L’Europe des droits fondamentaux à l’épreuve du « limes » de ses États

1 – Introduction

1On peut considérer la deuxième moitié du dernier siècle, avec la fin des horreurs de la seconde guerre mondiale, comme le début de la lente construction d’un nouveau concept d’Europe. Non plus l’Europe comme lieu de genèse des conflits capables de se diffuser sur toute la planète ; mais l’Europe comme laboratoire conceptuel, comme « chantier » des solutions politiques et juridiques pour un nouvel équilibre, construit désormais autour des droits humains fondamentaux des individus. Les frontières mêmes de chaque communauté politique ont expérimenté un processus progressif d’assouplissement, d’harmonisation et, dans une zone géographique en expansion, d’ouverture.

2Toutefois, au cours de ces dernières années, l’Europe a retrouvé le rôle de point d’accostage et de terre de passage d’énormes flux migratoires d’individus provenant d’au-delà de son propre espace physique et politique. Ce sont des êtres humains qui vivent des situations de pauvreté, de guerre, de mort, et qui essaient de quitter ces lieux qui représentent l’exact opposé de l’Europe d’aujourd’hui. Lieux où l’État n’est pas garant, comme l’écrivait Hannah Arendt, de leur « droit d’avoir des droits », au contraire il y exerce « le droit de nier tout droit » aux individus. Par rapport à l’arrivée des migrants, aux problèmes complexes de gestion et de coordination d’un tel phénomène, il semble s’être produit un délicat conflit entre deux logiques : la première typiquement européenne, la logique des droits fondamentaux de chaque individu ; la seconde typiquement nationale, la logique du « limes », de la frontière nationale à protéger.

3À la lumière de ces considérations initiales, je voudrais présenter les résultats de ma réflexion selon une double articulation. Premièrement, je proposerai une analyse critique de la logique du « limes », à laquelle j’opposerai la logique des droits fondamentaux de chaque individu, c’est-à-dire des droits de l’homme. Deuxièmement, je soutiendrai la thèse selon laquelle l’adoption du langage normatif des droits fondamentaux a engendré une métamorphose irréversible de plusieurs concepts juridiques et politiques. En particulier, je focaliserai mon attention sur le concept de souveraineté, qui a historiquement créé une sorte de « constellation des catégories » comme celle de frontière étatique. À ce sujet, je proposerai deux façons différentes d’entendre la souveraineté étatique dans son rapport aux droits fondamentaux. La première : une souveraineté seulement limitée par les droits de l’homme. La seconde : une souveraineté fondée sur les droits de l’homme. Je souhaite démontrer qu’il faudrait soutenir cette seconde conception de la souveraineté et, par conséquent, repenser l’Europe d’une manière plus cohérente avec ses fondements.

2 – La logique du « limes » étatique

4Le phénomène des migrants a suscité dans la réflexion de ces dernières années une attention renouvelée pour le concept de « limite », de « frontière [2] ». On entend de plus en plus des expressions comme « frontières nationales », « périmètres des États », « limites internes et externes » de l’Europe. La réflexion croissante sur ce thème semble marquée par la tentative d’identifier l’usage instrumental et le dessein politique qui se cachent derrière l’utilisation d’un tel lexique de la part du pouvoir politique. Mais l’idée sur laquelle je voudrais attirer l’attention est celle du « limes », terme qui est utilisé avec grande insistance pour indiquer la « frontière protégée », la « ligne de défense » de l’État national. Comme point de départ, il me semble très important de considérer le limes dans sa configuration originelle dans le droit romain [3]. Il s’agit d’une brève, mais nécessaire opération d’« archéologie juridique et conceptuelle », indispensable pour comprendre une logique particulière que j’appellerai la « logique du limes ». Une logique inconsciemment sous-tendue dans l’usage de ce concept qui a été fait par certains États aussi hors de l’Europe.

5Comme Benjamin Isaac [4], Stuart Elden [5] et Wilhelm Kubitschek [6] l’ont observé, il est possible de tracer une ligne de développement du concept du « limes », qui est très débattu chez les romanistes. À l’origine, le concept de « limes » désignait l’espace qui devait être laissé libre entre deux champs contigus [7]. Ce terme est arrivé progressivement à désigner à l’époque impériale la ligne de frontière de l’Empire romain (et, en particulier, avec l’empereur Hadrien une borne défensive délimitée). Toutefois, cette idée de la frontière du domaine politique romain ne coïncide pas avec l’idée moderne d’un système organisé de frontières, fortifié, militarisé et fixe [8]. Comme l’a écrit Stuart Elden, le limes impérial séparait « what was Rome and what was not yet Rome [9] ». Le limes, donc, créait des zones caractérisées par une certaine fluidité et une forte vocation expansive.

