Identités et différences sexuelles
1Pourquoi les femmes subissent-elles tant de violences ? Pierre angulaire du questionnement des militantes et chercheures des années soixante-dix, les violences faites aux femmes étaient au cœur des réflexions, des textes, analyses et tracts produits alors. L’institutionnalisation de la recherche féministe dans les années quatre-vingts transforme radicalement les approches. C’est seulement sous les angles psychologique, démographique, criminologique ou de la santé que les questions de violence sexuelle ont été abordées et très souvent dans une perspective extrêmement hétéronormative. Mais ce qui saute aux yeux, c’est surtout cette béance entre la fin des années soixante-dix et aujourd’hui dans les réflexions féministes cherchant à comprendre ce qu’est le viol [1]. Beaucoup de féministes des années soixante-dix identifiaient les violences sexuelles comme constituant la colonne vertébrale de la domination masculine et les considéraient par conséquent comme cruciales, d’une part pour le fonctionnement d’une société sexiste et d’autre part pour l’ordre binaire du genre. Par la suite, depuis les années quatre-vingts, des féministes ont organisé la « prise en charge » des victimes. Dans leurs pratiques et leurs communications, elles suivaient une compréhension des origines de ces violences, de leur fonctionnement, qui repose sur une analyse spécifique datant des années soixante-dix.
2Le champ de la recherche féministe et de la recherche sur le genre a connu de multiples transformations depuis les années soixante-dix, y compris par son institutionnalisation, par les « sex wars [2] » ou encore par le tournant « genre » dans les années quatre-vingt-dix [3]. Dans cet article, je souhaite contribuer à un renouveau des réflexions féministes sur les violences sexuelles, ranimer le débat en donnant d’abord quelques éléments des textes classiques de la pensée féministe étatsunienne sur la violence sexuelle, pour ensuite retourner à un épisode concret de la pensée féministe, à savoir une discussion de l’Histoire d’O. qui, à sa manière, examine le lien entre violence et sexualité, notamment en ce qui concerne le processus de sexuation [4].
La violence comme élément constitutif de la sexuation
3La violence sexuelle comme élément constitutif de la sexuation, de la création des sujets en hommes et en femmes hétérosexuelles, apparaît au plus tard dans la pensée féministe avec Simone de Beauvoir [5]. En effet, dans le Deuxième Sexe, Beauvoir décrit toutes les complications du devenir femme comme un arrachement à soi, notamment dans le chapitre sur l’initiation sexuelle, au deuxième tome. Un autre classique monumental de la bibliothèque féministe, Sexual Politics de Kate Millet, ouvre ses réflexions par des descriptions littéraires des violences sexuelles faites par des hommes à des femmes [6]. Elle y rappelle comment, depuis les grandes mythologies de l’origine de l’humanité (Ève et Adam, la boîte de Pandore), la femme est la sexualité, l’incarne ; c’est en cela qu’elle est menaçante et que les violences contre elle sont justifiées. Parmi les violences qui marquent les étapes du devenir femme, les violences sexuelles sont spécifiquement analysées par les féministes depuis les années soixante-dix. Certaines les considèrent comme une arme spéciale du patriarcat pour assujettir les femmes, une forme particulière d’appropriation des corps des femmes par les hommes, un élément constitutif de ce qu’est être une femme dans cette société. Le texte clé pour cette description est sans doute le livre de Susan Brownmiller [7]. C’est aussi dans cette perspective qu’en France les féministes et lesbiennes radicales se sont organisées sous des slogans comme « viol = crime contre la classe des femmes [8] ». L’interprétation du viol donne lieu à un débat en France dans les années soixante-dix. Et c’est Michel Foucault qui cristallise ce conflit : pour lui, un viol devait être compris comme toute autre forme de violence, comme un coup de poing dans le visage [9]. Il ne voulait pas porter attention au caractère sexuel de cette violence, autrement dit : pour lui, cette caractéristique n’était pas significative. Monique Plaza le reprenait sur ce point dans sa célèbre réponse : « La volonté de ne pas savoir de Michel Foucault [10] ». Plaza explique que le viol ne peut pas être compris indépendamment des rapports homme-femme et de la domination masculine. Certes, des viols sont commis contre des hommes et même parfois par des femmes ; toutefois, leur faible nombre va dans le sens de la thèse de Plaza selon laquelle il existe un lien significatif entre domination masculine et viol.
4Plaza insistait donc sur le fait que le genre joue un rôle central dans le viol. Mais est-ce que le viol joue aussi un rôle central dans le genre ? Et qu’en est-il de la sexualité ? Est-ce qu’un viol constitue un acte sexuel ou un acte de violence et de pouvoir ? Ou les deux ? Suivant l’argument classique de Brownmiller, le viol n’est pas sexuel, puisque sa vraie fonction serait une démonstration de pouvoir sur une femme. En s’inscrivant dans cette tradition, certaines féministes voulaient élargir le terme viol à toute forme de harcèlements ou d’attouchement sexuel. Par-là, elles cherchaient à mettre en valeur l’effet subjectif de cette expérience et à rendre visible le lien structurel de tous ces actes. Or, mettre tout regard mal placé sur le même plan qu’un viol risque de banaliser les véritables viols, les actes d’intrusion sous la surface du corps. Si la définition du viol qui insiste sur la pénétration vaginale avec un pénis est certes trop étroite, Cahill propose néanmoins d’inclure dans sa définition une forme de pénétration, de franchissement de la superficie du corps, peu importe que cette pénétration soit faite par une partie corporelle ou un objet et quel orifice soit pénétré [11].
