellement applicable. Tout n’est pas nombre [7]. Ou comme l’écrit Claude Lévy-Strauss, avec plus de hauteur de vue : « Avec ces mathématiques nouvelles [il s’agit de celles développées par le groupe Bourbaki où le concept de structure (mathématique) joue un rôle central]… nous apprenons que le règne de la nécessité ne se confond pas inévitablement avec celui de la quantité. » Il cite à ce propos le cas des règles du mariage, étudiées par lui sous divers tropiques, qui n’ont guère à voir avec celles de l’addition et de la multiplication [8].
8En termes bourbakistes, on dira que l’addition et la multiplication de l’arithmétique, tout comme les règles du mariage en ethnologie, sont des cas particuliers d’une catégorie plus vaste, celle de « loi de composition » (rappelons que par définition, « une loi de composition fait correspondre à deux éléments d’un ensemble un troisième élément, généralement du même ensemble [9] »). L’addition et la multiplication de l’arithmétique ne peuvent être conçues indépendamment du fait qu’elles s’exercent sur des ensembles de nombres. S’il n’existe pas – comme l’imagine Raymond Queneau sur le mode de la plaisanterie –, une arithmétique des pommes et une arithmétique des poires, il existe en revanche une arithmétique des nombres – impliquant un degré d’abstraction, dont Queneau (en 1960) constate qu’il est aujourd’hui à la portée d’un enfant de huit ans [10].
9Ces rappels étaient nécessaires pour comprendre l’esprit dans lequel fut pensée par les mathématiciens eux-mêmes l’introduction des « maths modernes » à l’école, il y a près d’un demi-siècle. Il s’agissait, comme le dit André Lichnerowicz [11] – après s’être plaint de ce que les élèves « croient à l’existence d’une addition, d’une multiplication, opérant dans un univers absolument indéfini [12] », oubliant donc que ces opérations s’exercent sur des nombres –, d’introduire dans la formation élémentaire un peu de la complexité propre à la structure des nombres, qu’un enseignement trop dogmatique a eu tendance à passer sous silence, sous prétexte de ne pas troubler les jeunes esprits (lesquels, si l’on en croit Queneau, sont beaucoup plus souples qu’on imagine). En somme, l’objectif était de déniaiser les élèves (et donc les citoyens du futur), de leur faire sentir ce que la structure des nombres a en commun avec d’autres structures (ce dont, pense Lichnerowicz, ils ont d’eux-mêmes l’intuition, mais ne peuvent obtenir la confirmation auprès d’enseignants souvent enfermés dans leurs certitudes) et en même temps ce que les nombres ont de particulier, de « provincial » en quelque sorte, en leur faisant découvrir que les règles de l’addition (et de la multiplication, mais c’est surtout à propos de l’addition que se manifeste l’ « idolâtrie des opérations » dont se plaint Lichnerowicz) ne sont qu’un cas particulier de lois de composition. L’idée était en somme d’introduire les élèves à un monde plus vaste que celui des « évidences [13] ».
10Ce n’est pas le lieu ici de discuter la question de savoir s’il fallait ou non adopter la « réforme des maths modernes », mal préparée, mal emmanchée dès le départ. On peut cependant regretter que l’on ait en l’abandonnant, une fois de plus, jeté le bébé avec l’eau du bain. Rétrospectivement, il apparaît qu’il aurait été avisé de retenir, au moins, l’idée que l’addition arithmétique n’est qu’une loi de combinaison parmi d’autres, que toute composition ne se réduit pas à une addition, que certaines « choses » se combinent et d’autres plus rares, s’additionnent. Ne serait-ce qu’en raison des aperçus sur le monde qu’autorise cette idée, plus vastes que la perspective strictement comptable ; en raison aussi d’une certaine idée du rôle de l’école qui n’est pas de cautionner une vision du monde où tout se réduit à des plus et des moins. À lire les journaux aujourd’hui, à flâner sur Internet, on peut avoir l’impression que, dans leur majorité, les lecteurs croient que l’addition arithmétique est le seul mode de combinaison possible pour deux « objets ». On comprend alors l’intérêt que présentait, aux yeux des réformateurs des années soixante-dix, l’apprentissage par de très jeunes enfants de ce qu’on a pompeusement appelé « la théorie des ensembles ». De ces « ensembles », la mémoire collective n’a conservé que l’image de « patates » vertes, rouges, jaunes englobant des objets dessinés sur une feuille de papier, alors que le véritable intérêt pédagogique de l’exercice était d’initier tôt à la notion d’appartenance à un même ensemble, de montrer que les intersections de ces patates, leur union, leurs partitions permettent de fabriquer des ensembles parfaitement définis sur lesquels effectuer correctement des additions (par exemple) qui aient un sens. Lichnerowicz incriminait déjà sur ce point l’enseignement des mathématiques et se plaignait qu’on présentât aux élèves un état de la réflexion mathématique datant du début du XIXe siècle, sans les informer des ouvertures réalisées depuis et des efforts accomplis par les mathématiciens pour remettre l’addition arithmétique à sa juste place, ni plus ni moins. Cinquante ans plus tard, on en est apparemment au même point. Les élèves, eux, continuent à avoir droit à ce que, compte tenu de la richesse introduite en mathématiques depuis deux siècles, on doit bien appeler « une mathématique du pauvre ».