6Au-delà de ces variations sémantiques dans la signification de l’idée, on peut identifier un élément qui marque l’identité du concept de limes originaire, cette ligne qui délimitait entre les champs contigus une distance obligatoire, un espace que personne ne pouvait s’approprier. Le limes, comme les enceintes de murs, les portes, le pomerium d’une ville, était au nombre des res sanctae[10] et, en tant que tel, il était indisponible dans le cadre du droit humain. Les res sanctae ne pouvaient pas être vendues ni transférées et elles étaient sous la protection de la divinité. Je voudrais souligner que j’ai utilisé le mot « saint » et non pas « sacré » parce que ces deux termes indiquaient deux concepts différents à l’origine. Si le limes, cette ligne qui séparait deux champs contigus, était une res sancta, au contraire, la condition de sacralité, la condition d’homme sacré (homo sacer), était acquise par celui qui commettait un acte très grave selon le droit romain ; un acte qui violait la pax deorum (la paix des divinités) ou la fides (la foi). Comme Luigi Garofalo [11] l’a expliqué à partir de la réflexion de Giorgio Agamben, la condition de « devenir sacré » est une « condition subjective » consécutive à certains actes et était bien réglée par le droit, « enveloppée dans le droit [12] ». C’est très intéressant de rappeler que, dans l’Antiquité, par exemple, un sujet devenait sacré pour avoir « levé ou déplacé les pierres de limite entre fonds, en violant une loi de Numa [13] ». Or celui qui est sacré peut être tué en toute impunité : il est expulsé, exilé, effacé de la société. Qui tue l’homo sacer, l’homme sacré, rend simplement à la divinité ce qui lui appartient déjà [14]. La sacratio (la procédure pour devenir sacré) et la condition de l’homme sacré représentent, donc, la punition liée à une action grandement répréhensible pour l’ordre juridique romain.

7Je crois que cette dialectique entre ce qui est saint, comme ligne de limite, et ce qui a acquis un caractère sacré comme conséquence de certaines actions répréhensibles peut nous aider à comprendre la logique contemporaine du limes. En fait, notre époque tend à utiliser les mots « sacré » et « saint » comme synonymes, pour indiquer grosso modo ce qui est inviolable, intouchable, intangible. Voilà que, au contraire, les grandes vagues de migrants révèlent un singulier paradoxe. Les frontières nationales, les limites de chaque État (ou ce qu’on appelle « le limes national ») sont considérées comme « sacrées » dans l’acception contemporaine, c’est-à-dire inviolables, infranchissables. Les migrants, cette humanité qui essaie de franchir cette limite, de forcer l’infranchissable, deviennent « sacrés » selon l’acception ancienne : ils deviennent une humanité « sacrifiable » à la raison politique qui gouverne aujourd’hui la logique du limes. En effet, bien qu’ils soient dans une condition humaine désespérée, les migrants ont tenté de violer ce qu’on prétend être encore inviolable. Voilà donc que leur vie peut être laissée sans protection sur des bateaux en pleine mer, une vie exposée au danger de la mort que comporte tout défi aux frontières, dans l’attente que les États souverains prennent leur décision. Toutefois, pour utiliser une catégorie bien développée par Giorgio Agamben, ils ne sont pas nuda vita, une vie nue : on sait que personne ne peut tuer délibérément les migrants. Ce qui est plutôt sacrifié d’abord, c’est la garantie de leur droit de continuer à vivre.

8Ce processus de sanctification des frontières et de sacralisation de ceux qui osent les défier (au nom de la simple condition humaine) identifie une dynamique très délicate concernant non seulement l’Europe, mais d’autres régions de la planète. Plus spécifiquement, cette logique sous-jacente au limes national révèle son caractère problématique, son caractère inacceptable si on la met en relation avec la logique à travers laquelle l’Europe s’est progressivement conçue à partir de la seconde moitié du siècle dernier : la logique des droits fondamentaux de chaque individu.

3 – La logique des droits fondamentaux

9La logique des droits fondamentaux de chaque individu est donc à un niveau tel d’opposition avec la logique du limes qu’elle représente une sorte de « contre-logique ». Dans une perspective théorico-normative, et en référence à l’État de droit, les droits fondamentaux configurent ce que Luigi Ferrajoli a décrit comme « la sphère de l’indécidable », c’est-à-dire la sphère de « ce qu’aucun pouvoir représentatif ne peut décider » et de « ce que chaque majorité politique doit fixer [15] » par des mesures spécifiques. L’importance des droits fondamentaux est ultérieurement soulignée par Luigi Ferrajoli : ils constituent des « fragments [16] » de la souveraineté populaire, réduite à leur simple « somme [17] ».