5Les mêmes complications se retrouvent par rapport à la définition des violences sexuelles : qu’est-ce qui rend sexuelle une violence ? Brownmiller insistait sur le fait que les violences sexuelles servent à démontrer le pouvoir, ce qui a amené certaines militantes féministes à proposer l’expression de « violence sexualisée » à la place de violence sexuelle. D’autres féministes, en revanche, critiquaient cette expression : elle donnerait l’illusion d’une sexualité naturellement bonne et non violente. Ce n’est que par l’usage machiste qu’en font quelques hommes que la sexualité serait exceptionnellement devenue mauvaise et violente. Et en effet, pour une Catharine MacKinnon, comme chez Michel Foucault, la sexualité est toujours déjà un exercice de domination ou de pouvoir [12]. Pour MacKinnon, c’est par la sexualité – toujours violente, c’est pourquoi, pour elle, une « violence sexuelle » serait une notion redondante – que la société est organisée en hommes et en femmes. La sexualité est constitutive de la subjectivation (violente) des hommes et des femmes.
6Aujourd’hui, la perspective analytique de classes de sexe, qui était le fond de la réflexion de Plaza et proche de celle de MacKinnon, est nettement moins répandue. Une révision féministe de l’explication du viol et des violences sexuelles s’impose car la question persiste : quel rôle jouent les violences sexuelles dans la mise en place et la reproduction des différences sexuelles et par là dans les constructions d’identités sexuelles et de genre ? Comme souvent dans la pensée féministe, il s’agit de faire le grand écart entre d’une part la nécessité de rendre compte de la gravité d’un phénomène et, d’autre part, le piège qui consiste à en faire une fatalité. Comment décrire des structures sociales sans les rendre totales et inévitables ? La philosophe Ann Cahill a tenté une révision majeure du concept de viol et ne s’est pas contentée de réitérer le partage définitionnel entre viol et harcèlement sexuel [13]. Dans une perspective plus ou moins foucaldienne, elle met également en cause le rôle que Brownmiller donne aux violences sexuelles dans la subjectivation et la sexuation, c’est-à-dire l’idée selon laquelle le viol et les violences sexuelles détermineraient le devenir femme.
7Le travail de Cahill est l’une des rares tentatives visant à poursuivre, tout en le critiquant, l’héritage de Brownmiller et Plaza concernant l’explication de l’ampleur des violences sexuelles faites aux femmes. Il s’agit de comprendre le rôle des violences sexuelles comme fondement de cette culture que certaines ont fini par appeler « rape culture », culture du viol. Il s’agissait d’exposer le caractère répandu et fondamental du viol, contre une vision qui en fait une exception à la règle, règle qui serait la non-violence. Pour cela, l’effet panoptique de la culture du viol, qui agit même sur les femmes qui n’en ont pas été victimes, doit être pris en compte. Le viol devient en effet une forme de menace constante, intimidante et par là régulant le comportement de nombreuses femmes (ne pas sortir seule la nuit, ne pas partir seule en stop, etc. [14]). De plus, une considération des conséquences économiques et politiques de cette culture du viol s’impose pour mesurer les véritables coûts d’une telle « culture ».
8La politologue autrichienne Birgit Sauer soulignait l’ancrage institutionnel de cette culture violente en montrant comment l’idéologie du monopole de la violence tenu par l’État était construite sur l’impunité garantie aux homme qui font des violences aux femmes : il s’agissait là du résultat d’un compromis historique, visant à faire accepter aux hommes la cessation de toute forme de violence envers les polices et les soldats [15]. Ce compromis aurait été repris selon Sauer après la Deuxième Guerre mondiale, dans la construction des États-providence qui sont organisés sur le même principe de partage entre violence publique et violence privée, dont relève l’enfermement des femmes au foyer par une organisation spécifique du travail.
9Une analyse structurelle des violences faites aux femmes semble en effet indispensable pour comprendre comment émergent des sujets féminisés ou masculinisés dans notre société. Pour autant, tous les sujets sont-ils toujours et complètement assujettis aux structures violentes qui les forgent ? Et comment faire une place aux plaisirs sexuels ? C’est précisément la question que se posait un courant de la pensée féministe au début des années quatre-vingts, connu sous le terme un peu flou de « pro-sexe » et qui cherchait à mesurer les rapports entre structures oppressantes et marges de manœuvre individuelles dans ces structures. Sans cultiver une illusion naïve de libre arbitre, ces féministes mettaient en garde contre une politique qui perdrait de vue le sujet en se concentrant trop exclusivement sur les structures sociales. Elles prennent le désir comme point de départ pour comprendre le rapport entre individu et structures sociales. De la sorte, la subjectivation sexuelle devient une entreprise extrêmement difficile, entre la sexuation patriarcale d’une part et le souhait des femmes d’exprimer leur propre appétit sexuel d’autre part.
