Diagnostics critiques. Maladies et pathologies sociales dans la Théorie critique de l’École de Francfort
1 Lorsqu’ils s’inscrivent dans la continuité de la « première » École de Francfort, les penseurs contemporains soulignent la spécificité de la méthode critique et mettent en avant sa fonction de diagnostic, et en particulier de diagnostic des pathologies sociales. En effet, la première génération de la Théorie critique se revendique de Hegel et entend procéder à un « diagnostic du temps présent ». Plus précisément, elle entend assumer sa propre historicité non dans le cadre de l’idéalisme hégélien, mais à travers les liens qu’elle établit « avec les savoirs positifs qui prennent déjà ce même présent pour objet et se consacrent à son exploration empirique [1] ». C’est de cette méthode « diagnostique critique » que les successeurs de Horkheimer puis d’Adorno font un usage renouvelé. Jürgen Habermas analyse par exemple les perturbations de la communication [2] et plus généralement les pathologies de la reproduction du monde vécu [3]. Avec Axel Honneth puis Rahel Jaeggi, la théorie critique tend à assumer la forme d’une philosophie sociale dont la spécificité, par contraste avec des formes plus normatives de philosophie politique [4], est le « diagnostic » des évolutions pathologiques ou manquées du social.
2 Comme Axel Honneth l’a souligné [5], ces analyses récentes témoignent d’une certaine continuité avec la démarche qui était celle d’Adorno et de Horkheimer, celle d’une critique négativiste qui part du diagnostic de « ce qui ne va pas » pour dessiner les contours d’une autre société. Mais une telle continuité demande à être interrogée, car d’une part, il existe une pluralité de diagnostics dans la tradition critique et de multiples manières de saisir les pathologies sociales [6]. D’autre part, si l’on s’attache aux termes mêmes dans lesquels la théorie critique de la première génération est énoncée, le vocabulaire de la pathologie sociale et des évolutions manquées est absent : le mal social est plutôt identifié, chez Horkheimer et Adorno notamment, à la barbarie ou à l’irrationalité. Pour interroger les usages de la méthode critique du diagnostic des pathologies sociales, on tentera donc de saisir l’écart entre les problématisations de cette question par la première génération et par les suivantes, et on étudiera la manière dont ces analyses peuvent contribuer à la problématisation des « pathologies sociales ».
I – Une pluralité de conceptions des pathologies sociales
Adorno : la maladie du tout, un paradigme de pathologie sociale ?
3 Le terme de pathologie est quasiment introuvable chez Adorno. Et pourtant, ces dernières années, c’est à travers le prisme honnéthien des « pathologies sociales » et de la « pathologie sociale de la raison » que s’est largement opérée la réception de la pensée d’Adorno. Honneth reconstruit dans un cas une filiation rousseauiste et nietzschéenne de la Théorie critique conçue comme diagnostic des amenuisements de la réalisation de soi dans la modernisation capitaliste, filiation au sein de laquelle Adorno et Horkheimer occupent une place spécifique, avec la dialectique de la raison : c’est le « totalitarisme potentiel » qui est « le germe de toutes les pathologies sociales de la société moderne [7] ». Dans le second cas, Honneth met l’accent sur la connexion entre raison et histoire qui définit la Théorie critique, celle-ci devant reconstruire le processus de déformation historique de la raison [8]. Ce qui, dans l’analyse adornienne, est retenu par Honneth, ce sont les traces d’un intérêt subjectif à la pleine réalisation de la raison, empêché par les conditions sociales, et perçant notamment dans les expériences de souffrance.