10Les droits fondamentaux représentent une référence normative de base pour l’Europe. Comme on le sait, l’Europe est allée bien au-delà de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui a suivi la Charte des Nations Unies [18]. Afin de modeler un nouveau concept d’Europe, les États européens ont voulu réaffirmer la centralité des droits fondamentaux de chaque personne à travers deux documents capitaux. Premièrement, dans le cadre du Conseil d’Europe, la Convention européenne des droits de l’homme en 1950, avec l’institution de la Cour européenne des droits de l’homme, c’est-à-dire une juridiction tierce par rapport à celle des États, où l’individu et l’État sont assis l’un en face de l’autre en condition de parité et où l’État peut être condamné [19]. Deuxièmement, dans le cadre de l’Union Européenne, la Charte des droits fondamentaux, signée à Nice en 2000, qui a ultérieurement affirmé la centralité de la catégorie des droits fondamentaux. Dans ces deux documents, le droit à la vie de chaque être humain, et par conséquent, le devoir de garantir cette vie, incombent aux États, figurent comme une sorte de « droit-fondement » de tous les autres droits qui sont énoncés.

11Pour comprendre en quoi consistent la logique des droits fondamentaux et la profondeur de cette logique, je voudrais proposer une lecture complémentaire. On pourrait penser aux droits fondamentaux de chaque individu, aux droits humains fondamentaux, comme à un langage. Et, si l’on pense spécifiquement à l’Europe, comme au langage commun de l’Europe.

12S’il est bien difficile d’établir quelle est la langue commune aux États européens, il n’est pas si difficile d’identifier le langage commun européen ; ou plus précisément encore, le langage qui a modelé le concept d’Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui : le langage des droits fondamentaux. Un langage que l’on peut qualifier de performatif. Mais, en quoi consiste cette « performativité » du langage normatif des droits fondamentaux ? Le langage des droits de l’homme est performatif en ce sens que son adoption implique une reconfiguration partielle ou totale de certains concepts également fondamentaux ; des concepts sur lesquels on a traditionnellement structuré nos organisations politiques et juridiques. En d’autres termes, plus les droits fondamentaux sont nommés, affirmés, cristallisés, plus ils vident de l’intérieur des concepts déterminés et les transforment, en nous obligeant à les repenser ou même à les abandonner. Et il y a un concept, qui plus que tout autre, a subi et subit une métamorphose irréversible grâce à l’action performative des droits de l’homme : l’idée de souveraineté. C’est justement au regard de cette idée que j’essaierai d’analyser les effets performatifs de la logique des droits humains fondamentaux.

4 – La performativité des droits de l’homme sur le concept de souveraineté

13On peut déterminer deux niveaux différents de performativité du langage des droits fondamentaux sur le concept de souveraineté : à un premier niveau, les droits de l’homme constituent une limite à la souveraineté étatique ; à un second niveau, les droits de l’homme deviennent le fondement de la souveraineté étatique.

14À un premier niveau, le langage des droits de l’homme agit normativement sur le périmètre, l’extension, les limites de la souveraineté. On pourrait résumer ce premier effet performatif avec la formule suivante : les droits de l’homme comme limite à la souveraineté étatique. Joseph Raz s’est exprimé en ces termes : les droits de l’homme posent des limites à la souveraineté de l’État car, a-t-il expliqué, ils représentent des motifs qui justifient, dans certains conditions, l’intervention de la communauté internationale pour mettre fin à leur violation [20].

15Ce premier niveau de performativité des droits de l’homme concerne le système international en général, un système qui s’est structuré à partir de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Dans le cadre d’un tel système, la dimension des devoirs et surtout des responsabilités de l’État s’est ajoutée à la dimension des droits souverains de chaque État, découlant de leur égalité dans le système international. Et c’est précisément le concept de responsabilité de l’État qui est progressivement devenu central au sein de la communauté internationale. Témoignage de cette centralité est la doctrine de la « responsibility to protect[21] », la responsabilité de protéger (titre du rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États, qui a été instituée par le gouvernement canadien en 2000), rappelée plus ou moins explicitement dans différentes résolutions. Dans ce cas, la souveraineté des États s’identifie à la responsabilité de chaque État, et un État qui systématiquement ne respecte pas les droits humains inviolables crée les conditions pour l’intervention de la communauté internationale à l’intérieur de sa sphère souveraine. Par conséquent, la souveraineté n’exprimait plus une sorte de « bouclier de défense » qui protège l’État dans ses actions, mais plutôt, comme diraient les juristes, elle exprime un critère d’attribution de la responsabilité à des sujets étatiques.

16Derrière cette première reformulation d’une souveraineté limitée par les droits de l’homme se cache une question théorique fondamentale : quelle conception de la souveraineté sousentendons-nous en affirmant que les droits de l’homme représentent uniquement des limites ? Il me semble qu’on sous-entend toujours cette notion traditionnelle de souveraineté désignée habituellement par l’expression « souveraineté westphalienne ». En faisant référence à la Paix de Westphalie de 1648 et à la stabilisation du modèle d’État-Nation au niveau européen, ce modèle de souveraineté implique que l’État, bien enraciné dans son territoire délimité par ses frontières, décide souverainement de se limiter par rapport aux individus et aux autres États ; un « État gardien » de son droit à faire prévaloir ses intérêts nationaux, et ceux de son peuple ; en conclusion, un État qui garde son droit à dire « non » face aux besoins essentiels des non-citoyens. Cette modalité de concevoir la souveraineté étatique semble avoir réémergé de manière plutôt évidente dans le contexte européen avec la question des migrants. En effet, certains États européens continuent de se référer à leur propre souveraineté en termes profondément westphaliens : il y a un territoire national qui doit être défendu contre les dangers extérieurs ; les frontières et les ports peuvent être souverainement fermés ; avant tout, il y a les intérêts du peuple, ou la sécurité de la Nation menacée par l’arrivée de personnes provenant d’au-delà de l’espace politique européen. Il y a la puissance de la décision souveraine dans toutes ses nuances.

