La Lumière dans les ténèbres : le taoïsme originel dans la Chine antique

1En Occident, la philosophie des Lumières entendait sortir les hommes de l’obscurantisme grâce au triomphe de la raison dont les sciences constituaient en quelque sorte l’épine dorsale. Elle se manifestait dans les divers champs de la pensée morale, politique, religieuse… Elle utilisait les images que lui fournissait la Bible et particulièrement le livre de la Genèse, I-3 : « Qu’il y ait une lumière ! » (Fiat lux, écrit la Vulgate [1]), prélude à la séparation de la ténèbre, quand Dieu constate le mal que représente cette dernière et le bien qu’apporte au monde ladite lumière. Ces deux teintes du jour sont antithétiques, comme le bien et le mal, auxquels elles renvoient symboliquement.

2Les penseurs européens des Lumières font tout naturellement usage de cette image qui se présente à eux comme une évidence. Les ténèbres concrétisent celles de l’esprit, principalement manifestées dans le domaine de la religion et dans la sphère gouvernementale, sous le masque de l’absolutisme, au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle [2].

3Peut-on transposer en Chine cette vision des choses et cette symbolique ? Cela supposerait à la fois une conception généralement favorable de la lumière, opposée à l’obscurité, et des conditions socio-politiques voisines, susceptibles d’être dépassées grâce à cet « éclairage » de l’intelligence. Or, rien n’est moins sûr. D’abord, les philosophes chinois de l’Antiquité n’ont jamais pensé autre chose que la monarchie (pouvoir du roi sous les Zhou 周, pouvoir de l’empereur à partir des Han 漢). Deuxièmement, si certains penseurs de l’école confucianiste reconnaissent qu’un prince peut être « clairvoyant » (ne disons pas encore éclairé), la lumière intellectuelle ou mentale ne paraît pas considérée comme une caractéristique obvie d’une avancée politique ou sociale. Seule l’école taoïste, daojia 道家, prend ces images chromatiques pour symboles, mais les envisage au contraire de la conception européenne : l’obscurité s’y apparente au mystère, xuan 玄, et à l’origine, yuan 原-元 (termes souvent écrits l’un pour l’autre dans les anciens textes et pas seulement pour des raisons de tabou du mot xuan[3]). De ce fait, l’obscurantisme d’un souverain n’est pas envisagé comme un obstacle à l’épanouissement du peuple, mais comme une garantie de compatibilité avec les processus naturels.

4L’incompatibilité des symboles chromatiques est liée à des conceptions fort différentes de la liberté : en Occident, on se « libère » en s’affranchissant des règles de la nature qu’on plie à sa volonté, en Extrême-Orient, on se libère en intégrant ces règles naturelles et en revenant vers l’origine (la racine, comme on le dit en chinois), c’est-à-dire le dao (cette démarche est évidemment plus marquée chez les penseurs taoïstes que dans les autres écoles, mais celles-ci en conviennent tout autant, depuis le Yijing 易經, « Classique des Changements [4] »).

I – L’idéal politique dans la Chine ancienne

5Si l’on examine les différentes théories politiques relatives au souverain idéal, on observe qu’à un degré ou un autre, et parfois pour des raisons fort diverses, les principales doctrines de l’Antiquité chinoise envisagent que le pouvoir politique le plus constamment souhaité est celui qui revient à un souverain exerçant un pouvoir absolu tempéré par des conseillers avisés. Qu’on le déplore ou non, la Chine ancienne n’a jamais envisagé autre chose qu’une oligarchie pondérée par l’aspiration à la sagesse, c’est-à-dire à une forme d’équilibre (généralement qualifiée d’harmonie, he 和) des forces sociales et politiques.