4 Adorno lui-même évoque les maux sociaux en parlant de malaise, ou encore d’irrationalité ou de conditions fausses [9]. Il ne parle pas de « pathologies de la raison », mais il diagnostique, avec Horkheimer, une « maladie de la raison ». Le vocabulaire de la maladie est tout à fait central chez Adorno, en lieu et place de celui de la pathologie sociale (prise ici même au sens de l’état pathologique et non de la science). On peut rendre sensible la différence entre les deux termes si l’on a à l’esprit les analyses de George Canguilhem sur le normal et le pathologique, selon lesquelles le pathologique n’est pas seulement le normal aux variations quantitatives près – Canguilhem critique ce dogme positiviste. Parler de pathologie, c’est se référer à une déviation par rapport au normal ; alors que parler de maladie suppose de saisir le phénomène au niveau de l’expérience subjective, et même de l’expérience du vivant [10]. La maladie est l’établissement d’autres normes (une « autre allure de la vie [11] »). L’insistance adornienne sur la maladie tient certainement à quelques-unes de ses sources philosophiques, Kierkegaard et sa maladie à la mort, ou encore Nietzsche (et peut-être d’autres figures, comme Georg Trakl dont le vers « comme tout ce qui devient a l’air malade » [Wie scheint doch alles Werdende so krank] est souvent cité). Mais elle pourrait tenir également à sa démarche critique elle-même qui cherche en permanence à saisir ce qui, dans la vie sociale et les rapports sociaux, entrave l’expérience subjective.
5 Dans ses écrits, Adorno s’attache à la manière dont les maladies individuelles traduisent les maux affectant les sociétés capitalistes contemporaines : la « personnalité autoritaire », ou d’autres formes d’endommagement [Beschädigung] de la vie reflètent des maux sociaux et politiques, sans doute parce qu’elles en découlent. Il faut donc envisager les différentes maladies individuelles sous la présupposition d’une idée de maladie du tout, qui est véritablement l’équivalent adornien des « pathologies sociales ». La maladie du tout est initialement pensée comme « maladie de la raison » pendant les années quarante avec Horkheimer [12] (la raison est en conflit avec elle-même, voire « s’autodétruit »), et plus largement, dans des écrits ultérieurs (par exemple « Superstition de seconde main »), comme fausse totalité ou système de folie.
Des individus affectés
6 Chez Adorno, la question des maladies individuelles est traitée à partir de l’hypothèse d’un tout social qui est malade. La maladie du tout social n’est pas une maladie affectant un « sujet en grand » ; c’est plutôt le (dys)fonctionnement du tout qui façonne les individualités, voire qui empêche leur constitution. On peut prendre l’exemple des « Remarques sur la névrose et la politique » (1954), dans lesquelles Adorno reproche à Koestler [13] d’utiliser des références psychanalytiques en les transférant à la société dans son ensemble (l’idée d’une névrose politique) sans tenir compte des acquis de la psychologie sociale, ni des analyses freudiennes du Malaise dans la culture. Adorno ne considère pas que les individus qui contribuent à la folie du tout soient eux-même fous. Il les envisage en tant que pris dans le tout : c’est le tout malade ou fou qui requiert et favorise une certaine structure psychique. Les participants au système totalitaire ne sont pas des « déments » : « il serait tout aussi faux de se représenter, comme c’est souvent le cas, comme des déments ceux qui, sur le plan psychologique, penchent vers des systèmes totalitaires [14] », c’est le système qui est fou, c’est un « système de délire collectif auquel ils se vouent corps et âme [15] ». La démence individuelle consiste « en ceci que les hommes qui se retrouvent pris dans le filet n’ont d’autre fonction que celle d’être des agents de cette réalité surpuissante », leur « psychologie ne représent[ant] plus qu’un lieu de passage pour les tendances de cette réalité [16] ». Dans la psychologie totalitaire, la cécité n’est que celle des fins, le reste est rationnel, faisant primer une réalité sociale « qui engendre des hommes qui sont déjà aussi déments qu’elle l’est elle-même [17] ». En exerçant leur rationalité, les individus peuvent contribuer à la folie du système.
7 On ne peut envisager ni la maladie ou la santé des individus, ni la rationalité des rapports sociaux sans les rapporter à cette présupposition d’un tout malade et d’un processus de transformation de la raison en déraison. Chez Honneth, on trouve aussi une analyse de l’expérience négative : la pathologie individuelle est, dans un certain nombre d’écrits, le signe d’une évolution sociale négative. Mais il y a une différence entre l’hypothèse d’une maladie originelle, radicale, de la raison, et l’idée honnéthienne d’une déformation historique (et « pathologique ») de la raison, qui ne cesse de postuler l’effectivité sociale d’un idéal (« normal » ?), la présence intacte et non déformée de la raison recouverte et menacée par des mécanismes de réification ou d’aliénation. Par suite, la différence est tout aussi grande entre la méthode consistant à « mettre au jour » [erschließen] l’autodestruction incessante de la raison, et la méthode de la reconstruction normative de l’évolution historique et de l’effectivité sociale de la raison adoptée par Honneth. Le geste critique d’Adorno et Horkheimer semble mettre en péril le projet, mis en avant rétrospectivement, de « sauver l’Aufklärung [18] ». La raison doit précisément réfléchir son impulsion pathologique – cette fois au sens kantien, entendue comme impulsion à dominer la nature. Le modèle habermassien, comme le modèle honnéthien de la pathologie de la raison, ne s’expose pas à ces difficultés, puisqu’il distingue deux types de rationalité, voire diagnostique l’absence de rationalité objective qui empêche les individus de se constituer comme tels et de se réaliser.