17Il ressort de toutes ces considérations que cette première logique des droits fondamentaux, comme limite à un pouvoir posé a priori comme illimité, n’ébranle pas la souveraineté étatique. Dans cette perspective les droits fondamentaux peuvent seulement assouplir ou, comme l’a écrit Mireille Delmas-Marty, « affaiblir [22] » la souveraineté ; on pourrait dire que la logique des droits de l’homme essaie de limiter la « charge déshumanisante » de la souveraineté étatique, mais sans mettre en discussion le fait que le dernier mot appartient à l’État. Comme l’a écrit Jean Cohen, la signification juridique internationale des droits de l’homme est de « prévenir et modérer l’abus de pouvoir et des prérogatives » liés à la modalité avec laquelle la souveraineté est « constituée et distribuée [23] » dans l’ordre international. Mais alors, nous pouvons nous demander ceci : le fondement ou la base de la protection des droits fondamentaux de chaque être humain consiste-il uniquement dans les traités, dans les accords entre les États comme sujets souverains, dans leur bonne volonté à choisir de se limiter ou non, en se réservant la possibilité d’agir différemment ?

18Ces considérations nous obligent à examiner le second niveau de performativité du langage des droits de l’homme. Ce second niveau ne peut pas être généralisé ni appliqué globalement. Toutefois, on peut l’appliquer spécifiquement au contexte européen et au concept d’Europe qui l’a structuré. On pourrait résumer ce second effet performatif avec la formule suivante : les droits de l’homme non seulement comme limite, mais plutôt comme fondement de la souveraineté étatique. L’Europe est le contexte géopolitique de naissance de l’idée de souveraineté ; le contexte où cette idée s’est développée et a progressivement changé. En d’autres termes, l’Europe est le laboratoire conceptuel par excellence de la souveraineté mais aussi de ses métamorphoses. Cependant un étrange paradoxe concerne l’Europe contemporaine ; un paradoxe qu’Étienne Balibar exprimait dans les termes suivants : « la notion typiquement européenne de souveraineté, produit séculaire de l’histoire de l’Europe dans laquelle se rencontrent la constitution du peuple et celle de l’État, se révèle inapplicable à l’Europe elle-même [24] ». Dans la perspective de notre réflexion, la notion typiquement européenne de souveraineté se révèlerait-elle incompatible avec l’Europe des droits fondamentaux ? Il nous faudrait donc concentrer nos efforts pour redéfinir cette souveraineté étatique d’une toute autre manière.

19Il existe, en effet, une logique latente et inexprimée derrière le concept d’Europe, une logique qui s’est progressivement élaborée pendant ces soixante-dix dernières années, dans un premier temps avec la Convention européenne des droits de l’homme et l’institution de la Cour européenne des droits de l’homme, puis avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Il ne me semble pas que cette logique latente du système européen de protection des droits fondamentaux soit véritablement la logique de la limite, celle d’une sorte d’espace de collision entre la personne et l’immense pouvoir de l’État ; ou encore l’image de la berge d’un fleuve qui limiterait un pouvoir intrinsèquement illimité qui existe indépendamment des droits fondamentaux. En revanche, je crois que la logique européenne de protection des droits de l’homme relèverait en vérité de la logique du fondement, c’est-à-dire celle d’une orientation contraignante pour chaque action engageant le pouvoir de l’État souverain. Dans ce sens, les droits fondamentaux de chaque individu auraient une fonction génétique, ou chromosomique, dans la souveraineté des États européens depuis la seconde moitié du dernier siècle. Les droits de l’homme ne seraient pas le lieu du conflit entre les droits de l’individu et le pouvoir sans limites de l’État : avant tout ils seraient le lieu de la fondation de ce pouvoir. Et de fait, cette logique des droits de l’homme implique que tout individu, et pas seulement le citoyen, est dans une nouvelle relation avec l’État.

20Cette idée d’entendre les droits de l’homme comme fondement de la souveraineté étatique se situe dans le prolongement de l’enseignement de Norberto Bobbio [25], de Luigi Ferrajoli [26], de tous ces philosophes, juristes, historiens, politistes qui considèrent les droits fondamentaux comme le fondement même de l’État de droit européen basé sur des constitutions rigides. En particulier, affirmer que les droits de l’homme sont le fondement de la souveraineté étatique en Europe signifierait transposer le noyau essentiel de la théorie de l’État de droit au niveau de la théorie de la souveraineté. En même temps, cette idée implique de garder le concept de souveraineté, sans l’abandonner ou sans s’en débarrasser en raison de la valeur sémantique qui est la sienne et de son rôle par rapport à la configuration même de l’État. Ce serait une tentative de « réhabilitation » et de redéfinition de la souveraineté, refusant de manière nette et radicale la tendance qui a réémergé dans ces dernières années et surtout durant ces derniers mois : utiliser le concept de souveraineté étatique pour exercer un pouvoir arbitraire, spécialement envers ceux qui ne font pas partie « de plein droit » d’une communauté nationale, comme les migrants.