6Si l’on s’en tient aux trois grandes doctrines anciennes (confucianiste, taoïste, légiste – mais l’ajout d’autres écoles ne changerait rien à cette observation), on remarque que le prince ne doit point gouverner, mais régner. Ainsi, Confucius (~551-~479) souligne-t-il que la posture idéale du souverain est, à ses yeux, celle qu’adopta le mythique empereur Shun 舜, au commencement des temps, lorsqu’il se tint simplement immobile « face au Sud », nan mian er yi yi 南面而已矣, sans intervenir dans les affaires de l’État [5]. Cette conception des choses est évidemment partagée par Lao zi 老子 (ca. ~IVe siècle), dans son ouvrage éponyme. Pour lui, le wuwei 無為, « non-agir » (c’est-à-dire, en fait, la non-intervention dans le processus spontané des phénomènes) est la garantie de la maîtrise du monde sous le ciel [6]. Dès lors, ajoute-t-il, « il n’est rien qui ne se fasse », qui ne s’accomplisse, wuwei er wu bu wei 無為而無 不為. On sait que la théorie du non-agir s’applique à tous les domaines de la vie sociale, politique, individuelle… et pas seulement au champ gouvernemental du souverain. Enfin, Han Fei zi 韓非子 (~280-~233), le plus éminent théoricien du légisme (« École des lois », Fajia 法家), envisage les choses à l’identique – sans doute est-ce l’effet des origines taoïstes de sa doctrine qui sont ici à l’action. Dans son œuvre, il indique que le prince accapare tous les pouvoirs (il est ainsi véritablement le théoricien du pouvoir absolu), mais laisse ses ministres exercer pleinement leurs prérogatives pour mettre en musique ses orientations et ses décisions politiques. Dans son chapitre intitulé « Illustrations du livre de Lao zi 老子 », Han Fei zi rappelle que le souverain n’a pas à agir lui-même directement, mais à laisser les choses et les hommes se mettre d’eux-mêmes en position de le servir [7]. Si le prince exerce ainsi un pouvoir sans partage, il paraît difficile d’y mettre un terme. À moins de mettre un terme au prince et non au pouvoir ! C’est ce que préconise d’ailleurs Mencius (Meng zi 孟子, ~385-~301), au cas où ce souverain serait un incapable ou un tyran de sa population. Le droit à la révolte de Mencius a parfois été pris – bien à tort – pour une forme de « démocratie », mais cela illustre plutôt la fable de La Fontaine sur les grenouilles qui se choisissent un roi.

7Dans aucune de ces écoles de pensée on n’observe d’aspiration à plus de liberté d’agir, ni pour le peuple, ni pour les conseillers-ministres. Confucius estime que la morale individuelle permettra de mettre les affaires du royaume sur la bonne voie et que les rites pourvoiront à une harmonie socio-politique éventuellement défaillante. Mencius, même s’il reconnaît que le peuple est « plus important » que le prince et que ce dernier peut abdiquer pour laisser à un autre le pouvoir d’État, ne va pas jusqu’à imaginer une forme d’organisation politique autre que celle qu’il a sous les yeux. Han Fei zi affirme que les châtiments viendront à bout des fauteurs de troubles et renforceront d’autant la puissance de l’État et de son chef. Enfin, Lao zi voit dans l’organisation primitive – en communautés rurales restreintes –, basée sur l’autogestion spontanée du peuple, le pendant au pouvoir indiscuté du prince autocrate [8].

8On observe donc qu’en aucun cas les premiers théoriciens du pouvoir politique chinois n’envisagent une forme non despotique de son organisation de base. On pourrait donc dire qu’il ne peut être pensé de lumières là où ne règnent point de ténèbres. Si l’on élimine Zhuang zi 莊子 et Lie zi 列子 qui, pour le premier, rejette l’idée même de « pouvoir » et, pour le second, s’en préoccupe fort peu [9], on peut dire qu’il n’y a guère, même chez les « libertaires » taoïstes, de perspectives vraiment émancipatrices pour le peuple. Le seul philosophe de l’Antiquité à se préoccuper d’éclairer les princes est, semble-t-il, Xun zi 荀子 (~310-~235). On lui doit en effet le concept original de ming jun 明君, « prince clairvoyant », c’est-à-dire ouvert à la réflexion, voire à la contestation de ses avis et décisions [10]. Xun zi caractérise ce genre de prince par sa capacité à protéger la position de son conseiller, car celui-ci est susceptible de corriger ses erreurs de jugements, agissant ainsi dans l’intérêt même de son souverain, renforçant donc in fine son pouvoir princier [11].

9Ainsi donc, l’idée même de « lumière » des mentalités ou des intelligences est-elle absente de la pensée chinoise originelle, à tel point que la notion a dû être rendue par une expression artificielle en chinois moderne : celle de qimeng 啓蒙, c’est-à-dire, littéralement, d’« ouverture de l’ignorance » [à des vérités neuves], comme l’ont vulgarisée les auteurs tels Lu Xun 魯迅 (1881-1936), puis Mao Zedong 毛澤東 (1893-1976) lui-même, on voit bien dans quel état d’esprit. Cette traduction est, en elle-même, une indication, puisqu’elle ne semble viser que la connaissance et non point le champ politique au sein duquel elle s’opérerait. Encore une fois, la philosophie chinoise a, dès les origines, dénoncé les préjugés et l’ignorance, mais n’a jamais envisagé que le cadre politique puisse être « dépassé », ceci avant l’époque moderne du XIXe siècle, premier siècle véritablement révolutionnaire sur ce plan. Elle a surtout conçu le progrès moral individuel plutôt que de s’occuper d’un hypothétique Aufklärung socio-politique que les Européens ont envisagé afin de dépasser les bornes d’une pensée autocratique de plus en plus sclérosée.