II – Une réflexion en termes de pathologies sociales
Habermas : le monde vécu colonisé par le système
8 Habermas comme Honneth refusent l’idée d’une maladie du tout ; Habermas parle de contradiction performative à propos de la position de la dialectique de la raison qui laisse supposer une réification totale qui saperait tout point de vue critique [19]. Il introduit la distinction entre rationalité instrumentale et rationalité communicationnelle, et ce sont les conditions intersubjectives de la communication, toujours présupposées dans les échanges ordinaires, qui garantissent la possibilité d’un point de vue critique. La pensée de la pathologie – au départ sous l’angle des pathologies de la communication – est très présente chez Habermas. Le modèle par excellence de la pathologie est la colonisation du monde vécu [20]. Habermas propose une distinction entre système (dispositifs anonymes de pouvoir et de régulation) et monde vécu (formes sociales et culturelles partagées, ancrées dans l’expérience quotidienne). L’un de ses diagnostics centraux est que la modernité est marquée par une extension de la logique systémique à toutes les sphères sociales – que la modernité « s’accompagne », écrit Isabelle Aubert, « d’une tendance exponentielle de la logique systémique à s’étendre à toutes les sphères sociales [21] ». Ainsi, la reproduction symbolique se trouve-t-elle soumise à la reproduction matérielle. Honneth s’inscrit dans la continuité de cette conception des pathologies, mais en rejetant l’opposition entre système et monde vécu : le système est pour Honneth un ensemble de normes, et c’est dans ce contexte normatif que la pathologie est analysée.
L’analyse honnéthienne des pathologies : d’une maladie de l’intégration à l’autre
9 Si, selon un premier modèle (que Laitinen et Särkelä appellent « normativiste [22] »), Honneth a bien saisi la souffrance individuelle et travaillé sur la traduction psychique individuelle des maux sociaux, selon un second modèle (qu’ils appellent organiciste et qui est, selon eux, littéral), la pathologie se pense au niveau de la société, que les individus en souffrent ou non (le modèle par excellence est la sociologie de Durkheim ou celle du « deuxième » Honneth).
10 En effet, dans sa définition initiale (en 1994) de la tâche de la philosophie sociale, Honneth comprend les pathologies sociales comme une évolution d’ensemble de la société (« des évolutions manquées ou des perturbations [23] ») qui trouve une traduction dans les expériences individuelles. Il entend par pathologie un phénomène social qui se manifeste en perturbant les formes de vie et en provoquant une souffrance des individus. Celle-ci est révélatrice de conditions sociales qui empêchent la réalisation de soi des individus, et ce à la manière d’une maladie psychique. Ce premier modèle de la pathologie situe Honneth dans la continuité de certains écrits d’Adorno, notamment la réflexion de celui-ci sur les types psychiques ou les personnalités pathologiques.