10D’une certaine manière, ces différentes positions féministes discutent le lien entre sexualité et subjectivation dans une tension constante entre la sexualité comme technologie de pouvoir (dans une vision foucaldienne) et la sexualité comme moteur d’action (dans une vision plutôt freudienne, bien que Freud n’ait en aucun cas nié le caractère social voire politique de la sexualité).
11Dans la section suivante, cette tension sera interrogée à l’aide de plusieurs analyses féministes d’Histoire d’O. Il s’agit d’un débat sur le sadomasochisme, mais nous allons très vite nous apercevoir qu’il s’agit d’un débat sur le lien entre sexualité et subjectivité qui interroge essentiellement la question de la place du désir dans le sujet moderne.
Histoires d’O ou le masochisme et la féminité
12Avec le récent succès commercial des 50 nuances de gris [16], la question du « masochisme féminin [17] » semble avoir été remise sur la table. Il s’agit d’une vieille figure discursive en partie inspirée des écrits freudiens, dont la vulgarisation a aggravé le sexisme. La notion de « masochisme féminin » n’est pas du tout pensée comme un trait des femmes par Freud, au contraire. C’est un phénomène qu’il observe comme perversion chez les hommes alors qu’il est considéré comme « normal » chez les femmes [18]. Comme c’est souvent le cas avec Freud, il détecte un phénomène important et le décrit avec le soin qu’on lui connaît sans pour autant dénoncer les structures sociales et politiques qui en sont responsables ou proposer des solutions pour en sortir. C’est bien pour cela que Gayle Rublin l’ait traité de « féministe manqué [19] ». Les 50 nuances de gris sont en réalité une copie appauvrie d’Histoire d’O, roman à scandale qui a fait couler beaucoup d’encre féministe depuis sa publication dans les années cinquante [20]. Histoire d’O provoqua une controverse publique en France, et plus tard de nombreuses prises de position et analyses au sein de la recherche féministe étatsunienne. Les critiques les plus connues sont peut-être celles d’Andrea Dworkin et de Susan Griffin [21]. Le texte de Griffin est produit à l’époque des « sex wars [22] » et exprime la polarité de ce débat en brossant une lecture surtout centrée sur le thème du sadomasochisme ; pour elle le SM est le comble de la violence patriarcale. Andrea Dworkin dont le texte a été écrit presque une décennie auparavant, non seulement lit l’Histoire d’O comme un rituel judéo-chrétien et spirituel, mais de plus exprime sa fascination pour ce texte. En effet, en analysant le style de l’auteure, qui, selon elle dirait toujours tout et son contraire, Dworkin propose à la lectrice de « dé-penser » (unthink) doublement, de déchiffrer, si l’on veut, ce style, de le lire comme un code. Si donc l’Histoire d’O présente les hommes et les femmes comme pôles humains radicalement opposés, voire en guerre, le décodage de Dworkin en retient la déclaration de guerre pour la retourner contre les hommes. Cette position de Dworkin est connue. Mais ce qui peut surprendre, c’est sa mise en garde contre une attractivité qui pourrait se trouver dans la séduction que peut exercer le style d’Histoire d’O, style que Dworkin situe clairement sur un plan spirituel. Par la suite, cette attractivité sera complètement niée avec la polarisation du débat dans les « sex wars » féministes.
13Qu’Histoire d’O figure parmi les objets de discussion des « sex wars » féministes n’est pas surprenant. L’enjeu du débat féministe étatsunien au début des années quatre-vingts étant de déterminer le lien entre sexualité et subjectivité, Histoire d’O pouvait en effet paraître prometteuse ou dangereuse. Susan Griffin, quant à elle, prolonge la ligne de réflexion de Dworkin tout en l’adaptant à sa critique du sadomasochisme, qui représente, selon elle, la revanche fasciste de la culture (mâle) contre la nature (femelle) :
Est-il important de savoir si l’oppression et la douleur ont été choisies ? Les féministes reconnaissent que la culture forme le désir. Nous savons que nous avons “consenti” à la coercition, nos esprits ont été formés à consentir par des années de conditionnement social – conditionnement que nous n’avons jamais choisi. Et notez cela. Le sadomasochisme consensuel est le choix de limiter sa nature, d’abréger la liberté [23].
15En effet, le consentement est un thème compliqué qui brouille les lignes évidentes entre oppresseur et opprimée de part et d’autre : quelqu’un qui consent à sa propre soumission n’est déjà plus tout à fait soumis. Ce que Griffin veut souligner, c’est que le consentement n’apparaît pas spontanément, mais qu’il émerge dans un contexte social et politique qui agit sur sa formation.
