Brèves intempestives sur le sens de la peine saisi dans une perspective historique
1 À l’invitation d’une ancienne Ministre de la justice déclarant qu’il y avait « urgence à s’interroger sur le sens de la peine [1] », les organisateurs avaient répondu par une journée d’étude. L’affiche de présentation de la manifestation partait « d’un constat de crise : celle de la rationalité pénale contemporaine ».
2 Peut-être faudrait-il préciser d’emblée que, si crise il y a, c’est probablement une crise du sens qui, à bien des égards, est celle d’un excès de sens. L’offre de sens est si forte qu’on ne sait plus vraiment à quel sens se vouer. Ici un auteur dénombre quatre foyers de sens de la peine [2] : punir, c’est indépendamment et tout à la fois, rappeler la loi, défendre la société, éduquer, transformer la souffrance en malheur. Là un autre [3] recense quatre fonctions de la peine correspondant aux quatre paradigmes [4] qui structurent la pensée pénale [5]. Ici encore trois chercheurs identifient six rationalités à l’œuvre dans le champ de la probation [6]. Là enfin, un ultime questeur cherche le « dernier sens de la peine » dans l’effet de subjectivation consécutif au prononcé d’une sentence et envisage alors la peine comme un processus susceptible d’offrir une réponse thérapeutique à la souffrance de la victime [7].
3 Autre signe de ces temps de surabondance de sens, les justifications traditionnelles de la peine sont en recul, du moins dans les écrits et dans les paroles publics : où sont passées en effet la dissuasion, l’exemplarité, la menace ou la terreur ? Où sont encore passés la répression, la sanction, la neutralisation, et ce vocabulaire jadis si fréquent sous la plume des criminalistes ? Il se passe en effet quelque chose dans l’ordre du discours : la tendance est à l’euphémisation. Plutôt que de parler de répression, on préfère mettre l’accent sur la prévention.
4 Excès de sens donc, dans l’ordre du discours. Que ce soit dans la littérature savante ou dans la littérature professionnelle de la probation, l’éclectisme informe les pratiques contemporaines. Il dilue le sens de la peine [8], au point que certains auteurs concluent au non-sens [9], voire à l’absence de sens [10].
5 Dans cet océan d’incertitude, quelle vague faut-il surfer pour maintenir l’illusion d’un sens commun de la peine ? Conservant peut-être encore secrètement en lui, tapi dans les plis de son orgueil, l’espoir de dévoiler les origines ou le sens perdu de la peine, le chercheur pourrait être tenté par la perspective historique. Pendant longtemps en effet, dans le sillage des historiens, juristes et philosophes du XIXe siècle, on a pu penser « l’évolution du droit criminel […] comme absolument continue. De la législation du tabou à nos codes, la marche du progrès a été ininterrompue et a consisté à passer des origines religieuses et instinctives à l’idéal rationnel et social où tend notre justice [11] ». Depuis lors, beaucoup ont renoncé à la quête du sens originel de la peine et il semble bien que le chercheur postmoderne ait cessé de croire au grand récit des origines, autant qu’à celui de la fin de l’histoire.
6 Il suffit pourtant de consulter les manuels d’histoire du droit pénal ou la littérature consacrée à la peine dans ses dimensions historique, sociologique voire anthropologique, pour constater que nombre d’auteurs contribuent à la réactualisation du grand récit des origines de la pénalité et de son évolution dans le temps.
7 L’objet de cette contribution est de mettre à jour les topiques, les schèmes et les modalités de fabrication du discours gouvernant l’histoire de la peine. L’édification d’un tel récit n’est pas sans enjeu : informant notre pensée, il produit une saturation du sens qui, en définitive, conduit à la justification du présent (I). Aussi importe-t-il d’en prendre la mesure afin de faire advenir le sens d’une peine qui, à l’à-venir, pourrait même cesser de porter ce nom (II).
I – Écrire l’histoire de la peine ou comment donner du sens par la mise en récit
8 Parmi les nombreux lieux d’observation du discours gouvernant l’histoire de la peine, le point de vue des ouvrages et manuels d’histoire du droit pénal demeure privilégié car il présente l’intérêt d’en repérer les principaux schèmes. Le corpus sur lequel s’appuie cette étude de cas est constitué de trois livres synthétiques aux intitulés explicites, publiés aux Presses Universitaires de France depuis la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, et comptant de nombreuses rééditions [12].
9 Ces travaux édifient, selon des modes opératoires variés, un régime de vérité qui fait de l’État répressif la figure du progrès. Les principaux marqueurs sémiotiques de ce processus discursif sont l’individualisation de la sanction et l’adoucissement des peines.
A – L’État : figure centrale, légitime et nécessaire du progrès pénal
10 Œuvre de R. Charles, le premier de nos ouvrages permet de dégager la structure du grand récit et le régime de vérité qui l’accompagne. Dès la première page, la peine est présentée comme une « barrière que la société oppose aux impulsions instinctives de l’homme [13] ». La thématique de la raison, rempart contre les passions humaines, est mobilisée d’emblée afin de justifier la nécessité de règles pénales. Appuyée sur l’affirmation péremptoire qu’« aucun groupement, si primitif qu’il soit, ne peut vivre sans un minimum de règles juridiques [14] », cette proposition incantatoire légitime l’existence de normes et de pratiques contraignantes. L’aspect le plus remarquable du propos tient à l’usage d’un champ lexical qui se déploie sur un registre guerrier. Les « armes du droit privé (dommages-intérêts) sont généralement inefficaces ». Aussi présente-t-on comme nécessaire le fait de « forcer le coupable », de prendre des « mesures coercitives », d’exercer la « vengeance légale » et tout un chapelet de propositions qui semblent devoir s’imposer par la seule force de l’évidence.
11 Dès la première page sont ainsi formulées deux « lois », sensément consacrées par l’histoire et consubstantielles à toute communauté humaine : nécessité du droit pénal d’une part ; efficacité du droit pénal d’autre part [15]. En les posant comme les enseignements d’une raison à l’œuvre dans l’histoire, elles participent d’un processus de justification de l’ordre juridique existant.
