Une eau perle sur Tahrir
Un regard, il est bleuC’était un grain de sableQui ouvrait le temps où les chemins se croisentJe n’avais pas peur de moi mais le miroir m’a effrayée alors que je regardaisCes histoiresLe sel étaitUne montagne apparaissant à chaque image tirée de la boîte des souvenirsAu port des années, des navires dans lesquels je suis montée, d’autres que j’ai souhaitéVoir même de loinRenal failure [1] gravé sur une pièce de monnaieJetée pile ou faceSe dessinent dans l’air des images que tu oubliesQuand l’autre montagne s’est levéeIl y avait à sa cime deux enfants nés des années de dialyseJe me suis dissociée de celle qui s’est endormie, mon ombre traversait des mursRevenait à un lieu ou à certaines heuresSur le sol du lieu poussiéreux, j’ai aperçu une tente diaphaneSous la lumièreLe visage d’une révolution s’est illuminéC’était un anneau lumineux qui tournoyaitUne voix a jailli du tumulte d’une forêt de briques rougesOu de l’asphalte. S’élèvent des pylônes de gaz blancUn instant est tombé du tempsOù es-tu allé toi qui as écrit la lettre ?Où es-tu à présent toi qui sommeilles dans le regard bleu ?Cette montagne de visages jette des yeux à la rueÀ mon objectifCrache le goût du selAux abords du cheminJ’avais un frère… et un autre frère,Il s’est envolé avec les fugitivesIl s’est élancé d’un lit en réparationL’Institut Nasser avait des basilicsJ’avais deux frères, ne me reste que celui aux aiglesJ’avais un grand cœur que ma poitrine ne contenait plus, l’autre ailleursElle - est qui vient pour s’en aller La non-patrie est devenue un lieuOù on trouve une tasse de thé et une icône où j’ai emprisonné mon visageQui adore les pleursL’ange de l’Histoire s’éloigne le visage sur la nuqueIls viendront à lui portant sur la tête cette carteAvec un sloganQui a traversé les lieux de la vallée sans couteau ni coutelasTa voix disparaissaitQuand tu tapais sur le mur collé au litCriant de tes poings serrésJe sus que la désobéissance des cités et des rues s’endormit en ton cœurTon corps devint un arbre et tes crisS’égarent sur le sol de la Place, l’un après l’autreÀ l’aube tombent des gouttes d’eau sur le plateau de pierreIl y avait un sac que j’aurais porté, hissée sur les barrièresJe te regarde toi le gisant et le ressuscitéD’une halte de plusieurs années« Comment vas-tu ? comment vas-tu ? »Tu mourais sans voixJ’ai murmuré à ses oreilles avec tous ceux-làAprès sa mort« Lève ta voix Mohammad, Mohammad lève ta voix »
L’Ex- rue Mohammad MahmoudUn mur est dressé dans le tunnel du temps contre lequel nous nous adossonsQuand les jours deviennent un lacIci, il nous faut nous égarer malgré tous ces mursLe temps flotte au-dessus de la PlaceSi tu jettes un ballon dans l’eauOn te le renvoie bombe à gazComme une pellicule qui revient en arrièreEn avant, c’est une autre bandeÀ travers le négatif des corps brillent des mâchoires en ferPrès du tas de nos corpsBlancs comme la cire, rouges comme la rage, verts comme je t’ai écritJaunes comme la couleur de leurs dentsIl y a une terrasse, un crayon, une lentille, une voix, du gazIl y a une église, une mosquée, des gens qui sortent d’ici et de là, entrent iciS’arrêtent là, inscrivent les noms de ceux qui ont troué le tempsAvec une balle au cœurLe poème est le tour d’un deux-rouesConduit par qui ne porte pas de chemise et perfore l’instant d’une priseLa douleur par un vers« Tu peux écraser les fleurs mais tu ne tueras pas le printemps ».Lui s’est étendu par terre devant les troupes en croisant les jambesSes poumons emplis de gazComme un navire qui part avec des vivres pour les hautes mersEmportant un peu de toutVers l’île lointaineEt que s’élèvent sur son sol une porte, un jardinLe lointain est distance, la distance un temps cru, entre ce murEt ce mur, un mur ; sept, neuf, ou tout simplement des mursJe ne ferai pas la collection d’un mur en miniatureMais si, peut-être, un petit mur que je rangerai avec les années toujours ambiguësJe vis loin, les rues sont illuminées d’une faible lumièreQui ne pénètre pas dans les fêluresJe suis à ParisJe me couvre de neigeJe suis un corps dont les cellules sont toutes ces annéesJe suis entrée dans l’aéroport sous des nuages de gazJ’ai écrit pour toi qui vis ici sur une terre d’argile et de briquesUn champ a surgi des visagesL’un d’eux avec un seul œil, peut-être deux« Est-ce l’œil de la perle : peut-on l’acheter ? »
3 (Paris, 25 février 2012)
Note
-
[1]
Insuffisance rénale.