11 Lorsqu’il reprend et assume son usage du concept de pathologie sociale vingt ans plus tard, dans « Les maladies de la société [24] », Honneth en redéfinit le sens en précisant que certaines pathologies sociales ne s’expriment pas par une souffrance individuelle, et que, dans certains cas, elles n’atteignent pas le niveau de la conscience individuelle. Il s’agit ici d’un usage sinon « naturaliste » du terme de pathologie, selon Laitinen et Särkelä, du moins littéral, et qui va tendre vers un usage organiciste. Honneth s’appuie désormais sur la critique de l’idée d’une traduction psychique des maladies sociales, idée qu’il voit mise en œuvre de façon trop réductionniste chez Freud ou Mitscherlich : une telle traduction ne semble saisir la pathologie sociale qu’à la jonction entre la nature intérieure des êtres humains et les contraintes sociales liées à la coopération. Au contraire, il faut prendre également en considération la « maîtrise à chaque fois spécifique de leur environnement naturel » par les communautés humaines ainsi que « la stabilisation normative de leurs cadres sociaux d’interactions [25] ». À la lumière d’exemples de pathologies demeurées inaperçues, comme la propension à un consumérisme privé, qui se cristallise dans les tendances à l’aliénation du monde chez Hannah Arendt, ou la croissance d’attitudes égocentriques dues à l’érosion des solidarités, qu’Émile Durkheim tenait pour le symptôme d’une désintégration « anomique », Honneth donne un sens nouveau à la notion de pathologie sociale. Elle renvoie à un phénomène collectif de « désintérêt à l’égard de la communication sur des questions politiques », de retrait des individus, phénomène qui n’a pas besoin de se traduire par une maladie individuelle. Honneth parle alors de pathologies à propos des dysfonctionnements des sphères sociales : « il est possible de parler d’une maladie ou d’une pathologie sociale lorsqu’une société échoue à réaliser, dans ses configurations institutionnelles, une des tâches qu’elle a elle-même placées au centre de ses convictions normatives régulatrices, au sein des ensembles fonctionnels de la socialisation, du travail sur la nature extérieure et de la régulation des rapports de reconnaissance [26]. »
12 La pathologie est ici un dysfonctionnement des sphères sociales qui concourent à la reproduction du tout, lorsqu’elles ne parviennent pas à assurer la reproduction sociale par le biais de la régulation normative du comportement [27]. Les maladies sociales doivent être pensées (c’est le cas dans les ouvrages d’Honneth Le Droit de la liberté et L’Idée du socialisme) au niveau de l’interaction (et des perturbations et tensions) entre les différentes sphères sociales, à un niveau qui dépasse les sujets sociaux (elles « ne se répercutent pas forcément dans des dysfonctionnements vécus comme pénibles par les individus »). La maladie dépend des perturbations de l’agencement des fonctions sociales dans la reproduction sociale : on parle de « maladies de la société » « si l’on se représente la société comme organisme dans lequel les sphères ou les sous-systèmes particuliers sont pensés comme des organismes capables d’agir de concert, de telle sorte que l’on peut élaborer une idée de son épanouissement “libre” et non contraint [28] ».
13 On semble avoir affaire ici à une maladie « dans le silence des organes », pour le dire avec Canguilhem reprenant le point de vue de Leriche, au sens d’une maladie sans expression des malades. Or la conception canguilhémienne de la maladie rappelle, par contraste, la nécessité méthodologique de partir de la clinique. Canguilhem considère que la norme est un concept scolastique, et le normal un concept cosmique ou populaire, selon la distinction kantienne [29]. Il replace l’expérience du malade au centre de ces définitions, récusant l’idée selon laquelle il faut déshumaniser la maladie pour la comprendre (« nous pensons qu’il n’y a rien dans la science qui n’ait d’abord apparu dans la conscience, et qu’en particulier, dans ce cas qui nous occupe, c’est le point de vue du malade qui est au fond le vrai [30] »). Canguilhem pense la maladie au niveau du tout de l’organisme, et non comme située à un endroit (au niveau de la pathologie de la cellule ou de la lésion du tissu), l’organisme déployant une autre allure de vie et produisant d’autres normes. Même si les normes vitales diffèrent des normes sociales, car il n’y a pas de régulation immanente à l’organisme individuel, on peut tirer de ces analyses de Canguilhem une question à adresser à Honneth qui tend de façon croissante à penser la société comme un organisme. Si la maladie ne se traduit pas sur le plan individuel (physique ou psychique), à quels signes voit-on que quelque chose ne va pas sur le plan social ?
14 La maladie sociale que vise Honneth est une pathologie de la reproduction sociale qui met en échec l’intégration et la participation des individus. Mais ce n’est pas dans les normes que la société impose aux individus que se situe le mal ; c’est bien plutôt dans un dysfonctionnement des différentes sphères sociales. Dans Le Droit de la liberté, Honneth redéfinit la reproduction sociale en refusant de la réduire à une régulation matérielle. Selon Honneth, Freud et Mitscherlich ont eu le défaut de ne pas rapporter les maladies sociales aux conditions historiques et aux formes d’autocompréhension de la société (ils se sont trop souvent tenus au niveau d’une reproduction matérielle du social), et ont conçu cette reproduction comme unilatérale, sur le modèle de l’adaptation sociale du potentiel pulsionnel individuel. Honneth repense la complexité du jeu des sphères sociales – famille, marché, institutions politiques – et met en lumière des développements problématiques au sein des différents ordres institutionnalisés. Ce sont ces ordres qui dysfonctionnent quand ils s’agencent d’une manière qui tend à entraver la participation politique des individus, voire même à ne pas la favoriser [31].