12 La suite n’est que l’habillage d’un patron taillé sur mesure pour séduire un lecteur captif d’une succession de motifs discursifs qui associent évolution et progrès. Ainsi, « une évolution de vingt-huit siècles, jalonnée depuis Platon par le christianisme, la Grande Charte, l’Habeas corpus, les déclarations d’indépendance en 1776 et des Droits de l’Homme de 1789, a permis à la relation entre l’individu et la société de trouver son expression harmonieuse, sous les espèces de “l’État de droit” [16] ». Au terme du processus, donc, l’avènement eschatologique de l’État-providence, autre nom de l’État de droit, consacrant le modèle répressif et la conception de la peine qui lui sont attachés.
13 L’agencement du grand récit permet ainsi de justifier les sens contemporains de la peine. Il progresse par un jeu d’habiles aménagements factuels et de subtils ménagements idéologiques. La succession plus ou moins orchestrée de certains motifs discursifs produit des effets d’intelligibilité bien réels qui, insensiblement, conduisent à valoriser les formes autorisées de contrainte étatique placées sous le sceau de la simplification et de la rationalisation [17].
14 Dans ses détails, le grand récit décline les différentes phases d’un processus que les criminalistes du XIXe siècle avaient pris soin d’édifier en lois scientifiques. Ancrant l’origine de la pénalité « dans l’instinct matériel et brutal [18] » des « premiers âges » d’une humanité impitoyable, superstitieuse et ignorante [19], son évolution suivait la « loi du progrès, loi finale, qui a sa base dans le caractère essentiellement perfectible de l’homme, et qui […] nous fait avancer […] du mal au bien, du bien au mieux, de la faiblesse à la puissance, des ténèbres à la lumière, de l’erreur à la vérité [20] ».
15 Dans les pas d’Ortolan qui avait dégagé « trois grandes phases de la pénalité » afin de ramasser « le total des siècles » autour des trois principes – barbare (vengeance privée), intermédiaire (vengeance publique) et civilisé (justice et garantie sociale) – R. Charles articule les séquences historiques d’un processus qui trouve son origine dans la vengeance privée, bientôt améliorée par le talion et les compositions pécuniaires, avant que n’advienne une longue période de transition où coexistent vengeance privée et vindicte publique [21]. Enfin vient l’État qui, à Rome comme dans l’Europe moderne, finit par réprimer comme « délit public » des actes qui jadis appartenaient à la catégorie des « délits privés ». En son point d’achèvement, « l’évolution institutionnelle […] révèle la marque de cette éthique qui, au cœur des hommes, s’est substituée à la soif de vengeance [22] ».
16 Comme le résume N. Rouland, non sans réserve et distanciation ironique, le grand récit porté par « le sens commun et les juristes [construit la mémoire] de ces époques heureusement révolues où la primitivité des mœurs, l’agressivité non contenue décimaient les familles dans d’interminables vendette. La construction de l’État, la multiplication de ses interventions pacificatrices assurent le triomphe de la civilisation sur la barbarie : le droit à la vengeance est éteint, un système de peines légales le remplace [23] ». Informés par les travaux d’historiens et d’anthropologues, les auteurs contemporains font toutefois preuve de prudence et cherchent à dissiper l’illusion rétrospective des continuités en tentant de s’affranchir d’un schème évolutionniste trop ouvertement linéaire [24].
17 Aussi distillent-ils un discours forgé par une vieille tradition historiographique qui, en mêlant la périodisation à la longue durée, permet une subtile combinaison de continuités et de discontinuités [25]. Les temps courts et longs se chevauchent pour former l’architectonique du grand récit. Les séquences historiques brèves permettent d’affirmer plus nettement l’émergence de topoï appelés à se développer dans l’avenir ; la longue durée permet de souligner des homologies et d’édifier des formes de cohérence et de continuités narratives [26] qui ont pour fonction de promouvoir un modèle d’organisation sociale caractéristique de la modernité occidentale [27]. Appliquée au domaine de la pénalité, la concaténation des durées structure un discours dont le flux converge vers la figure centrale de l’État, censément pacificateur et justicier.
18 Si les historiens contemporains du droit pénal n’ont plus besoin de forcer l’argument idéologique de la vengeance [28], ils en usent toutefois à l’occasion, pour signaler le progrès – relatif [29] – de ces « renonciations à la vengeance » que furent les compositions des temps barbares [30] ou signaler le passage – jugé décisif – d’une « vengeance » qui cessa d’être « conçue » comme « privée » pour devenir la « véritable justice publique » des temps médiévaux [31]. Ainsi, de manière diffuse, le récit reconnaît-il dans la dimension publique de régulation des conflits le signe d’un progrès substantiel. Aux formes arbitrales et transactionnelles qui caractérisent une organisation judiciaire barbare jugée « très sommaire [32] » et qui accompagne un pouvoir royal « sans force » où l’État « n’est plus qu’une virtualité [33] », succède une procédure pénale affichée comme plus rationnelle et surtout plus efficace. En ce XIIe siècle présenté comme « une époque de développement intellectuel et moral [34] », la lutte contre les anciennes pratiques se conçoit d’autant plus aisément que celles-ci sont généralement perçues – avec des nuances certes, mais de manière explicite – comme « irrationnelles [35] ».
19 Faisant de la « civilisation », chrétienne en l’occurrence, le moteur d’une rupture décisive censée vaincre « la fatalité » et faire triompher « l’établissement de la vérité [36] », la disparition des ordalies après leur condamnation par l’Église en 1215 [37] et la lutte contre les anciennes pratiques de composition entre parties apparaissent dès lors comme une exigence morale [38] et une nécessité politique : « La prise en charge de l’ordre public par les États ne permettait plus de laisser au bon vouloir des particuliers le règlement des affaires pénales les plus graves […] L’intérêt social, dont l’État a la charge, exige l’application de peines à la fois répressives et dissuasives 39 ».