II – En quoi les ténèbres peuvent-elles être « éclairantes » ?

10Cette bien étrange question, en forme d’oxymore, est posée dans le cadre de la culture chinoise dont la pensée est imprégnée d’une thèse acceptée par tous : l’homme n’est véritablement libre que s’il s’applique à faire retour à sa nature propre. Cette dernière n’est jamais que la partie individualisée d’une nature globale, conférée à tous et à chacun par le Ciel (sorte de natura naturans impersonnelle et aphasique). Noter que ce mouvement de retour (fan 反-返, en chinois classique) est caractéristique du dao, selon Lao zi, XL : fanzhe, dao zhi dong 反者’道之動 : « Le retour, c’est le mouvement même du dao ». Cette perspective s’inscrit dans le cadre de la conception cyclique du temps que les Chinois envisagent telle une « révolution permanente » (au sens étymologique du terme évidemment) : il en est du mouvement comme du temps, il revient toujours à son point de départ qui est lui-même un point d’arrivée. Or, la doctrine « taoïste » (du moins ce qu’on a ainsi nommé à partir des Han antérieurs) voit dans ce point d’origine le lieu du mystère, xuan 玄. Celui de la génération des formes par le dao dans un processus mal défini, selon divers auteurs. D’après les différentes versions du Lao zi et la plupart de ses commentateurs, ledit mystère est une ténèbre originelle : yuan 元. Car xuan signifie à la fois « obscurité » et « mystère », et yuan « originel » et « ténébreux » (c’est la raison pour laquelle certaines versions du Lao zi écrivent l’un pour l’autre, en fonction des tabous de caractères dus à l’époque de leur parution [12]).

11Dans l’optique taoïste, et tout particulièrement dans celle de Lao zi, la philosophie analytique – comprendre essentiellement, mais non exclusivement, la pensée confucianiste – utilise le séquençage des choses et de leurs relations plutôt qu’une perspective synthétique : toute division obstrue la voie de la com-préhension. Par voie de conséquence, cette pensée quasi officielle (celle des lettrés, donc du pouvoir politique, économique, idéologique…) décompose les êtres en tant qu’objets afin qu’ils soient « bons à penser », à classifier, à hiérarchiser, à manipuler… Cette procédure est appelée « intelligence » ou « savoir » par les lettrés (les deux termes chinois de zhi 智 et zhi 知 sont d’ailleurs souvent employés l’un pour l’autre et mal distingués graphiquement et sémantiquement). Lao zi et ses disciples, tels Zhuang zi et Lie zi, mais pas seulement, voient là, bien au contraire, un aveuglement qui entrave une perception globale des choses toutes subsumées sous le dao, une vision caractéristique du taoïsme. On connaît la conclusion tirée par Lao zi : « Renoncez à l’intelligence ! » (XIX-1 [13]). Au paragraphe suivant, il renchérit : « Rompez avec l’étude ! » (XX-1 [14]). Le commentaire de Xiang’er 想爾 (IIe siècle ?, un des tout premiers glossateurs du Lao zi) est sans ambiguïté : il s’agit de se débarrasser des supposés « sages », pleins de leur vaine connaissance des Classiques et de leur suffisance verbeuse. On retrouve chez Lie zi (~IIIe siècle ?) cette même défiance envers les études et le savoir livresque, considérés comme un obstacle à la véritable sapience, alors que celle du corps entraîne – par les exercices qu’elle suppose – une vraie intimité avec le monde naturel. L’apprentissage est, chez lui aussi, un renoncement à une vérité supposée, donc à un jugement moral ou intellectuel sur les choses et leurs rapports réciproques [15]. Ces expressions sont reprises verbatim par Huainan zi 淮南子 (~179 ?-~122), au ~IIe siècle, comme elles l’ont été par Zhuang zi 莊子, aux alentours des ~IIIe et ~IVe siècles ; ces auteurs s’alignant explicitement sur la doctrine du fondateur supposé du taoïsme [16].