16Or le problème du consentement hante aussi la paranoïa de l’oppresseur qui veut voir dans le consentement de sa victime sa victoire totale. Il ne peut cependant pas effacer ce dernier doute immanent au caractère actif d’un consentement. Le débat sur le consentement est traversé par la nostalgie du sujet doté de volonté libre, d’un corps propre, et, surtout et d’abord, en premier lieu d’un désir de signification. En revanche, abandonner toute possibilité de consentement et faire du sujet un pur produit de ses conditions de vie, comme le fait Griffin, prôner en somme un tel déterminisme, paraît également totalitaire.
17Le pôle s’opposant à cette vision est ici représenté par l’analyse de Kaja Silverman publiée dans les actes du célèbre colloque du Barnard College de 1982 [24]. Silverman interprète Histoire d’O comme une sorte d’allégorie sur l’impossibilité d’une subjectivité féminine. Elle combine sa lecture d’Histoire d’O avec celle des French feminists. Aux yeux de Silverman, O singe le zéro, le rien auquel l’ordre symbolique l’assigne pour protéger, derrière ce masque, le rapport privilégié qu’elle aurait à son corps [25]. En s’appuyant sur les travaux de Michèle Montrelay, Silverman affirme que de cette façon la castration devient un trompe-l’œil. Dans la psychanalyse, la castration est un passage obligé de tout sujet, et pas seulement pour les femmes. Le véritable dilemme d’Histoire d’O n’est donc pas seulement l’histoire du devenir femme, mais plutôt l’histoire du devenir sujet tout court. Et celui-ci doit forcément passer par le genre comme régime social. Ainsi Montrelay résume :
De nombreuses analyses prennent automatiquement le savoir du corps pour un savoir de la personne et lorsqu’il s’agit d’un corps sexué, pour un savoir sur soi en tant qu’homme ou en tant que femme […] Si le corps existe de manières multiples pour des pratiques légales et médicales […] alors clairement il ne peut y avoir de corps singulier qui porterait le fardeau de l’individualité [26].
19Pour résoudre cette situation difficile, pour décrire ce rapport quasi impossible entre discours et corps, Silverman propose une notion freudienne, la Anlehnung, l’anaclisis [27]. Ainsi elle cherche à échapper à un déterminisme biologiste, sans nier l’existence des corps, de leur ressenti, de leur matérialité, de leur vécu. Ce sont les corps mêmes qui sont forgés par le pouvoir des discours, dit-elle. De cette façon, elle refuse de simplifier le rapport entre discours et réel en tranchant entre indépendance et identité [28].
20Sa radicalité réside dans son rejet de la forme moderne et patriarcale du sujet. Elle appelle les féministes à inventer d’autres rapports au discours au lieu de se battre pour une meilleure place au sein des discours dominants [29]. Silverman doute de l’efficacité d’une stratégie « réformiste » qui veut augmenter le taux de participation des femmes dans les communautés signifiantes qui sont trop souvent réservées aux hommes. Au lieu de cela, elle cherche une nouvelle relation aux discours, sans nous donner de pistes ou d’exemples plus concrets. Peut-être imagine-t-elle une société tout autre comme l’ont proposé un peu plus tard les femmes de la librairie de Milan [30] ?
21On peut dire que malgré leurs différences, pour Silverman comme pour Griffin et Dworkin, les violences sexuelles font partie intégrante de la subjectivation féminine. Tandis que Griffin interprète le comportement et les choix d’O comme expression d’une soumission à l’ordre patriarcal, Silverman l’interprète comme une stratégie élaborée pour y échapper : ne pas être sujet en étant une chose ; exposer une injustice en la menant jusqu’au bout, en en faisant une caricature peut-être. Du coup, la sexualité n’est plus seulement un outil d’oppression, comme chez Griffin. Au contraire, la sexualité dans le sens d’une pratique des plaisirs devient un outil pour échapper à la subjectivation patriarcale.
22Ce qu’est la sexualité reste pourtant difficile à déterminer, surtout dans son rapport au genre et à la subjectivité. Dans un autre article, j’ai commencé une réflexion sur les multiples dimensions du terme de « sexualité [31] ». En fonction de ce que les féministes entendent par sexualité (structure sociale, parenté, désir, pratique, identité, amour…), les interprétations de sa place dans la subjectivation dominante ou encore dans des stratégies de libération varient énormément. Il me semble néanmoins que parmi tous ces aspects, nous trouvons d’une part une interprétation négative selon laquelle la sexualité représente un élément-clé dans l’oppression des femmes ou des lesbiennes, et d’autre part une vision positive, qui espère y trouver un potentiel subversif pour l’émancipation ; la sexualité, dans cette perspective, décrit un élément humain qui n’est pas en soi négatif et dont il faudrait seulement enlever les aspects oppressifs qui y ont été agrégés par les religions ou le capitalisme bourgeois.
23C’est en dépassant ce binarisme que deux autres analyses féministes d’Histoire d’O sont particulièrement intéressantes : celle de Susan Sontag, datant de 1969 [32], ainsi que, plus tard, celle de Jessica Benjamin (1980) [33]. Sontag discute Histoire d’O comme exemple pour savoir si la littérature pornographique est une forme d’art ou non. Pour Sontag, la pornographie peut – tout comme les drogues – être une manière d’interroger les formes de conscience humaines et aider à fonder une nouvelle imagination. Sur ce point, Sontag s’oppose aux freudo-marxistes qui considèrent la sexualité comme un trait humain généralement bénéfique. Tout au contraire, elle rappelle que la sexualité peut aussi être un précipice, un domaine extrêmement dangereux de la réalité humaine qui comporte des curiosités et des gouffres et cela non seulement pour les femmes mais pour tout le monde.