20 Les XIIe-XIIIe siècles apparaissent ainsi comme les marqueurs historiques d’une étape décisive dans la reconfiguration d’un régime de pénalité désormais appelé à se déployer dans un cadre étatique [40]. Sans disparaître totalement, les formes sociales concurrentes ou alternatives de régulation des conflits sont alors soit discréditées – à l’instar d’une justice seigneuriale présentée comme « oppressive et lucrative [41] » –, soit reléguées vers des marges de plus en plus étroites à mesure que s’étendent les filets de la justice royale [42].
21 Forte de la légitimité savante du « bien commun », la mue du droit pénal accompagne le développement d’un État présenté comme pacificateur et justicier. La substitution d’une procédure écrite et inquisitoire aux anciennes formes orales et accusatoires, l’effacement des pratiques vulgaires soutenues par un régime probatoire peu intelligible au profit de « procédés qui se veulent plus conformes à la raison [43] » ou d’usages régis par des savoirs juridiques savants et une organisation judiciaire plus fonctionnelle, le dépassement de l’« imprécision du vocabulaire » qui opérait au sein de cadres analytiques ne présentant « évidemment pas la même netteté que dans le droit pénal contemporain [44] », et la mise en ordre progressive des sources « hétérogènes et incertaines » que furent les coutumes et le maquis touffu de la législation royale, constituent les marqueurs les plus significatifs d’une évolution positivement connotée qui voit dans les grandes ordonnances royales de codification et les corpus napoléoniens l’apogée du processus de rationalisation du droit pénal [45].
22 Alors même qu’une foule d’éléments factuels témoignent du durcissement corrélatif des nouvelles politiques criminelles, le grand récit les compense en insistant sur la rationalité, la moralité et l’efficacité du nouveau régime de pénalités : « entre le XIIIe et le XVIe siècle en effet, les juges s’écartent peu à peu des peines pécuniaires fixes prévues par les chartes et prononcent à la place des sanctions nettement plus sévères de type afflictif et infamant. Ces pénalités plus rigoureuses sont considérées à la fois comme moralement plus justes que de simples amendes – elles sont plus “rétributives” –, et comme pénalement plus efficaces car plus dissuasives [46] ». Et notre auteur de conclure :
une constatation s’impose : au fur et à mesure que la justice publique développe ainsi son action et accroît son emprise, sa sévérité fléchit. Aussi bien la sévérité de la justice était-elle étroitement liée, comme nous l’avons dit, à sa relative inefficacité. Si donc l’appareil répressif devient plus efficace, il n’a plus besoin d’être aussi féroce [47].
24 Ainsi, par le jeu d’évocations successives le grand récit valorise les formes autorisées de contrainte étatique dans lesquelles les sens de la peine sont appelés à se déployer.
25 La lecture croisée de nos trois ouvrages de référence témoigne de l’édification d’un régime de vérité [48] qui place la marche des hommes sous l’étoile d’un progrès qui, s’il ne s’affiche plus ouvertement comme tel, emprunte des chemins de traverse qui conduisent à légitimer, au moins dans l’ordre du discours, l’action répressive de l’État. Parmi les nombreux objets discursifs permettant de justifier cette surenchère régulatrice, deux motifs se révèlent être particulièrement efficaces.
B – Haro sur deux marqueurs opératoires de progrès : l’individualisation de la sanction et l’adoucissement des peines
26 Qu’on le saisisse dans la longue durée, ou à travers des séquences historiques plus courtes, le thème de l’individualisation de la peine demeure étroitement associé à l’idée de progrès. Pour R. Charles, l’une des caractéristiques essentielles « du jurisme pénal est son individualisation de plus en plus accentuée [49] ». Nos auteurs considèrent en effet que les formes de la responsabilité archaïque étaient de nature objective et sociale, tandis que les sociétés plus complexes et plus modernes auraient consacré des formes de responsabilité individuelle et subjective. « On peut supposer, à Rome comme ailleurs, une phase historique primitive de responsabilité purement objective où la commission du fait suffit à appliquer mécaniquement la sanction [50] ». Aussi « la prise en compte de l’élément psychologique [51] » ou la « spiritualisation » du droit pénal [52] apparaît-elle comme une forme juridique d’autant plus raffinée qu’elle permet de dépasser un stade primitif de responsabilité qui, à Rome autant que chez les Barbares [53], faisait reposer la réparation du préjudice sur la famille, la parenté ou le groupe [54].
27 Portée par ce schème évolutionniste, l’individualisation de la sanction apparaît dès lors comme le signe d’un progrès quasi infaillible. Aux peines fixes et tarifiées des lois barbares [55] et des chartes coutumières [56], se substituent des pratiques qui élèvent le juge en garant du nouveau régime de pénalités. Bien que plus rigoureuses que les compositions pécuniaires fixes, les sanctions pénales apparaissent pourtant comme plus justes et plus efficaces [57]. « Serviteur de la justice, le juge a donc l’impérieux devoir de rechercher la sanction la plus juste, c’est-à-dire à la fois la plus proportionnée aux délits et la plus adaptée au délinquant [58] ». Dès lors, « au lieu d’appliquer mécaniquement les catégories sommaires et rigides des vieux tarifs, les juges examinent chaque infraction au cas par cas, en considérant l’ensemble de ces circonstances et en particulier la personnalité du coupable [59] ».
28 On comprendra par conséquent que nos auteurs fassent preuve d’une prudente retenue lorsque la Révolution française renoue avec la fixité des peines : « la grande nouveauté, c’est que les peines sont désormais absolument fixes. Par réaction contre l’arbitraire des anciens juges, le nouveau droit pénal ne connaît plus que des peines déterminées à l’avance par la loi elle-même […]. Le juge n’a plus aucun pouvoir d’appréciation, ce n’est plus un arbitre, c’est une simple machine à appliquer un tarif [60] ».