21À bien des égards, nous pourrions articuler l’idée que les droits de l’homme sont le fondement de le souveraineté étatique dans le cadre européen selon une triple direction : fondement comme enracinement ; fondement comme justification ; fondement comme soutien.

22Dans la première direction (fondement comme enracinement) les droits de l’homme ancrent la logique pure de pouvoir et de la « décision sans appel » de l’État, typique de la souveraineté westphalienne, dans la logique du droit positif ; un droit, comme nous l’a appris Hans Kelsen, qui se limite et s’autolimite grâce à des procédures et des contrôles démocratiques établis à travers des constitutions rigides.

23Dans la deuxième direction (fondement comme justification) les droits de l’homme justifient le pouvoir souverain, ils lui donnent une justification nouvelle et cohérente : les droits de l’homme, autrement dit, représentent la « raison d’être » de l’existence d’un pouvoir tellement grand, tellement délicat et envahissant de l’État envers l’homme, dont il est difficile de nier l’existence. Les droits de l’homme réaffirment réaffirmentles raisons pour lesquelles l’État existe et résiste, c’est-à-dire la raison pour laquelle cette forme d’organisation politique, historiquement possible mais non nécessaire, pourrait être encore fondamentale. Dans ce cas, la souveraineté se délégitimerait si elle était séparée des droits de l’homme. S’il est vrai, comme Ruth Rubio-Marin l’a écrit, que « les états reçoivent leur légitimité de la protection des droits de l’homme [27] » au niveau international, cela est encore plus vrai dans le contexte européen, où la distinction entre souveraineté interne et externe des États est plus nuancée et où il y a une certaine perméabilité entre ce que l’État fait à son intérieur et comment l’État se comporte envers ses pairs. Considérons, par exemple, le cas de la Turquie et sa demande d’adhésion à l’Union Européenne. Il faut vérifier que le niveau de protection et de tutelle des droits fondamentaux est suffisamment élevé et en ligne avec les « standards » européens dans le domaine de la souveraineté interne. Voilà un exemple paradigmatique de la valeur instrumentale de la souveraineté, toujours « un moyen pour une fin » et jamais une fin elle-même, parce que, comme l’a écrit Bertrand Badie, « la souveraineté perd de son sens dès lors qu’elle est séparée des principes sur lesquels elle repose [28] ».

24Dans la troisième direction (fondement comme soutien), les droits de l’homme ont la fonction de soutien inéliminable de l’architecture juridique de l’État constitutionnel européen. Si on réduisait les droits fondamentaux universels aux seuls droits fondamentaux des citoyens de chaque État, alors, la souveraineté du modèle européen d’État constitutionnel s’émietterait et entraînerait la création d’un autre type d’État. Dans ce sens, autant les droits de l’homme sont à la fois fondement et limite constructifs des États européens, autant, comme Luigi Ferrajoli l’a bien exprimé [29], les droits fondamentaux sont fondement et limite constitutifs du modèle de l’État constitutionnel : dans cette perspective la limite, si elle est bien entendue et déclinée, conduit donc au fondement. Les États européens, alors, ne décident pas de s’autolimiter souverainement pour respecter les droits de l’homme : ils ne peuvent pas agir autrement parce que s’évanouirait leur identité politique et juridique même.

25Nous nous demandons, donc, comment définir ce modèle de souveraineté européenne fondé sur les droits de l’homme ? Est-ce qu’il s’agit encore d’une souveraineté westphalienne, territoriale, nationale, seulement assouplie ou orientée vers des nobles finalités ? Aucunement : il s’agit d’une souveraineté différente, une « souveraineté solidaire » comme plusieurs savants et politiciens européens l’ont bien souligné. Rappelons le préambule de la Charte Européenne des droits fondamentaux : « l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ». Il s’agit, alors, d’une souveraineté solidaire qui s’exprime en dynamiques multiniveaux : horizontalement solidaire entre États à l’intérieur de l’Europe, mais pas nécessairement et seulement entre pays européens ; verticalement solidaire, entre État et individus, et pas seulement entre chaque pays européen et les citoyens européens. Dans cette expérimentation européenne, dans cette logique latente et encore inexprimée que j’ai évoquées auparavant, il y a probablement une forte exigence qu’on peut retrouver dans le débat contemporain : désindividualiser les droits fondamentaux, récupérer leur dimension « communautaire », leur dimension réellement solidaire, comme droits dont chacun est incontestablement titulaire, mais dans l’intérêt de tous. Et la souveraineté étatique ainsi interprétée constituerait un dispositif très efficace pour renforcer l’appartenance à la même « famille humaine », en attribuant l’effort de la protection et la reconnaissance de ces droits entre les différentes communautés politiques nationales. Bertrand Badie, de nouveau, a bien souligné le fort appel à la « transcendance [30] » qui est présent dans l’idée de souveraineté. À la lumière des droits fondamentaux de chaque individu, je crois que cet appel à la transcendance implique la perspective suivante : transcender, non abandonner, leur dimension individuelle et personnelle et valoriser leurs implications au niveau collectif, communautaire, liées à la condition humaine même.