24Pour elle, comme pour Jessica Benjamin, Histoire d’O et, de manière générale, la pornographie parlent plus de la mort que du plaisir. L’interrogation du sexe dans la pornographie peut alors être une manière d’explorer ce précipice, avec tout le danger que cela implique. En percevant dans la sexualité plutôt des pulsions, des désirs et des pratiques que des identités ou des rapports sociaux, Sontag estime que la pornographie peut être une manière d’explorer leur humanité, leur existence. Faire de la sexualité un objet de recherche devient un acte politique et par là objet de critiques, de transformations qui transcendent l’individu et ouvrent des possibilités nouvelles. Sontag identifie dans la pornographie des tentatives tâtonnantes vers un nouveau langage transcendant qui serait indépendant du langage religieux dominant toute notre imagination aujourd’hui. C’est l’aspect imaginatif qui l’intéresse réellement dans la pornographie ; elle y place l’espoir de refonder le projet échoué de Hegel [34], sans se faire trop d’illusions sur les pornographies existantes [35]. La pornographie aurait un potentiel notamment pour le féminisme, parce que la seule manière d’être un sujet que l’ordre social propose aux femmes, c’est d’être un objet, et donc devenir sujet est toujours déjà impossible pour elles. Lorsque la pornographie, dans la transgression, tente d’effacer les limites entre le sujet social et son animalité imaginée, c’est aussi le sujet qui est érodé. C’est ici que Sontag espère trouver un moment libérateur pour les femmes qui de toute façon doivent trouver des manières alternatives d’être dans le monde. La sexualité – comme les drogues – peut donc aider à s’affranchir de l’assujettissement, des souffrances d’être un sujet, notamment pour les personnes exclues de cette position. Il s’agit d’un affranchissement aventureux, car dangereux, et dont le retour n’est pas garanti si certaines précautions ne sont pas prises. Sontag semble espérer que ces aventures exploratoires peuvent aider, peut-être par le plaisir, à explorer ou découvrir de nouvelles formes de conscience et d’existence dans le monde.
25Pareillement, Jessica Benjamin voit plutôt la mort dans Histoire d’O, mais sans son potentiel libérateur. En se servant des analyses de Georges Bataille, elle prend la mesure de la complexité du rapport entre mort et sexualité :
Le conte de Réage est un filet dans lequel les questions de la dépendance et de la domination sont inextricablement tissése, dans lequel le conflit entre le désir d’autonomie et le désir de reconnaissance ne peut être résolu qu’en renonçant complètement à soi. Il illustre puissamment le principe selon lequel la racine de la domination réside dans l’effondrement de la tension entre soi et l’autre [36].
27Pour elle, l’activité d’O représente une recherche de « satisfactions furtives d’ordre spirituel ou psychologique [37] ». Cette satisfaction, O la cherche dans le fait d’être « connue », « car le secret de l’amour est d’être connu comme soi [38] ». La recherche échoue car, confrontée à ses « maîtres », O vit l’effondrement de tension qu’il peut y avoir entre soi et l’autre que Benjamin décrit plus haut. Ainsi pour Benjamin, Histoire d’O est une sorte de mise en scène personnifiant le drame de la conscience humaine que décrit Hegel dans le célèbre chapitre de sa Phénoménologie de l’esprit sur le maître et l’esclave.
L’assertion d’un individu (le maître) est transformée en domination ; la reconnaissance de l’autre (celle de l’esclave) devient soumission. Ainsi la tension fondamentale entre ces forces à l’intérieur d’un individu devient une dynamique entre individus [39].
29Suivant le modèle freudien, selon lequel la domination est un facteur indispensable de la civilisation, Benjamin semble conclure que Histoire d’O est d’abord et surtout une illustration forte de l’origine, de la mise en place de cette domination. Il est impossible pour nous de juger si Freud avait raison ou non, si en effet la domination est une prémisse indispensable à toute formation culturelle. Les analyses de Benjamin et de Sontag nous aident cependant à comprendre un nouage important entre violence et sexualité, qui n’est pas fondé sur la bicatégorisation du genre. Tout au contraire, la bicatégorisation du genre par la violence sexuelle semble être une expression de ce lien préexistant.