29 Bien qu’ils aient souligné la « dépénalisation massive, […] la simplification sensible et l’adoucissement relatif [61] » du régime de pénalités consacré par le projet révolutionnaire, l’absence d’individualisation liée au régime de légalité très strict de la Révolution oriente l’appréciation générale de nos commentateurs. Présentée comme une solution extrême par tel auteur [62], tel autre préfèrera porter son attention sur certaines décisions de jurys dans lesquelles il voit « la conséquence du déplorable système des peines fixes [63] ». Aussi nos auteurs décriront-ils avec entrain le retour progressif à des formes plus classiques d’individualisation de la peine. Suivant le projet de Target, le Code pénal napoléonien « établissait pour certaines infractions un maximum et un minimum, entre lesquels il appartenait au juge d’arbitrer la peine en fonction des circonstances de chaque espèce. Le code répudiait ainsi la conception du juge automate chère aux réformateurs du XVIIIe siècle et aux constituants, pour revenir à celle du juge intelligent et responsable, conforme à la plus ancienne tradition [64] ». Le grand récit peut alors reprendre son cours. Le développement du mouvement pénitentiaire, dont l’inspiration originelle est dite « purement charitable [65] », permet de renouer une chaîne des temps rompue par la Révolution et, par conséquent, de retrouver l’idée de l’individualisation « écartée par le Code pénal quelque vingt ans plus tôt [66] ».
30 Le régime de pénalités est dès lors irrésistiblement entraîné « vers l’individualisation de la peine [67] ». Les réformes de 1824 et 1832 marquent une victoire d’autant plus pérenne qu’elle recoupe en ce point précis un autre marqueur de progrès : l’adoucissement des peines.
31 Il est en effet remarquable de constater l’unanime ralliement de nos auteurs au grand récit de la progressive humanisation du droit pénal. Faisant leur le mot de Ihering qui avait ramené l’histoire de la peine à celle d’une abolition constante [68], chacun explique, selon sa sensibilité, les causes censées présider au mouvement d’adoucissement des peines. À la cruauté des châtiments anciens, André Laingui oppose « l’influence du christianisme, puis des idées kantiennes qui, en refusant à la loi de traiter l’individu comme un moyen et non pas comme une fin, ont effectivement accordé à la personne humaine une valeur sacrée qui a grandi avec les siècles [69] ». Jean-Marie Carbasse y voit, quant à lui, et tour à tour, les effets conjugués de l’action des magistrats [70], de l’efficacité de l’appareil judiciaire [71] et de la « sensibilité très vive » d’un roi qui s’était employé à « humaniser la justice criminelle et à la rendre plus équitable [72] ».
32 La cruauté des châtiments n’ayant toutefois pas tout à fait épargné la pratique judiciaire de l’ancienne monarchie [73], le mouvement de dépénalisation et de modération sensible des sanctions engagé par la Révolution [74] se poursuit au XIXe siècle. « L’adoucissement du système pénal domine [alors] l’ensemble de l’évolution [75] ». « Pour le XIXe siècle, la tendance est incontestablement à l’adoucissement au moins relatif de la répression [76] ». Donnant l’exemple de l’humanisation des peines [77], la France s’engage résolument dans la voie de la modération de la répression. Bien que marqué par des « interruptions et des retours à la sévérité [78] », ce mouvement irrésistible détermine la pratique judiciaire du XXe siècle [79], spécialement depuis 1945, période dominée « par un allégement incontestable de la répression globale [80] ».
33 Au terme de la mise en récit de cette histoire de la peine, il paraît difficile de ne pas rallier le point de vue de N. Rouland quand il observe « que l’État moderne et ses laudateurs ont construit un système de représentation efficace mais erroné pour justifier son inflation [81] ». Derrière les paravents du progrès, tissés sur l’étoffe discursive de la rationalisation, de l’individualisation et de l’humanisation des peines, se tient l’État répressif, avec mine tendue de surveillant, rappelant que c’est lui le but, la fin et la quintessence d’une répression masquée par ces procédures narratives roboratives. Et quoique le grand récit le pare des atours d’un pouvoir fort et protecteur, la réalité n’est pas toujours à la hauteur du crédit qu’on lui porte : à plus d’un égard, comme dans le conte d’Andersen, le roi est nu.
II – Écrire l’histoire des futurs du passé ou de l’urgente nécessité d’un autre récit
34 L’activation du grand récit n’est jamais sans conséquences. Le caractère performatif de la prédiction faite par Ihering d’une abolition du pénal affecte profondément les esprits. Son caractère oraculaire est si fort que nos historiens de la peine éprouvent quelques inquiétudes au moment de conclure. Devant le phénomène de « civilisation du droit pénal », tel auteur se demande, en 1976, si « le marasme actuel de la justice en France ne procède pas de cette abolition ? [82] ». Peut-être aura-t-il été entendu, du moins si l’on en juge par le contenu des lois du 22 novembre 1978 durcissant le régime des peines privatives de liberté et celui, plus sévère encore, de la loi « sécurité et liberté » du 2 février 1981. Confronté, un quart de siècle plus tard, à un phénomène similaire [83], tel autre se fait l’écho des craintes de ceux qui se « demandent, alors que la délinquance s’accroît, au moins localement, dans des proportions inquiétantes, si l’on n’est pas allé trop loin [84] ». Que les politiques criminelles qui accompagneront la naissance d’un XXIe siècle marqué par l’événement du 11 septembre 2001 ne se soient pas spécialement distinguées par la douceur n’enlève rien à l’efficace du grand récit : reprenant, en 2014, la conclusion de sa première édition, le même auteur fait alors résolument sienne l’interrogation de ceux qui se demandent « si l’on n’est pas allé trop loin dans la voie du “désarmement” pénal [85] ».
35 Notre auteur renoue ainsi avec un vocabulaire guerrier qui dévoile la fragilité d’un pouvoir supposé détenir le monopole de la violence légitime. Qu’un œil avisé s’arrête sur la perspective adoptée par le grand récit : il en repère les insuffisances, les failles, les limites, les contrastes, les lignes de fuite. Qu’il fasse place au doute méthodique, et le tableau n’a plus les allures baroques esquissées par les historiens du droit pénal.