12Pour les auteurs taoïstes, la conception du savoir censément « éclairée » des lettrés confucianistes est, en fait, un aveuglement de l’esprit. Ils emploient d’ailleurs fréquemment le terme xuan 眩 à cette fin [17], lequel renvoie à un « éblouissement » des yeux et, au sens figuré, à une illusion de l’esprit. L’excès de lumière est jugé à l’aune de tout excès des sens et de l’intelligence/savoir, comme nuisible aux hommes et particulièrement aux sages. A contrario, l’obscurité du mystère, si elle est préservée voire cultivée, renvoie à celle du KHV et correspond à la juste nature des choses et à leur appréciation adéquate. Un pouvoir politique qui observe et respecte cette ténèbre permet au peuple de s’administrer tout seul, selon ses intérêts qu’il est seul à savoir judicieusement définir (voir le Lao zi, LVII).

Conclusion

13La Chine n’a pas aisément conçu l’idée de « Lumières » dans la mesure où les systèmes idéologiques qui l’ont traversée depuis l’origine ne l’ont pas pensée. Tous s’accordant sur le modèle socio-politique qui lui servit de paradigme jusqu’à la chute de l’Empire en 1911. Seule l’école taoïste a envisagé, non point tant un « autre » modèle qu’un idéal – qu’on peut assurément qualifier d’utopique, car il est bien sûr impossible à mettre en œuvre– censé concerner le champ politique comme celui de la connaissance : le « retour à l’origine », fan ben 反本 [18]. Le confucianisme est dominé par l’idée de « progrès moral individuel », passant par le savoir et la culture des rites, mais le taoïsme philosophique ne voit là qu’un artifice aveuglant qui empêche la connaissance de la Voie, du moins son intuition, laquelle en constitue le seul savoir possible et authentique. Ce sont donc non tant les structures du pouvoir politique qui ont inhibé la notion de « lumières » (par opposition aux ténèbres supposées), mais les outils idéologiques disponibles [19]. Au point qu’il a fallu l’influence des pensées occidentales « libérales » (hostiles à ce qu’elles envisageaient être alors un obscurantisme) pour que la question même fût posée. Cela a été le cas après la crise morale de 1898 en Chine, année de l’échec des réformes économiques et politiques menées par les libéraux contre l’orthodoxie réactionnaire confucianiste. Encore cette conception tardive et européaniste n’est-elle pas celle que partage l’école taoïste qui voit dans toutes « lumières » une prison de l’esprit asservi à une vaine connaissance et un renoncement au mystère originel.