11Je ne prends qu’un seul exemple. Depuis qu’a été établi le séquençage du génome du chimpanzé, ce qui a permis de le comparer à celui d’homo sapiens, établi en premier lieu (à tout seigneur, tout honneur), on lit ici et là que « la différence génétique entre l’homme et le chimpanzé n’est que de 1, 23% ». De là à penser qu’entre l’homme et l’animal (ou du moins, le plus « évolué » d’entre eux) « la différence n’est que de 1,23% », il n’y a qu’un pas que certains franchissent… ou accusent d’autres de franchir. Mais que signifie l’énoncé : « la différence génétique entre l’homme et le chimpanzé est de 1,23% » ? 1,23% de quoi ? Sans indication de ce qui dans la fabrication du pourcentage est fixé à 100, l’énoncé précédent ne veut rien dire. Renseignements pris, il apparaît que 1, 23% des « bases » formant l’ADN de homo sapiens ne sont pas les mêmes que celles formant l’ADN du chimpanzé. Très bien. Du moins, tant qu’il s’agit de compter des bases, opération au cours de laquelle on ne s’intéresse qu’à l’objet supposé neutre, appelé « base », localisé en tel endroit ; on « regarde » : si la base à tel endroit n’est pas la même dans les deux ADN, on ajoute un bâton dans la colonne des bases changées ; sinon, on ajoute un bâton dans la colonne des bases inchangées ; puis on additionne ces bâtons dans chaque colonne, on obtient deux nombres et on calcule un pourcentage (que tout ce travail soit réalisé par un ordinateur très puissant ne change rien à l’affaire). Calcul parfaitement légitime puisque les bases localisées là où elles doivent l’être sont parfaitement équivalentes, aussi équivalentes que les points d’un ensemble de points de l’espace euclidien. Mais si on veut tirer de ce 1,23% autre chose qu’un renseignement comptable, par exemple une manière de quantifier la « différence » entre l’homme et l’animal, il convient de prendre en compte les « fonctions » associées à ces bases, en particulier leur éventuelle implication dans le développement des porteurs des ADN considérés ; de fait, un changement de base dans un ADN modifie non seulement la structure de la molécule considérée, mais aussi, et surtout, la « régulation de l’expression des gènes [14] » – étape essentielle dans la construction physiologique des individus. Du point de vue du développement des individus d’une même espèce, les bases constituant l’ADN de cette espèce ne sont donc absolument pas équivalentes [15]. Les additionner c’est – selon une expression qui remonte au temps des dots accompagnant les filles à marier – « mélanger les torchons et les serviettes ». Mélange qui peut avoir un sens si l’on s’intéresse au nombre de pièces que comporte le trousseau de la donzelle, mais qui cesse d’en avoir dès lors qu’on s’intéresse à ces pièces en songeant à leurs usages différents (à l’époque, en tout cas) : à table et à la cuisine. De la même façon, dès lors qu’on s’intéresse aux processus dévolution et développement, domaine où tout le monde s’accorde pour dire que les fonctions chimiques et biologiques des bases de l’ADN jouent un rôle essentiel, additionner des bases de diverses fonctions n’a pas de sens – calculer à leur propos des pourcentages, non plus. À la base de cette erreur de raisonnement, on retrouve l’idée que toute loi de combinaison est une addition, ou encore – on ne peut mieux le dire – « que le règne de la nécessité se confond (inévitablement) avec celui de la quantité ».