36 Aussi est-ce avec une certaine acuité qu’un historien-anthropologue fait observer que
tout change non pas avec l’État en général, mais avec une forme particulière d’État, caractéristique le plus souvent des sociétés modernes : celle de l’État unifié et centralisé où le pouvoir politique, fortement spécialisé, s’arroge le monopole de la violence licite. Le droit pénal n’est plus défini qu’à partir de son impulsion. Le système vindicatoire se désagrège, la vengeance perd ses rites : elle n’est plus un mode de relation entre groupes complémentaires antagonistes et devient le plus souvent, dans un avatar moderne, synonyme de pure violence. Y a-t-il progrès ? Oui, dans la mesure où le droit pénal moderne, lorsqu’il prohibe la peine de mort, empêche le sang de couler. Mais non à bien d’autres égards [86].
38 Il devrait donc aller de soi que si elle peut mettre un terme à certaines formes de vengeance, l’intervention de l’État ne fait pas cesser la violence : « en assimilant vengeance et violence, l’État laisse à penser qu’en supprimant l’une, il est le meilleur rempart contre l’autre. Si c’était vrai, la violence devrait décroître au fur et à mesure que progressent l’étatisation et la centralisation. Les données ethnographiques ouvrent un large espace au doute [87] ». Et c’est précisément sur ce doute qu’il faut pouvoir s’appuyer pour interroger le régime de vérité véhiculé par le grand récit.
A – Libérer les sens non advenus par une critique systématique du grand récit
39 Une critique systématique doit pouvoir se déployer sur plusieurs niveaux analytiques. Le premier suppose une attitude sceptique à l’égard du sens idéologique du grand récit. Pour ne prendre ici que l’exemple du thème récurrent de l’adoucissement des peines, un lecteur attentif n’aura guère de mal à constater que les périodes marquées par une politique de revendication publique de la répression ont encouragé, non l’adoucissement, mais le durcissement du régime de pénalités. Ainsi de l’Empire romain [88], de l’affirmation du pouvoir royal aux XIIe et XIIIe siècles, des politiques criminelles annonçant l’affirmation de la monarchie absolue à partir du XVIe siècle [89], du Consulat [90] ou des empires napoléoniens [91]. Une telle observation a d’ailleurs son pendant qui consiste à repérer les phases d’adoucissement consécutives à l’abandon des pratiques de répression féroce en faveur de modes plus pacifiques de règlement des conflits [92].
40 Le deuxième suppose d’adopter une posture critique d’ordre méthodologique : elle consiste à scruter l’envers du récit afin de s’affranchir des schémas d’explication consacrés, de découvrir des objets inattendus qui permettront de créer de nouveaux schèmes d’intelligibilité et d’élaborer d’autres lignes de continuité. Le propre d’un récit est en effet de faire advenir le réel en fabriquant des dispositifs de vérité inédits. « Ce que peut l’histoire, c’est faire droit aux futurs non advenus, à leurs potentialités inabouties [93] ». Aussi, plutôt que d’accréditer un récit qui s’emploie à décrire des faits historiques saisis dans la perspective d’un devenir orienté qui trouve son point d’achoppement dans notre présent, opter résolument pour un récit alternatif qui permet de dissiper l’illusion rétrospective des continuités, de réactiver la mémoire de processus passés afin de montrer leur efficace contemporaine et de contribuer à les faire advenir.
41 Une telle option méthodologique peut consister par exemple à prendre au sérieux le fait que les modes pacifiques de règlement des conflits ont résisté avec « une étonnante vigueur [94] » à l’arsenal punitif déployé par l’État monarchique ou impérial. Elle requiert une attention vigilante à l’endroit des expressions disqualifiées ou des adjectifs connotés [95], afin de permettre, dans l’envers du discours, de réhabiliter certaines formes de régulation sociale déclassées par le sens pré-orienté du grand récit [96].
42 Le troisième niveau analytique relève de la critique historiographique : il consiste à discuter pied à pied les affirmations stratégiques qui permettent de soutenir un argumentaire reposant le plus souvent sur la seule force de l’apparence. Ainsi, par exemple, de l’argument-massue qui soutient le récit de l’adoucissement des peines : la diminution du nombre des condamnations à mort prononcées par les parlements dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Outre que l’argument laisse dans l’ombre celles qui ont pu être prononcées par les justices prévôtales dont on sait la férocité, il minimise, voire passe sous silence, les monographies consacrées à la répression d’infractions particulières qui témoignent d’un accroissement significatif du nombre des procès au XVIIIe siècle [97] et de l’augmentation corrélative des condamnations à mort [98].
43 Enfin, la dernière posture critique consiste à combiner les attitudes précédemment évoquées afin d’invalider les effets d’évidence véhiculés par la structure et l’orientation du grand récit. On pourrait ainsi invoquer un grand nombre d’éléments factuels pour invalider l’économie générale du discours promoteur de la douceur et de l’humanisation des peines.
44 À titre d’exemple, on considère volontiers que la loi de 1832, que ce soit par son régime d’incrimination ou par ses modalités d’application, constitue une étape décisive sur la voie de l’individualisation et du mouvement présumé corrélatif d’adoucissement des peines. Bien que fondée sur le plan de la politique d’incrimination – moins sévère que celle imposée par le « Code de fer » –, une telle présentation est erronée lorsqu’on situe l’analyse sur le terrain de son application. En octroyant les circonstances atténuantes, les jurys ont, de fait, prononcé beaucoup plus de condamnations qu’avant 1832. La loi de 1832 remplissait ainsi l’un de ses principaux objectifs qui était de lutter contre un taux d’acquittement jugé trop élevé par les autorités en charge de la répression du crime.