30Cet article a posé la question des violences sexuelles dans la subjectivation genrée. Nous avons vu qu’une bonne partie des auteures féministes citées sont d’accord sur le fait que les violences sexuelles, subies ou non, jouent un rôle majeur dans le devenir femme. Cependant, elles ne sont pas d’accord sur ce que cela signifie. C’est pour illustrer ces divergences et pour trouver des pistes de réflexion nouvelles que dans la deuxième partie, différentes interprétations d’Histoire d’O ont été mobilisées. Elles ont permis d’élargir le nombre de dimensions de la sexualité prises en compte, mais aussi celles de la violence. Mettre en commun ces perspectives féministes qui sont rarement confrontées les unes aux autres ouvre une interrogation sur la place de la différence sexuelle et les identités de genre qu’elle génère. Les lectures de Silverman, Sontag et Benjamin, aident à comprendre le lien entre le drame de l’assujettissement humain, de la conscience humaine et celui de l’ordre patriarcal qui exclut la femme et tout genre autre que l’homme cis du statut de sujet. Cette nouvelle perspective concernant les violences sexuelles permet d’échapper à un certain fatalisme : insister uniquement sur le caractère structurel de ces violences risque de figer les femmes dans le rôle d’éternelles victimes et les hommes dans celui d’éternels violeurs, représentations sexistes qui méritent d’être combattues. Comment donc saisir l’ampleur de ce phénomène sans le naturaliser et le pérenniser par là ?
31Les analyses de Silverman, Sontag et Benjamin permettent de comprendre que, dans la création de la différence sexuelle et des identités sexuelles, « homme hétérosexuel », « femme hétérosexuelle », se rejoue tout le drame de l’être au monde humain. Et c’est peut-être l’étrange attirance que ressentait Dworkin pour Histoire d’O. Il s’agit d’une manière de matérialiser le conflit de conscience travaillant l’humain qui est au monde et engageant son animalité, sa naturalité, son « être nature », c’est-à-dire, sa vulnérabilité et sa mortalité. La mise en scène des violences sexuelles faites aux femmes, dans une grande partie de la pornographie comme dans le monde réel (parce que ces viols et violences sexuelles aussi suivent des scripts, des scénarios bien analysés par Sharon Marcus [40]), toute la culture du viol apparaissent comme une stratégie d’oubli. Dans les violences faites aux femmes, c’est-à-dire par le genre comme forme d’organisation sociale, cette société aménage ses angoisses existentielles.
32Cela ne veut pas dire que le genre et les violences sexuelles sont la seule forme d’expression de ces angoisses, tout au contraire. Et en effet le genre même ne peut pas être vu autrement que comme consubstantiel à d’autres formes de domination. Ainsi Angela Davis a-t-elle critiqué des éléments racistes et post-esclavagistes dans les classiques de Susan Brownmiller et de Diana Russel, qui par exemple décrivent certaines formes de viol comme « reverse racism », notion aussi absurde que le terme racisme anti-blanc 41. Pareillement, au XIXe siècle, des organisations de femmes bourgeoises contribuaient aux politiques de contrôle sur les classes populaires et notamment des travailleuses de sexe [41]. Ces intersections sont cruciales pour une compréhension structurelle et historique des violences sexuelles. Et ce n’est clairement pas par une hiérarchisation des luttes que ces enjeux seront compris.
33Un débat d’ampleur est nécessaire sur la place des violences sexuelles dans nos cultures. Le terme « culture du viol » n’a pas de valeur explicative, si ce n’est en pointant le fait que les viols ne sont pas des phénomènes singuliers, ce qu’il est en effet important de prendre en considération. Il faut chercher les véritables sources de la misogynie dans l’histoire mais aussi dans le présent au quotidien, car c’est en partie là qu’elles se situent : au niveau de l’expérience individuelle que l’on fait de l’histoire sociale et politique.
34Cette perspective a des conséquences importantes sur les stratégies féministes : réduire la lutte contre les violences sexuelles des hommes contre les femmes, travailler à une meilleure protection des femmes, suivant une vision criminologique, psychologique et démographique, n’abolira pas cette culture (bien que les maisons pour les femmes battues soient un élément indispensable). Si la base de la culture du viol est justement le besoin de figer les femmes dans la position de victimes pour faire oublier la vulnérabilité de tous les humains, la lutte féministe contre ces violences sexuelles doit également déconstruire cet ordre symbolique et imaginer, voire construire, de nouvelles formes de conscience humaine. C’est aussi un appel aux artistes, aux écrivaines et aux poètes pour inventer ces nouvelles imaginations. Et sans aucun doute la recherche féministe est un des lieux privilégiés pour commencer une telle réflexion. Défaire les démagogies religieuses ne suffira pas, elles reviendront, car les angoisses auxquelles répondent les religions persistent. Les idéologies de ce genre se sont montrées particulièrement flexibles pour accueillir les angoisses existentielles. Une piste générale permettant d’amorcer une telle réflexion consisterait à reconnaître dans la solidarité un outil puissant pour réduire les dangers de la vulnérabilité humaine. Toute forme émancipatrice à venir de l’être au monde se situe nécessairement au-delà des familles et des nations, qui sont toutes deux des créations de la pensée identifiante, responsable des violences sexuelles et sexistes.
Notes
- [1]
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[2]
Débat féministe du début des années quatre-vingts aux États-Unis sur la place de la sexualité dans la domination masculine, qui s’exprimait surtout sur des thèmes comme la pornographie, le sadomasochisme lesbien ou encore les cultures butch/fem.
-
[3]
Voir Möser, Cornelia. Féminismes en traductions : théories voyageuses et traductions culturelles. Paris, Éditions des archives contemporaines, 2013.