12Cet exemple, mettant en évidence comment il est possible de faire prendre des vessies pour des lanternes à des lecteurs que rien dans leur formation n’a préparés à exercer leur esprit critique à cet endroit (il s’agit de « maths » ; donc, c’est vrai), incite à s’interroger sur la prolifération ahurissante à l’heure actuelle des pourcentages dans la vie ordinaire du citoyen ordinaire. Aujourd’hui, on ne donne plus un nombre de façon directe, on le transforme en pourcentage. Souci de relativisation, dira-t-on. Certes, mais il y a fort à parier que beaucoup de ces pourcentages ne sont pas plus justifiés que dans l’exemple précédent, autorisant toutes les manipulations idéologiques imaginables. L’école, loin de faire rempart (j’ai déjà dit qu’elle avait raté le coche en balayant en bloc la « réforme des maths modernes »), apporte son concours zélé. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les manuels de mathématiques du collège. De la sixième à la troisième, quatre ans de suite, un chapitre entier est consacré aux pourcentages ; ce chapitre est repris à l’identique d’une classe à la suivante, sans que l’on puisse déceler la moindre progression des connaissances (on serait d’ailleurs bien en peine d’associer le moindre approfondissement conceptuel à la notion de pourcentage). Une telle insistance sur l’apprentissage du calcul des pourcentages ne s’explique que par une volonté politique : un citoyen doit savoir calculer des pourcentages (il doit savoir lire les résultats d’une analyse médicale, comprendre ce qu’il fait en votant pour tel ou tel, manger des légumes verts en bonne proportion, mais aussi payer ses impôts, consommer à bon escient, en profitant des rabais sérieux et en évitant le racolage, emprunter avec modération, dans la mesure de ses ressources, etc.) ; en conséquence, aucun adolescent ne doit sortir du collège sans avoir la maîtrise, fût-elle automatique, du calcul des pourcentages.
13Or, il est intéressant de constater que les exemples de calcul de pourcentages qui sont donnés dans les manuels ou proposés en exercice, portent dans leur très grande majorité sur des questions d’argent [16]. Pour la bonne et mathématique raison que le calcul d’un pourcentage, comme il a été dit plus haut, n’a de sens que sur des objets strictement équivalents (les auteurs de manuels qui ont le souci d’être irréprochables le savent bien). Il est difficile de trouver plus strictement équivalents que deux euros (deux dollars, deux yuans) : la seule opération mathématique que l’on puisse pratiquer sur eux est de les compter, autrement dit de les additionner [17] ; ils ne peuvent donner lieu à aucune autre loi de composition [18]. Et voilà comment, avec les meilleures intentions du monde, tout est fait pour que les élèves sortent du collège persuadés que tout fonctionne comme l’argent, y compris les mathématiques !
14Est-ce faire preuve de mauvais esprit que de penser que l’importance prise par « le marché » dans le monde actuel n’est pas étrangère à cet appauvrissement culturel ? Est-ce faire preuve d’un optimisme outrancier que de penser que l’école, en l’occurrence l’enseignement des mathématiques, peut dans une certaine mesure, ne pas apporter sa caution à l’idée que le monde est réglé par une comptabilité généralisée, par exemple en fournissant des exemples de lois de composition autres que l’addition arithmétique et ouvrir ainsi la fenêtre sur des horizons plus vastes?
15L’effet destructeur, on s’en doute, n’affecte pas toutes les catégories de la population de la même façon. Certains comprendront plus tard, s’il ne l’ont déjà compris à la sortie du collège, que tout n’est pas structuré comme le marché, que les mathématiques sont plus complexes et plus riches que cette mathématique du pauvre qui leur est présentée sous prétexte d’ « enseignement de masse ». Les autres, ceux pour qui cette mathématique du pauvre a été concoctée, en sorte qu’il s’agit bien d’une mathématique pour les pauvres, se débrouilleront comme ils pourront ; il n’est même pas sûr que tous les pourcentages calculés entre 10 et 14 ans leur éviteront d’être grugés par des banquiers indélicats. Pourtant, c’est bien là la situation que la « réforme » des maths modernes, contemporaine des débuts de l’enseignement de masse, cherchait à éviter ; qu’elle n’ait réussi qu’à tout embrouiller n’implique pas que certains de ses thèmes doivent être absolument et éternellement ignorés.
Notes
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[1]
« Dieu a créé les entiers ; tout le reste a été fabriqué par l’homme », Kronecker. Cité par Hermann Weyl, Philiosophy of Mathematics and Natural Science, New York, Princeton University Press [1949], réédition, Atheneum, 1963, p. 33.
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[2]
N. Bourbaki, Éléments d’histoire des mathématiques, Paris, Hermann, 1969, p. 34-35. Le passage cité figure également dans la réédition augmentée parue chez Springer en 2006.
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[3]
Par exemple, plusieurs topologies « naturelles » sont possibles sur les nombres rationnels.