45 Un tel angle d’attaque analytique permet dès lors d’édifier un tout autre récit : outre le durcissement bien réel de la répression consécutif à la loi de 1832, celle-ci doit être considérée comme l’un des principaux instruments de la lutte contre une justice populaire que certains estiment laxiste, cherchant par-là à imposer le monopole judiciaire de magistrats professionnels moins rétifs à mettre en œuvre les politiques criminelles répressives d’un État de plus en plus autoritaire [99]. C’est donc peu dire qu’une telle posture analytique permet d’invalider l’orientation prétendument humaniste du sens historique de la peine.
46 Dans le même ordre d’idées, on peut affirmer qu’il n’est pas nécessaire de recourir à l’autorité de Foucault pour démontrer que le développement de la prison accompagne une mutation du régime de pénalités qui permet tout à la fois d’étendre le champ de la répression et d’en durcir les modalités d’exercice. Il suffit de rappeler à ce sujet la fréquence de la peine du bannissement à la fin de l’ancien régime, et son remplacement par la peine de prison à partir de la Révolution [100].
47 De ce constat à l’appréciation de ses effets socio-politiques, il y a certes un cap difficile à franchir car il nécessite de s’affranchir de multiples préventions. On ne peut en effet prétendre comparer la violence à l’œuvre dans les sociétés monarchiques du châtiment public et celle qui sévit plus insidieusement dans la société disciplinaire du XIXe siècle ; il est tout aussi délicat d’évaluer la violence institutionnelle générée par la multiplication des dispositifs de contrôle dans nos sociétés contemporaines.
48 Mais sans cette posture critique, il est impossible de libérer les futurs narratifs qu’il appartiendra à d’autres de faire advenir. C’est au demeurant le chemin qu’avait tracé Deleuze dans un texte fameux quand il écrivait que « face aux formes prochaines de contrôles incessants en milieu ouvert, il se peut que les plus durs enfermements nous paraissent appartenir à un passé délicieux et bienveillant [101] ».
B – (Dés)orienter le sens historique de la peine par la création de nouveaux espaces narratifs
49 On ne sait jamais vraiment jusqu’à quel point l’exercice critique ouvre des horizons heuristiques. Appliquée à l’objet de cette étude, une telle méthode permet d’observer qu’à chaque poussée de fièvre répressive de l’État moderne, l’intellectuel pris à partie détourne pudiquement le regard et le projette vers des pratiques alternatives à la peine judiciaire. Au chevet du malade en crise, il convoque alors les médecins de l’âme que sont le philosophe, l’anthropologue et l’historien. Le philosophe lui ouvre le champ des possibles et lui susurre quelque parole stimulante. L’anthropologue lui suggère que la maladie n’est pas une fatalité et que d’autres communautés humaines l’ont surmontée ou heureusement prévenue. L’historien lui rappelle qu’en des temps pas si lointains, les particuliers étaient acteurs du règlement de leurs conflits, avant qu’ils n’en soient dépossédés au nom d’un hypothétique bien commun censé justifier le monopole étatique de la violence judiciaire institutionnalisée.
50 Cette contribution avait pour objet de montrer qu’il n’est pas très difficile de raviver la mémoire de ces temps sacrifiés sur l’autel du grand récit de la pénalité publique et de construire le récit hétérodoxe de ces pratiques alternatives qui ont tantôt concurrencé, tantôt accompagné la judiciarisation des conflits, et qui ont aujourd’hui cédé devant la férocité des politiques criminelles étatiques. Car sait-on vraiment suffisamment qu’en des temps anciens que l’on a parfois pensés obscurs, bon nombre de litiges, peut-être même la plupart, étaient réglés par la voie traditionnelle de la transaction ou de l’amiable composition ? Sait-on encore qu’aux premières heures de la centralisation monarchique, les transactions pénales étaient monnaie courante en Europe [102], qu’ici et là on transigeait, on composait, on arbitrait, on pardonnait, que plutôt qu’à un jugement public, en bonne et due forme, on recourait à tous ceux qui pouvaient faciliter les « satisfactions », les « amoureuses compositions » ou autres « paix privées [103] », que l’heure était aux « moyenneurs », aux « arbitres » et autres pacificateurs, « aux amis charnels » ? Sait-on également qu’aux plus beaux jours de la centralisation monarchique, le geste plébéien de l’esquive et du refus était un art fort répandu, qu’un peu partout en France on échappait, on différait, on dérogeait à la férocité répressive en s’arrangeant à l’amiable, en composant, en signant des pactes de paix, en recourant à des médiateurs ou à des arbitres ? Sait-on encore que la Révolution française avait fait de l’arbitrage le mode princeps de résolution des conflits et qu’elle avait voulu faire de la justice professionnelle l’ultime recours ? Sait-on enfin qu’aux plus beaux jours de la codification napoléonienne, on s’accommodait, on transigeait, on s’arrangeait dans les campagnes du Quercy [104] ou dans les Pyrénées [105], et probablement en bien d’autres lieux vers lesquels l’historien n’a pas encore porté son regard ? Et sait-on suffisamment qu’aujourd’hui la mémoire de ces usages est devenue un poncif historiographique [106] et que la société civile aspire à renouer cette chaîne des temps ?
51 La littérature contemporaine spécialisée a cru opportun de reléguer ces pratiques dans l’infra-judiciaire, apportant ainsi sa modeste contribution au grand récit de la justification de la peine d’État et participant incidemment à la légitimation des politiques pénales contemporaines. D’aucuns s’en accommoderont ; d’autres s’interrogeront sur le sens de cette « évolution » ; certains enfin reposeront la seule question qui vaille : non point celle du sens de la peine informé par un récit historique orienté, mais celle de son opportunité anthropologique, de son bien-fondé philosophique et de sa légitimité politique.
52 Pourquoi non ?
Notes
-
[1]
Allocution de Madame la Ministre Christiane Taubira en clôture du colloque annuel de l’Association Nationale des Juges de l’Application des Peines, le 4 avril 2014.