III – Deux variantes du rapport entre le normal et le pathologique
15 L’opposition entre deux compréhensions du diagnostic et des pathologies sociales, celle de la première génération de l’École de Francfort, et celle que Habermas a ouverte et qui a été poursuivie, explicitée et infléchie par Honneth, ne recoupe pas complètement une opposition entre des pathologies individuelles d’un côté, et des pathologies affectant la société en tant que telle de l’autre. On trouve souvent chez nos auteurs l’entrecroisement d’une problématique normativiste (pour reprendre les catégories de Laitinen et Särkelä [32]) dans laquelle la pathologie est prise de façon métaphorique, et d’une problématique plus naturaliste ou du moins littérale. Chez Adorno, les maladies de l’individu sont l’indice d’un tout social malade ; les maladies sociales comme le nationalisme, l’ethnocentrisme ou encore l’autoritarisme (dont ces derniers sont parfois conçus comme des composantes), désignent aussi bien les causes sociales des syndromes individuels ou des types psychiques comme la « personnalité autoritaire » que la dimension symptomatique collective, ayant sa logique propre, de ces processus. Mais Adorno aborde de façon plus constante les phénomènes sociaux au prisme d’une expérience individuelle mutilée, qui se tient largement dans un rapport d’antagonisme avec la société. Chez Honneth, avant l’accent mis sur les pathologies de la société, on trouvait développés d’autres paradigmes de pathologies individuelles, notamment celui des pathologies du social comme limitation de l’autoréalisation individuelle et déformation du rapport à soi [33].
16 Fondamentalement, la divergence des points de vue tient à la conception du normal et du pathologique. Ceci est particulièrement lisible dans la lecture que chacun fait de Durkheim, auteur qu’Adorno commente de manière critique et qui devient une référence centrale pour Habermas et pour Honneth – ce dernier s’inscrivant véritablement dans la continuité de Durkheim et lisant en quelque sorte Durkheim avec Hegel.
La sociologie n’est pas une science de l’esprit ni de la nature
17 Pour comprendre comment Adorno articule normal et pathologique, il faut revenir à sa conception de la sociologie, et en particulier à la manière dont il se situe par rapport à Durkheim et à Weber. L’opération faite par la sociologie durkheimienne est à comprendre relativement à celle de la sociologie wébérienne : Adorno les oppose et les dialectise pour définir la tâche de la sociologie, ou plutôt de la théorie de la société. Dans « Recherche empirique et sociologie », évoquant la spécificité des sciences sociales face aux sciences de la nature, Adorno précise que si le modèle des sciences de la nature n’est pas transposable à celles-ci, ce n’est pas parce que « la dignité humaine […] serait au-delà de méthodes qui la considèrent comme étant un morceau de nature [34] ». Au contraire, « l’humanité blasphème plutôt là où sa prétention à la domination refoule la remémoration de son être naturel et perpétue ainsi son appartenance à la nature, que lorsqu’elle se souvient de son caractère naturel [35] ». La sociologie doit donc être aussi une science de la nature pour faire droit à cette dimension naturelle. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’opposition entre Durkheim et Weber – donc dans un dialogue avec Hegel et une relecture critique de la notion d’esprit objectif et de seconde nature. Chez Durkheim, la méthode scientifique prend acte de la « seconde nature » de Hegel, en laquelle la société s’est coagulée face aux êtres vivants, écrit Adorno [36]. Dès lors, on pourrait dire que pour Adorno, la sociologie est une science de l’esprit objectif conçu comme seconde nature. Adorno dialectise Weber et Durkheim en précisant que le refus durkheimien de la compréhensibilité – qui s’arrête en quelque sorte à l’incompréhensible – n’est pas non plus satisfaisant :
Ce qui est incompréhensible pour les individus, c’est bien l’esprit objectif, la manière dont l’esprit s’est objectivé dans les institutions. Cette affirmation tient à la conception adornienne de la société, et de la façon dont elle se présente aux individus. Rappelons-en la définition par Adorno : « la dépendance de tous les individus singuliers par rapport à la totalité qu’ils forment [38] ». Adorno pose donc la question – c’est sa manière de renverser le cadre hégélien – de savoir comment échapper à ce social, à cet esprit objectif institutionnalisé, qui se présente comme un tout, non vrai et malade, empêchant la vie de vivre [39].Au lieu de cela c’est l’incompréhensibilité qu’il faudrait comprendre ; il faudrait déduire à partir des rapports entre les hommes les rapports qui se sont autonomisés jusqu’à devenir opaques pour eux. Aujourd’hui surtout, la sociologie aurait à comprendre l’incompréhensible : l’entrée au pas de charge de l’humanité dans l’inhumanité [37].