5 – Considérations conclusives

26Une fois reconstruits les deux niveaux de transformation de l’idée de souveraineté opérée par le langage des droits fondamentaux de chaque individu, et une fois soulignées les raisons pour affirmer une souveraineté étatique fondée sur et pas seulement limitée par les droits fondamentaux, je voudrais revenir à mon point de départ : les migrants [31]. Je suis bien conscient que les migrations sont des phénomènes très articulés et pluridimensionnels. Elles ont mis plusieurs fois à l’épreuve la logique des droits fondamentaux par rapport, par exemple, au problème des ressources économiques, à leur caractère limité. Toutefois, il y a quelque chose de bien plus radical et profond dans le phénomène auquel on assiste ces derniers mois. À ce propos, il y a deux questions conclusives qui me permettent de faire le point sur le parcours de réflexion présenté. Première question : qu’est-ce que les migrants représentent par rapport aux différentes logiques dont j’ai parlé ? On pourrait répondre en disant qu’ils représentent une occasion précieuse pour mettre à l’épreuve aussi bien la protection effective des droits fondamentaux que la cohérence globale d’un certain modèle ou concept d’Europe. Mais il y a une seconde question qui nous permet de résumer plusieurs aspects de ma réflexion : quelles sont les dimensions de la souveraineté que les migrants ont expérimentées, dans leur condition humaine désespérée ? À bien des égards, les migrants ont expérimenté les deux dimensions essentielles de la souveraineté : l’espace et le temps. Dans ces deux dimensions est souvent apparue non pas la logique latente d’une souveraineté fondée sur les droits de l’homme, mais au contraire la logique de puissance de la décision westphalienne, qui montre avec quelle facilité l’État peut ignorer les droits fondamentaux.

27Les migrants ont expérimenté d’abord la dimension spatiale de la souveraineté, ils ont défié les espaces de la souveraineté et leur logique. Comme je l’ai souligné au début, l’espace est la dimension la plus ancrée de la souveraineté étatique. La dimension spatiale de la souveraineté se décline à travers la catégorie du territoire national, véritable « extension spatiale [32] » de cette souveraineté selon Stuart Elden. Toutefois, il ne s’agit pas seulement de la logique du limes, des espaces nationaux protégés, qui implique les migrants dans « la dynamique du sacré et du sacrifiable ». La dimension spatiale de la souveraineté est également utilisée pour effacer la logique des droits fondamentaux. En empêchant les migrants d’arriver sur le territoire d’un État européen, en bloquant les bateaux en pleine mer, en fermant les ports, l’État les prive de la possibilité d’exercer leur droit d’asile, ce que Hannah Arendt définissait comme « le seul droit qui ait jamais figuré comme symbole des Droits de l’homme dans le domaine des relations internationales [33] ». En faisant cela, l’État montre la profonde « asymétrie [34] » du droit à migrer, comme l’a bien signalé Tullio Scovazzi. Et quand le migrant réussit à arriver, sa vie est immédiatement bureaucratisée, « administrativisée », elle devient objet d’une quantification unitaire et de groupe, passée à travers le « tamis souverain » des procédures, des distributions. Aujourd’hui, on peut parler ici d’un « limes européen » comme simplement la somme des frontières nationales. Différemment, il y aurait du sens à parler d’un « limes europaeus » qui renverse la logique du sacré et du sacrifiable : c’est-à-dire un limes qui soit toujours sacrifiable et jamais sacré, ou inviolable, par rapport à la garantie du droit à la vie de chaque être humain qui essaie de le franchir par désespoir ou nécessité.

28Mais les migrants ont expérimenté aussi la dimension temporelle de la souveraineté. La souveraineté se décline toujours dans l’exercice de prérogatives souveraines qui appartiennent aux différents pouvoirs de l’État : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Chacun de ces pouvoirs possède des temporalités différenciées dans l’exercice de ses prérogatives propres, et des temporalités radicalement différentes dans la prise de décision. L’exécutif est le pouvoir dont l’efficacité est la plus immédiate : pensons aux prérogatives des ministres de l’intérieur et à la rapidité avec laquelle les frontières et les ports peuvent être fermés ou ouverts. En revanche, les temps du pouvoir judiciaire sont bien plus dilatés (sauf cas exceptionnels), parce qu’ils sont les temps de la vérification et de la recherche de la vérité. Voilà, alors, que les temps des pouvoirs de l’États entrent en collision avec les temps de la vie biologique d’un migrant : combien de temps un migrant peut-il résister en attendant que les États décident du sort du bateau où il se trouve ? De combien de temps a besoin un tribunal pour établir si la dignité du migrant a été violée par un État ? Dans quelle mesure les temps de la souveraineté prennent-ils en considération le temps de la vie des êtres humains ?