-
[2]
F. Gros, « Les quatre foyers de sens de la peine », in Et ce sera justice, Paris, Éditions O. Jacob, 2001, p. 11-138.
-
[3]
M. Van de Kerchove, « Les fonctions de la sanction pénale. Entre droit et philosophie », in Informations sociales, n° 127, 2005/7, p. 22-31.
-
[4]
La rétribution, la prévention, la réparation et le renforcement symbolique des normes.
-
[5]
M. Van de Kerchove, Sens et non-sens de la peine. Entre mythe et mystification, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires de Saint-Louis, 2009.
-
[6]
O. Razac, F. Gouriou, G. Salle, Les Rationalités de la probation française, Rapport de recherche, ENAP, mars 2013.
-
[7]
F. Gros, « Justice pénale et demande de la victime : le dernier sens de la peine », in Archives de philosophie du droit, n° 53, 2010, p. 164-170.
-
[8]
Ce sens est d’ailleurs envisagé sous une double acception d’orientation et de raison d’être.
-
[9]
M. Van de Kerchove, Sens et non-sens de la peine…, op. cit.
-
[10]
G. Casadamont et P. Poncela, Il n’y a pas de peine juste, Paris, Éditions O. Jacob, 2004.
-
[11]
M. Mauss, « La religion et les origines du droit pénal d’après un livre récent », in Revue d’histoire des religions, n° 34, 1896, II, p. 59, reproduit dans M. Mauss, Œuvres, II, Paris, Éditions de Minuit, 1969, p. 698.
-
[12]
Par ordre chronologique d’édition : R. Charles, Histoire du droit pénal, Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 1e éd. 1955 ; 2e éd. 1963 ; 3e éd. 1969 ; 4e éd. 1976 (c’est la dernière édition qui est utilisée ici) ; A. Laingui, Histoire du droit pénal, Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 1ère éd. 1985 ; 2e éd. 1993 ; (c’est la première édition qui est utilisée ici) ; J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 1ère éd. 1985 ; 2e éd. 2006 ; 3e ed. 2014 (c’est la première édition qui est utilisée ici) ; cet ouvrage reprend l’essentiel de J.-M. Carbasse, Introduction historique au droit pénal, Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, 1990).
-
[13]
Charles, op. cit., p. 5.
-
[14]
Ibid.
-
[15]
Spécialement quand on compare cette efficacité prétendue avec celle que pourrait offrir d’autres modes de régulation des conflits.
-
[16]
Charles, op. cit., p. 17.
-
[17]
Langui, op. cit., p. 71.
-
[18]
Ortolan, Éléments de droit pénal : pénalité, juridiction, procédure, t. 1, Paris, Éditions Plon, 1863-1864, p. 79.
-
[19]
Bérenger (de la Drôme), De la répression pénale, de ses formes et de ses effets, t. 1, Paris, Éditions Cosse, 1855, p. 188.
-
[20]
Ortolan, Éléments de droit pénal…, op. cit., p. 18.
-
[21]
Charles, op. cit., p. 8-9.
-
[22]
Ibid., p. 101.
-
[23]
N. Rouland, Aux confins du droit, Paris, Éditions O. Jacob, 1991, p. 79.
-
[24]
Laingui, op. cit., p. 4 ; Carbasse, op. cit., p. 11.
-
[25]
J. Le Goff, Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ?, Paris, Éditions du Seuil, 2014, p. 189.
-
[26]
Voir par exemple cette affirmation de R. Charles : « L’histoire du droit pénal permet de constater que nos conceptions actuelles rejoignent, par-delà des millénaires d’oubli, celles de l’Antiquité » (p. 18).
-
[27]
J. Goody, Le Vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Paris, Éditions Gallimard, 2010.
-
[28]
« L’image que nous nous faisons communément de la vengeance dans les sociétés traditionnelles n’est-elle pas largement fausse ? Et surtout, ne faut-il pas y voir le produit d’une manipulation destinée à valoriser la contrainte étatique, présentée comme un progrès par rapport aux archaïsmes des sociétés dépourvues d’État ? » (N. Rouland, op. cit., p. 90).
-
[29]
« L’acceptation de cette composition était facultative. De ce fait, le droit à la vengeance entraînait des conflits interminables qui pouvaient durer pendant plusieurs générations. » (Carbasse, p. 84).
- [30]
-
[31]
Ibid., p. 112.
-
[32]
Ibid., p. 81.
-
[33]
Ibid., p. 78.
-
[34]
Ibid., p. 113.
-
[35]
Laingui, op. cit., p. 6, 31-32, 34.
-
[36]
Charles, op. cit., p. 74.
-
[37]
Laingui, op. cit., p. 40.
-
[38]
Carbasse, op. cit., p. 113.
-
[40]
« Certains facteurs préparent la renaissance d’un véritable droit pénal public. D’une part en effet l’église, le roi, et même certains princes ont maintenu tant bien que mal l’idée d’une justice ordonnée au bien commun ; d’autre part, dès la fin du XIe siècle, la renaissance du droit romain et la généralisation de l’exigence rétributive vont fournir de nouvelles armes aux constructeurs de l’État de justice » (Carbasse, op. cit., p. 107).
-
[41]
Ibid., p. 101.
-
[42]
Ibid., p. 114, 157-161, 179.
-
[43]
Ibid., p. 162.
-
[44]
Ibid., p. 294.
-
[45]
Charles, op. cit., p. 15.
-
[46]
Ibid., p. 203-204.
-
[47]
Ibid., p. 365.
-
[48]
« Chaque société a son régime de vérité, sa politique générale de la vérité : c’est-à-dire les types de discours qu’elle accueille et fait fonctionner comme vrais ; les mécanismes et les instances qui permettent de distinguer les énoncés vrais ou faux, la manière dont on sanctionne les uns et les autres ; les techniques et les procédures qui sont valorisées pour l’obtention de la vérité ; le statut de ceux qui ont la charge de dire ce qui fonctionne comme vrai » (« Entretien avec Michel Foucault », dans Dits et Écrits II, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Quarto », 2001 [1994], p. 158).