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[4]
Ces règles sont, en écriture symbolique :
x + (y + z) = (x +y) + z (associativité de l’addition) ;
x + y = y + x (commutativité de l’addition) ;
0+ x = x (existence d’un élément neutre pour l’addition) ;
x + (- x) = 0 (existence, pour chaque élément, d’un élément inverse dans l’addition) ;
x. (y + z) = xy + xz (distributivité de la multiplication par rapport à l’addition) ;
xy = yx (commutativité de la multiplication) ;
x = x (existence d’un élément neutre pour la multiplication) ;
x.(1/x) = 1 si x ? 0 (existence, pour tout élément différent de l’élément neutre de l’addition, d’un élément inverse dans la multiplication). -
[5]
J. Dieudonné « L’abstraction en mathématiques », in L’Enseignement des mathématiques, ouvrage collectif rassemblant des contributions de J. Piaget, E. W. Beth, J. Dieudonné, A. Lichnerowicz, G. Choquet, C. Gattegno, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, collection « Actualités pédagogiques et Psychologiques », 1955, p. 47-61.
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[6]
Voir à ce sujet, H. Weyl, op. cit., p. 32.
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[7]
Dieudonné dans Éléments d’histoire des mathématiques, op. cit., p 35-36, brosse un tableau des avatars historiques de l’idée pythagoricienne selon laquelle « toutes choses sont nombres ».
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[8]
Cl. Lévi-Strauss, « Les mathématiques de l’homme », Bulletin des sciences sociales de l’UNESCO, vol. VI, n° 4, 1954.
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[9]
« Il y a peu de notions en Mathématique, qui soient plus primitives que celle de loi de composition : elle semble inséparable des premiers rudiments de calcul sur les entiers naturels et les grandeurs mesurables. » Ainsi commence le chapitre intitulé « L’évolution de l’Algèbre » des Éléments d’histoire des mathématiques, op. cit. de Dieudonné (p. 67).On remarquera que cette notion est inséparable de celle d’ « ensemble ».
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[10]
Raymond Queneau : « Dans les arithmétiques anciennes… un chapitre était consacré à l’addition des toises, un autre à l’addition des onces, etc. ». (Ici Queneau note en bas de page : « Parce que les rapports entre unités étaient différents, bien sûr. Pour que mon exemple soit absolument contraignant, il faudrait pouvoir citer un manuel où l’on distinguerait l’addition des pommes de l’addition des poires. ») Le texte continue ainsi : « Seuls quelques grands esprits parvenaient à l’abstraction de l’addition d’objets quelconques. Maintenant, on exige (et on obtient en général) cette abstraction d’enfants de huit ans. », Bords. Mathématiciens, précurseurs, encyclopédistes, Paris, Gallimard, [1963], réédition en 2009, p. 17.
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[11]
A. Lichnerowicz, « L’esprit de l’algèbre moderne » in L’Enseignement des mathématiques, op. cit., p. 65. André Lichnerowicz, proche du groupe Bourbaki, a présidé, de 1966 à 1973, la Commission ministérielle (qui porte son nom) chargée de mettre en place la « réforme » des mathématiques dans l’enseignement.
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[12]
Sur ce sujet, voir la mise au point faite par Stella Baruk dans son Dico de mathématiques, Paris Le Seuil, 2008 ; voir particulièrement, les entrées « nombre » et « addition ».
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[13]
A. Lichnerowicz : « Je crois qu’il faut bien souvent craindre de ne trouver naturel ou proche de l’évidence que ce à quoi, nous professeurs, sommes habitués, ce à quoi nous avons nous-mêmes été partiellement conditionnés. Il y a un naturel du professeur qui ne coïncide pas avec une évidence propre aux mathématiques, ni avec l’évidence de l’élève. », A. Lichnerowicz, L’Enseignement des mathématiques, op. cit., p. 65.
- [14]
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[15]
Pour tout ce passage, je me suis inspirée d’un article d’Alain Prochiantz dont une partie est consacrée à cette question : A. Prochiantz, « Mon frère n’est pas ce singe », Critique, Août-Septembre 2009, p. 733-744.
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[16]
Un magasin propose à ses clients une réduction de 40% au moment des soldes ; combien vaut alors un pantalon qui coûtait 30 euros ? (classe de sixième) ; une officine de location de DVD propose à ses clients deux formules d’abonnement permettant de réduire le coût de la location, etc. etc. (classe de troisième).
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[17]
On objectera qu’on peut aussi les « multiplier », les « faire fructifier » ; mais il ne s’agit là que d’additions déguisées : on ajoute à leur valeur une certaine valeur (« ajoutée » justement).
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[18]
Le politiquement correct aidant, on ne se risque plus guère au calcul du pourcentage de filles dans une classe de 28 élèves.