Notes

  • [*]
    Rémi MATHIEU est actuellement directeur de recherche émérite au CNRS (UMR LCAO). Spécialisé dans la pensée chinoise ancienne, il a publié de nombreux ouvrages relatifs à la philosophie, la littérature et l’histoire de la Chine des Zhou et des Han. Il a récemment dirigé la publication de l’Anthologie de la poésie chinoise dans la collection de la Pléiade, aux Éditions Gallimard. Il prépare une traduction des textes archéologiques, écrits sur bambou, d’obédience confucianiste, trouvés dans le site de Guodian, au Hubei, et datant des environs du ~IVe siècle.
  • [1]
    Pour serrer au plus près le texte hébreu, on renvoie à la traduction d’André Chouraqui, La Bible. « Entête » (La Genèse), Paris, Éditions J.-C. Lattès, 1992, p. 41 et n. 3. Nous avons, en outre, suivi la traduction et les gloses d’Édouard Dhorme, dans La Bible. Ancien Testament, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1966, t. I, p. 3 et n.
  • [2]
    Il ne faut pas envisager la classe lettrée occidentale comme unanimement attachée à cette philosophie des Lumières, non point par goût pour l’obscurantisme, mais par défiance envers le progrès scientifique considéré comme unique remède au malheur des hommes. On songe, par exemple, à Baudelaire et à son rejet de la modernité de l’art et de la morale. Voir Le Peintre de la vie moderne, § IV « La modernité », in Baudelaire, Œuvres complètes, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1968, p. 1163 et suiv.
  • [3]
    Sur la pratique du tabou du nom d’un souverain défunt, voir infra note 12. Cette mutation était elle-même significative de la lecture de ce mot substitué et de l’orientation idéologique qui la concevait.
  • [4]
    Ce classique est de facto la racine commune à toutes les écoles de pensée de l’ancienne Chine (voire de l’actuelle).
  • [5]
    Voir le Lunyu, XV-5 (éd. Zhuzi jicheng, ZZJC, Shanghai, Shanghai shudian, 1986, vol. I, p. 334). Le texte parle de « gouverner par le non-agir », wuwei er zhi 無為而治.
  • [6]
    Voir le Lao zi, XLVIII (éd. ZZJC, vol. III, p. 29). Ce chapitre parle de « s’emparer », qu 取, du monde (i. e. de la Chine).
  • [7]
    Voir le Han Fei zi, XXI (éd. ZZJC, vol. V, p. 117).
  • [8]
    Voir le Lao zi, LXXX, p. 47. La description idyllique fait un peu penser à une communauté de Khmers rouges, la terreur en moins.
  • [9]
    Pour Zhuang zi, le pouvoir princier (ou royal) est purement et simplement assimilé à un mécanisme d’oppression et de manipulation qu’il refuse de réformer, serait-ce par l’esprit. Lie zi n’est pas loin de partager les mêmes options, mais n’affiche pas la même aversion pour l’idée de « gouvernement », aussi aborde-t-il rarement la question politique. Il faut dire que tous deux ont vécu à l’époque troublée de la fin des Royaumes Combattants, aux ~IVe et ~IIIe siècles.
  • [10]
    On trouve cette expression à une dizaine de reprises dans son œuvre, principalement bien sûr dans ses chapitres politiques (IX, 98 ; X, 130 ; XI, 137, 140 ; surtout XIII, 166 ; XXI, 273 ; XXII, 280 ; XXVII, 333 ; éd. ZZJC, vol. II). Voir notre traduction dans les Philosophes confucianistes, Ch. Le Blanc & R. Mathieu, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 2009.
  • [11]
    Dans ce rapide inventaire, on n’a pas retenu les positions de Yang zi 楊子, l’hédoniste, et de Mo zi 墨子, l’utilitariste, car elles n’apportent pas d’éléments pertinents à notre questionnement.
  • [12]
    Certains caractères faisant partie du nom d’un empereur défunt devenaient « tabous » à sa mort et devaient donc être remplacés par d’autres caractères, homonymes et si possible homophones, dans les textes édités alors.
  • [13]
    La variante dont nous parlions se repère justement dans les différentes versions du Lao zi, écrivant pour certaines « savoir », pour d’autres « intelligence ». Cette apparente hésitation n’empêche pas de lire ici une condamnation sans appel des processus intellectuels en tant qu’ils sont perçus, bien illusoirement par les lettrés, comme un mode de connaissance. Le texte chinois écrit qi 棄, « abandonnez ! », la glose de Wang Bi 王弼 (226-249) explique que cela doit se faire au profit de la simplicité brute originelle, supu 素樸. Voir notre traduction et commentaire, Lao tseu. Le Daode jing, « Classique de la Voie et de son efficience », Paris, Éditions Entrelacs, 2008, p. 110 et n. 1.
  • [14]
    Le texte chinois écrit jue 絕, « coupez avec ! » que le commentaire de Wang Bi comprend comme un arrêt de la politique de gavage intellectuel auquel les confucianistes se livrent chaque jour sans nul résultat autre que cumulatif. Plus bas, sur la glose de Xiang’er, voir sa traduction par Catherine Despeux, Lao-tseu. Le Guide de l’insondable, Paris, Éditions Entrelacs, coll. « Sagesses éternelles », 2010, p. 258.
  • [15]
    Voyez le Lie zi, IV § 6, 43 (notre traduction dans Lie tseu, L’Authentique Classique de la Parfaite Vacuité, Paris, Éditions Entrelacs, 2012, p. 191-192).
  • [16]
    Voir le Huainan zi, VII, 14a ; XII, 18b ; XIV, 14a (trad. in Philosophes taoïstes II, Ch. Le Blanc & R. Mathieu éd., Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 2003, p. 315, p. 566 et n. 136, p. 685). Voir aussi le Zhuang zi, X, 160 et XI, 172.
  • [17]
    Voir, par exemple, le Lie zi, III § 1, 32 (trad. citée, p. 153). Dans le Zhuang zi, XXI, 310, Confucius l’emploie pour son propre compte, lors de sa rencontre éblouissante avec Lao zi.
  • [18]
    L’expression est courante (var. fan gen 反根, « retour à la racine ») dans le Huainan zi (I, 17b ; VII, 1b, 14b, 15a ; X, 11b ; XI, 23b), plus rare dans le Lie zi (I § 6, 5) et le Zhuang zi (XXIX, 428).
  • [19]
    L’expression chinoise qimeng 啓蒙, qui traduit usuellement, on l’a vu, l’idée de « Lumières » est d’origine confucianiste ; elle se comprend comme un triomphe de la connaissance livresque sur l’ignorance scolaire.