6 – Congé

29En 1987 Edgar Morin publiait un livre intitulé Penser l’Europe, le titre même de la résidence de recherche qui m’a été attribuée. Dans l’épilogue de ce livre, Morin écrivait : « Nous devons nous réenraciner dans l’Europe pour nous ouvrir au monde comme nous devons nous ouvrir au monde pour nous réenraciner dans l’Europe [35] ». Je n’ai pas trouvé de mots plus appropriés pour conclure ma réflexion.

30J’espère avoir montré qu’il y a déjà plusieurs moyens conceptuels, juridiques et politiques pour voir les droits dont chaque individu est porteur comme racines et non comme limites au concept d’Europe. Un concept d’Europe qui va bien au-delà de l’Europe même et qu’il nous reste à construire encore, sur la base de cette logique latente et inexprimée dont on doit déployer encore toutes les potentialités [36].

Notes

  • [1]
    Ce texte a été présenté le 26 septembre 2018 à la Maison Heinrich Heine de la Cité internationale universitaire de Paris lors de la conférence de clôture de la résidence de recherche Penser l’Europe 2018, créée par le Collège international de philosophie de Paris et la Maison Heinrich Heine - Fondation de l’Allemagne.
  • [2]
    Pour une utile reconstruction avec de nombreuses références bibliographiques concernant la littérature scientifique récente voir V. Verdolini, « Quale spazio per i diritti ? Dispacci sul confine », in Rivista di Filosofia del diritto (Journal of Legal Philosophy), 1, 2018, p. 51-71.
  • [3]
    Je voudrais exprimer ma gratitude à Mme Chiara Buzzacchi pour l’échange intellectuel et les précieuses indications conceptuelles reçues, en particulier, à propos des catégories juridiques des « res sanctae » et « limes » dans le droit romain.
  • [4]
    Voir B. Isaac, « The meaning of the Terms Limes and Limitanei », in The Journal of Roman Studies, 78, 1988, p. 125-147. En particulier, l’auteur retrace le développement chronologique du terme. Toutefois, il faut préciser que Isaac observe de façon critique que « Hadrian’s wall in Britain is never referred to as a limes » (p. 131).
  • [5]
    Voir S. Elden, The Birth of Territory, Chicago and London, The University of Chicago Press, 2013, en particulier p. 82-95.
  • [6]
    Voir W. Kubitschek, « Limes », in Enciclopedia Italiana, Treccani, 1934.
  • [7]
    Voir L. Capogrossi Colognesi, Storia di Roma tra diritto e potere : la formazione di un ordinamento giuridico, Bologna, il Mulino, 2014 ; U. Vincenti, Categorie del diritto romano. L’ordine quadrato, Napoli, Jovene, 2014.
  • [8]
    En ces termes voir A. Schiavone, « Limes. La politica dei confini dell’Impero romano », in C. Altini, M. Borsari (sous la direction de), in Frontiere : Politiche e mitologie dei confini europei, Modena, Cooptip Industrie Grafiche, Fondazione Collegio San Carlo, 2008, p. 27-39.
  • [9]
    S. Elden, op. cit., p. 92.
  • [10]
    À ce propos, dans le contexte français je me permets de rappeler les recherches de Yan Thomas sur la « constitution juridique des choses » dans le droit romain. En particulier voir Y. Thomas, « La valeur des choses », in Annales. Histoire, Sciences Sociales, 6, 2002, p. 1434-1462.
  • [11]
    Voir L. Garofalo, Studi sulla sacertà, Padova, Cedam, 2005 et G. Agamben, Homo Sacer. Il potere sovrano e la nuda vita. Einaudi, Torino, 2005.
  • [12]
    L. Garofalo, op. cit., p. 162 (nous traduisons).
  • [13]
    Ivi, p. 107.
  • [14]
    Dans les mêmes termes voir K. Kerényi, La Religione antica nelle sue linee fondamentali, Roma, Astrolabio, 1951, p. 76, cité dans G. Agamben, op. cit., p. 81.
  • [15]
    L. Ferrajoli, La Democrazia attraverso i diritti, Roma-Bari, Laterza, 2013, p. 80 (nous traduisons).
  • [16]
    Ivi, p. 79.
  • [17]
    Voir aussi L. Ferrajoli, Principia iuris, 2. Teoria della democrazia, Roma-Bari, Laterza, 2007, p. 9 sq.
  • [18]
    En dehors de l’Europe il est important au moins de mentionner deux systèmes ultérieurs régionaux de protection des droits de l’homme : le système interaméricain fondé sur la Convention américaine relative aux droits de l’homme (1969), à laquelle la Cour interaméricaine des droits de l’homme est liée ; le système africain fondé sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981), qui prévoit la juridiction de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme.
  • [19]