-
[4]
Pendant que j’écris cet article, la campagne #metoo et #balancetonporc ont révolutionné la parole sur les violences sexuelles. Sans aucun doute, le débat auquel je souhaite contribuer vient d’être lancé.
-
[5]
Beauvoir, Simone de. Le Deuxième Sexe. 2 volumes. Paris, Éditions Gallimard, 1949.
-
[6]
Millet, Kate. Sexual Politics. New York, Doubleday, 1970.
-
[7]
Brownmiller, Susan. Against Our Will. Men, Women and Rape. New York, Ballantine Books, 1975. Il y a aussi l’article décisif de Susan Griffin. « Rape : The All-American Crime ». in Ramparts Magazine septembre, (1971), 29. Ainsi que le livre de la sud-africaine Diana Russel The Politics of Rape. The Victim’s Perspective. New York, Stein and Day, 1974. Elle aurait proposé le terme « féminicide ».
-
[8]
Lesselier, Claudie. « Les regroupements de lesbiennes dans le mouvement féministe parisien : positions et problèmes, 1970-1982 », sous la direction du Groupe d’Études Féministes, 87-103. Paris, Éditions Tierce, 1991.
-
[9]
Foucault, Michel. « La loi de la pudeur » (entretien avec J. Danet, avocat au barreau de Nantes, P. Hahn, journaliste à Gai Pied, et G. Hocquenghem, Dialogues, France-Culture, 4 avril 1978), in Recherches, n° 37 : Fous d’enfance, avril 1979, p. 69-82. Dits et écrits III, texte n° 263.
-
[10]
Plaza, Monique. « Nos dommages et leurs intérêts ». in Questions Féministes 3, no natur-elle-ment (mai) (1978), 93-103. Dans la traduction anglophone de ce texte, elle ajoute au titre « The Will not to know of Michel Foucault ».
-
[11]
Cahill, Ann J. Rethinking Rape. Ithaca NY, Cornell UP, 2001.
-
[12]
Foucault, Michel. Histoire de la sexualité, trois tomes. Coll. « Bibliothèque des histoires », Paris, Éditions Gallimard, 1976 & 1984. MacKinnon, Catharine. Toward a Feminist Theory of the State. Cambridge, Harvard UP, 1989, chap. 7, p. 126ff.
- [13]
-
[14]
C’est bien pour cela que Camille Pagila appelait les femmes à prendre le risque du viol au lieu de se laisser enfermer dans la vision claustrophobe de la culture du viol. Voir aussi à ce propos Despentes, Virginie. King Kong Théorie. Paris, Éditions B. Grasset, 2006.
-
[15]
Sauer, Birgit. « Geschlechterspezifische Gewaltmäßigkeit rechtsstaatlicher Arrangements und wohlfahrtsstaatlicher Institutionalisierungen. Staatsbezogene Überlegungen einer geschlechtersensiblen politikwissenschaftlichen Perspektive », in Gewalt-Verhältnisse. Feministische Perspektiven auf Geschlecht und Gewalt, sous la direction de Regina-Maria Dackweiler et Reinhild Schäfer, 81-106. 2002.
-
[16]
Erika Leonard James, Fifty Shades of Grey, New York, Vintage Books, 2012. L’adaptation filmique en 2015 par Sam Taylor-Wood pour Universal Pictures a été pareillement un grand succès commercial.
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[17]
Pour une bonne analyse féministe du masochisme féminin, mais aussi de l’occurrence des phantasme de viol chez les femmes voir Benjamin, Jessica. « The Bonds of Love : Rational Violence and Erotic Domination », in Feminist Studies 6, n° 1 (1980), p. 144-174.
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[18]
Freud, Sigmund. « Das ökonomische Problem des Masochismus », in Gesammelte Werke 19201939. en ligne : textlog.de, 1924.
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[19]
Rubin, Gayle. « The traffic in women », in Towards an anthropology of women, sous la direction de Rayna Reiter, Monthly Review Press, New York, 1975.
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[20]
Réage, Pauline. Histoire d’O, Paris, Éditions Jean-Jacques Pauvert, 1954. Une partie du « scandale » de la publication était le mystère autour du pseudonyme Pauline Réage : plusieurs ont soupçonné le « vrai » auteur d’être un homme. Quarante ans plus tard, Anne Duclos revendique avoir écrit le texte. Dans ce livre, une jeune journaliste rentre dans un cercle sadomasochiste en tant que « bottom », donc passive, et y retrouve une véritable vocation au point, à la fin, d’abandonner son humanité pour devenir une chose jetable.
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[21]
Andrea Dworkin. « Woman as Victim : “Story of O” », in Feminist Studies, Vol. 2, N°. 1 (1974), p. 107-111. Susan Griffin. « Sadomasochism and the Erosion of Self : A critical Reading of Story of O » in Linden, Robin Ruth, Darlene R. Pagano, Diana E. H. Russell, et Susan Leigh Star, éds. Against Sadomasochism : A Radical Feminist Analysis. Palo Alto, Frog In TheWell, 1982, p. 184-201.