-
[49]
Charles, op. cit., p. 11.
-
[50]
Carbasse, op. cit., p. 44.
-
[51]
Ibid.
-
[52]
Charles, op. cit., p. 13.
- [53]
-
[54]
Ibid., p. 92.
-
[55]
Qui passe d’ailleurs aujourd’hui pour romaines… Cf J.-P. Poly, « La corde au cou. Les Francs, la France et la Loi salique », in Genèse de l’État moderne en Méditerranée. Approches historique et anthropologique des pratiques et des représentations, Rome, École Française de Rome, 1993, p. 287-320.
-
[56]
Laingui, op. cit., p. 70.
-
[57]
Carbasse, op. cit., p. 304.
-
[58]
Ibid., p. 211.
-
[59]
Ibid., p. 404.
-
[60]
Ibid., p. 379.
-
[61]
Ibid., p. 378, 380.
-
[62]
Charles, op. cit., p. 82.
-
[63]
Carbasse, op. cit., p. 380.
-
[64]
Ibid., p. 404.
-
[65]
Ibid., p. 407.
-
[66]
Ibid., p. 408.
-
[67]
Ibid.
-
[68]
Charles, op. cit., p. 14 ; Laingui, op. cit., p. 66 ; Carbasse, op. cit., p. 415.
-
[69]
Laingui, op. cit., p. 66-67.
-
[70]
Carbasse, op. cit., p. 216, 240, 363.
-
[71]
Ibid., p. 365.
-
[72]
Ibid., p. 366.
-
[73]
Le supplice de Damiens demeure l’un des temps fort de Surveiller et punir.
-
[74]
Carbasse, op. cit., p. 378, 380.
-
[75]
Laingui, op. cit., p. 121.
-
[76]
Carbasse, op. cit., p. 415.
-
[77]
Ibid.
-
[78]
Ibid., p. 416.
-
[79]
Ibid., p. 417.
-
[80]
Ibid., p. 420.
-
[81]
N. Rouland, Aux confins du droit, op. cit., p. 97.
- [82]
-
[83]
Carbasse, op. cit., p. 417.
-
[84]
Ibid., p. 420.
-
[85]
Ibid., 3e éd. 2014, p. 512.
-
[86]
N. Rouland, Aux confins du droit, op. cit., p. 96.
-
[87]
Ibid., p. 97.
-
[88]
Carbasse, op. cit., p. 65 et N. Rouland, op. cit, p. 85.
-
[89]
Carbasse, op. cit., p. 171, 173, 311, 313, 334.
-
[90]
« Dès les débuts du consulat, Bonaparte décide de remplacer le code de brumaire an IV, beaucoup trop doux à ses yeux » (Ibid, p. 396). Sur ce sujet encore, Ibid, p. 398.
-
[91]
Ibid, p. 400, 416.
-
[92]
Cf par ex. Carbasse, op. cit., p. 260.
-
[93]
P. Boucheron, Ce que peut l’histoire, Leçons inaugurales du collège de France, Paris, Collège de France-Fayard, 2016, p. 17.
-
[94]
Carbasse, op. cit., p. 161.
-
[95]
« Vieilles pratiques », « privatistes », « illicites », etc. (Ibid.).
-
[96]
Je pense ici par exemple aux peines qualifiées de « dérisoires » (Ibid., p. 269-272, 291) et à une multitude de pratiques (« procès » d’animaux, « procès » à cadavre, mariage sous la potence, charivari…) que les historiens du droit pénal relèguent un peu trop vite au rang de curiosité.
-
[97]
Ibid., p. 365.
-
[98]
A. Bresson-Le Minor, Le Vol domestique au XVIIIe siècle d’après les arrêts du Parlement de Paris, thèse Paris II, 1978 ; G. Callemein, L’Empoisonnement devant la justice criminelle française en application de l’édit sur les empoisonneurs (1682-1789), thèse Nice, 2015.
-
[99]
Sur la résonnance contemporaine de cette question, J. Ferrand, « Rapport non officiel d’un sans-culotte à Madame le ministre de la justice, au sujet des morts-nés autopsiés récemment par la médecine légale », in L’IRASCible, Revue de l’Institut Rhône-Alpin de Sciences Criminelles, n° 4, novembre 2013, p. 227-268 ; et « La justice aux sans-culottes ! Propos libres sur la loi du 10 août 2011 et ses glossateurs », in L’IRASCible. Revue de l’Institut Rhône-Alpin de Sciences criminelles, n° 3, 2012, « Les éclaireurs du pénal », p. 281-325.
- [100]
-
[101]
G. Deleuze, « Contrôle et devenir », in G. Deleuze, Pourparlers, Paris, Éditions de Minuit, 1990, p. 237.
-
[102]
Cf, parmi une littérature foisonnante, P. MacCaughan, « Le baile du seigneur et la résolution des conflits à la fin du Moyen Âge », in C. Dolan (dir.), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice du Moyen Âge au XXe siècle, Laval, PUL, 2005, p. 602 ; J.-M. Carbasse, « Philippe III le Hardi et les “mauvaises coutumes” de Gascogne n(à propos de l’ordonnance de juillet 1280) », in Hommages à G. Boulvert, Nice, 1987, p. 157.
-
[103]
Là encore, parmi une littérature abondante, Cf. C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2 vol., 1991.
-
[104]
F. Ploux, « L’arrangement dans les campagnes du Haut Quercy (1815-1850) », in Histoire de la justice, n° 5, 1992, p. 95-117 ; F. Ploux, Guerres paysannes en Quercy. Violences, conciliations et répression pénale dans les campagnes du Lot (1810-1860), Paris, Éditions La boutique de l’histoire, 2002.
-
[105]
Carbasse, op. cit., p. 161.
-
[106]
X. Rousseaux, « Historiographie du crime et de la justice criminelle dans l’espace français (1990-2005) », in Crime, Histoire & Sociétés [En ligne], Vol. 10, n°1-2006, p. 123-158.