    Voir V. Zagrebelsky, R. Chenal, L. Tomasi, Manuale dei diritti fondamentali in Europa, Bologna, Il Mulino, 2016.
  • [20]
    Dans la version originale : « rights which set limits to the sovereignty of States, in that their actual or anticipated violation is a (defeasible) reason for taking action against the violator in the international arena, even when […] the action would not be permissible, or normatively available on the grounds that it would infringe the sovereignty of the state » (J. Raz, Human Rights without foundations, in S. Besson, J. Tasioulas, The Philosophy of International Law, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 328). L’auteur souligne ultérieurement la fonction des droits de l’homme en parlant de « rights against States » (p. 329).
  • [21]
    Cette doctrine est très débattue dans le milieu académique, et surtout chez les juristes, pour l’« usage instrumental » auquel elle peut prêter.
  • [22]
    M. Delmas-Marty, Le Relatif et l’universel. Les forces imaginantes du droit, 1, Éditions du Seuil, Paris, 2004, p. 72.
  • [23]
    J. L. Cohen, Rethinking Human Rights, Democracy, and Sovereignty in the Age of Globalization, in Political Theory, vol. 36, 4, 2008, p. 595 (nous traduisons). Voir aussi P. Macklem, The Sovereignty of Human Rights, Oxford, Oxford University Press, 2015, qui souligne la fonction d’équilibre des droits de l’homme, comme « digue » à l’exercice illimité de la souveraineté étatique. Pour une perspective globale sur les droits de l’homme voir également S. Besson, « Human Rights and Democracy in a Global Context : Decoupling and Recoupling », in Ethics & Global Politics, 4, 1, p. 19-50.
  • [24]
    É. Balibar, Nous, citoyens d’Europe ? Les frontières, l’État, le peuple, Paris, Éditions de la Découverte, 2001, p. 259.
  • [25]
    À ce propos, dans sa bibliographie immense voir, par exemple, N. Bobbio, L’Età dei diritti, Torino, Einaudi, 1990.
  • [26]
    Ferrajoli écrit : « le fondement de l’état constitutionnel s’identifie » à « la stipulation des droits fondamentaux grâce au pacte constituant » (L. Ferrajoli, La Democrazia attraverso i diritti, p. 79, nous traduisons).
  • [27]
    R. Rubio-Marin, « Introduction : Human Rights and the Citizen/Non-citizen Distinction Revised », in Id. (sous la direction de), Human Rights and Immigration, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 10 (nous traduisons).
  • [28]
    B. Badie, Un monde sans souveraineté, Paris, Éditions Fayard, 1999, p. 107.
  • [29]
    Voir en particulier L. Ferrajoli, Principia iuris, Teoria del diritto e della democrazia, Roma-Bari, Laterza, 2007 (trois volumes). Dans cet ouvrage monumental on peut trouver une théorie systématique du droit et de la démocratie construite autour de la catégorie des droits fondamentaux.
  • [30]
    Voir B. Badie, Un monde sans souveraineté.
  • [31]
    En ce qui concerne le contexte français, mais aussi au-delà de ce périmètre, voir les réflexions de M. Macé, Sidérer, considérer. Migrants en France, 2017, Lagrasse, Éditions Verdier, 2017.
  • [32]
    « Spatial extent » (S. Elden, op. cit., p. 329).
  • [33]
    H. Arendt, « Le déclin de l’État-Nation et la fine des droits de l’homme », in Id., Les Origines du totalitarisme, Eichmann à Jérusalem, Paris, Éditions Gallimard, 2002, p. 578.
  • [34]
    Voir T. Scovazzi, « Human Rights and Immigration at the Sea », in R. Rubio-Marin (sous la direction de), Human Rights and Immigration, p. 212-260.
  • [35]
    E. Morin, Penser l’Europe, Éditions Gallimard, Paris, 1987, p. 202.
  • [36]
    Je voudrais remercier les prestigieuses institutions organisatrices de la résidence de recherche « Penser l’Europe » 2018 : le Collège international de philosophie de Paris, en la personne de la présidente de l’Assemblée collégiale Mme Isabelle Alfandary, et la Maison Heinrich Heine, en la personne de sa directrice Mme Christiane Deuissen. Je voudrais témoigner ma gratitude aux grands érudits auxquels je me suis confronté et qui m’ont adressé plusieurs remarques et conseils. En particulier je remercie Patrizia Borsellino, Chiara Buzzacchi, Thomas Casadei, Alessandro Ferrari, Daniele Ferrari, Philippe Portier, Claude Proeschel, Patrice Rolland, Silvia Salardi. Un remerciement particulier va à Martine Cohen pour les critiques constructives, les conseils pédagogiques et l’incitation à aller « à l’essentiel des choses ».