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[22]
Duggan, Lisa, et Nan D. Hunter. Sex Wars. Sexual Dissent and Political Culture. 2nd éd. NYC, London, Routledge, 2006 ; Rubin, Gayle. « Blood under the Bridge : Reflections on “Thinking Sex” ». GLQ : A Journal of Lesbian and Gay Studies 17, n° 1 (2011), 15-48 ; Voir aussi le numéro 42(1) de la revue Signs « Pleasure and Danger : Sexual Freedom and Feminism in the Twenty-First Century ».
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[23]
Susan Griffin. Sadomasochism and the Erosion of Self, p. 187. Toutes les citations de l’anglais qui suivent sont traduites par moi. Can it matter if oppression and pain are chosen ? Feminists recognize that culture shapes desire. We know that we have “consented” to coercion, our minds have been shaped to that consent by years of a social conditioning which we never chose. And consider this. Consensual sadomasochism is a choice to limit one’s nature, to abbreviate freedom.
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[24]
Silverman, Kaja. « Histoire d’O. The Construction of a Female Subject », in Pleasure and Danger. Exploring Female Sexuality, sous la direction de Carole S. Vance, Boston, Routledge, 1984, p. 320-349.
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[25]
Silverman, Kaja. Histoire d’O, p. 323. Pour des analyses similaires en psychanalyse et psychologie concernant le masque voir Rivière, Joan. « Womanliness as a masquerade », in International Journal of Psychoanalysis 10, (1929), p. 303–313 ; Fanon, Frantz. Peau noire, masques blancs. Paris, Éditions du Seuil, 1952.
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[26]
Montrelay, Michèle. L’Ombre et le nom. Sur la féminité. Paris, Éditions de Minuit, 1977. Cité d’après Silverman. Many analyses take knowledge of the body to be automatically knowledge of one’s own person, and, where this is a sexed body, to be knowledge of oneself as a man or a woman. […] If the body exists in a number of ways for medical and legal practice […] then, clearly, there can be no one sexed body to bear the burden of individuality.
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[27]
Silverman, Kaja. Histoire d’O, p. 324-325 « The notion of anaclisis is also central to Lacan’s theory of the subject, within which desire, a cultural construct, derives sustenance from the drives, last vestige of the real. In an analogous way discursive bodies lean upon real ones ».
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[28]
Ibid. p. 345 « the discourse of pornography leans so hard upon real bodies that it transfers to them its structure and significance, a structure and significance which are then internalized in the guise of a complementary consciousness and set of desires. »
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[29]
Ibid. p. 346 « Histoire d’O. is more than Ox’s story. It is the history of the female subject – of the territorialization and inscription of a body whose involuntary internalization of a corresponding set of desires facilitates its complex exploitation. That history will never read otherwise until the female subject alters her relation to discourse – until she succeeds not only in exercising discursive power, but in exercising it differently.
- [30]
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[31]
Möser, Cornelia. « Sex Wars and the Contemporary French Moral Panic : The Productivity and Pitfalls of Feminist Conflicts. » in Meridians, vol. 16, n°. 1, 2018, p. 79–111.
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[32]
Sontag, Susan. « The Pornographic Imagination », in Styles of Radical Will, 205-233. New York, Farrar, Straus and Giroux, 1969.
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[33]
Benjamin, Jessica. « The Bonds of Love : Rational Violence and Erotic Domination ». in Feminist Studies 6, n° 1 (1980), p. 144-174 ou plus tard : Benjamin, Jessica. The Bonds of Love. Psychoanalysis, Feminism, and the Problem of Domination. New York, Pantheon Books, 1988.
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[34]
Pour Sontag, Hegel aurait été le dernier à oser une théorie globale sur la conscience humaine, projet toujours d’intérêt et non accompli pour elle.
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[35]
Il faut se rappeler aussi que son texte est écrit avant la grande massification de la pornographie visuelle qui date des années soixante-dix.
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[36]
Jessica Benjamin, The Bonds of Love, p. 42.Réage’s tale is a web in which the issues of dependency and domination are inextricably intertwined, in which the conflict between the desire for autonomy and the desire for recognition can only be resolved by total renunciation of self. It illustrates powerfully the principle that the root of domination lies in the breakdown of tension between self and other.
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[37]
Jessica Benjamin, The Bonds of Love, p. 42. Elusive spiritual or psychological satisfaction.
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[38]
Jessica Benjamin, The Bonds of Love, p. 45. For the secret of love is to be known as oneself.
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[39]
Jessica Benjamin, The Bonds of Love, p. 46. The assertion of one individual (the master) is transformed into domination ; the other’s (the slave’s) recognition becomes submission. Thus the basic tension of forces within the individual becomes a dynamic between individuals.
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[40]
Marcus, Sharon. « Fighting Bodies, Fighting Words. A Theory and Politics of Rape Prevention », in Feminists Theorize the Political, sous la direction de Judith Butler et Joan W. Scott. New York, London, Routledge, 1992.
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[41]
Pour plus sur cet héritage des mouvements féministes, voir Walkowitz, Judith. Prostitution and Victorian Society. Cambridge, Cambridge UP, 1980.