La critique adornienne de Durkheim
18 Ayant rappelé la science de l’esprit à sa dimension naturelle, Adorno va, dans sa critique de Durkheim, réouvrir du normatif dans le naturel, et tenter de maintenir un écart entre normal et pathologique. Il critique la méthode de Durkheim consistant à « traiter les faits sociaux comme des choses ». Selon Adorno, cette méthode entérinerait la réification sans se donner les moyens de la critiquer, voire même en la revendiquant. De façon plus subtile, Adorno revient sur la manière dont Durkheim érige la société en sujet à la manière de Hegel. En somme, la sociologie de Durkheim est un « objectivisme positiviste ne jurant que par la conscience [40] ». Il lui manque, selon Adorno, des critères permettant d’opérer une distinction entre « ce qu’une société est en vérité et ce qu’elle croit être », car sa théorie « remplace l’objectivité des processus de vie constituant le soubassement de la société par celle de la conscience collective* », érigeant « en substance d’une société l’esprit de celle-ci » au lieu de le faire dériver [41]. Adorno précise le problème qui en découle, à savoir que « la distinction entre fausse conscience et conscience vraie en vient à se brouiller », et – ce qui est encore plus intéressant pour notre propos – il ajoute que « Durkheim éprouve quelques difficultés à départager le normal et le pathologique ; difficultés, au demeurant, auxquelles Freud a dû faire face [42]. »
19 Autrement dit, en raison du primat donné à la société et de l’oubli des individus, la sociologie de Durkheim ne peut être critique, ce qu’Adorno exprime en indiquant qu’elle ne peut distinguer entre normal et pathologique. Cette remarque concernant le penseur du normal et du pathologique a de quoi surprendre, mais elle peut s’éclairer à la lumière des analyses de Canguilhem et de la critique de ce dernier à l’égard du dogme positiviste – exprimé dans le principe de Broussais – de la continuité entre le normal et le pathologique aux variations quantitatives près [43]. Canguilhem, suivant Leriche, pense « qu’on procède le plus souvent en fait, et qu’on devrait en droit presque toujours procéder, de la technique médicale et chirurgicale, suscitée par l’état pathologique, à la connaissance physiologique ». Selon Leriche, la physiologie est « le recueil des solutions dont les malades ont posé les problèmes par leurs maladies ». C’est en partant de la maladie que l’on peut poser le problème du normal. Dans cette perspective, on peut tracer un parallèle avec la critique adornienne : selon Adorno, le point que Durkheim manque est justement le « pôle individuel ». Durkheim reconnait que l’individu est une catégorie sociale, mais il s’obstine à nier que cette médiation a besoin à son tour de ce qu’elle médiatise. Il ne voit pas que « sans le pôle individuel, les formations collectives existeraient tout aussi peu que celui-ci sans un universel social [44] ». En soulignant à quel point la société est pour Durkheim, un ensemble d’idées et notamment un idéal moral, réalisé par les individus, Adorno aboutit à une critique du conformisme – qui pourrait tout aussi bien s’adresser à une entreprise critique fondée sur le deuxième modèle de Honneth.
20 Le point de désaccord entre Adorno et Durkheim réside dans la conception de la norme et du normal, et notamment de la vertu intégratrice de la norme. Durkheim « a toutes les peines du monde à concilier avec ses principes la possibilité d’un comportement non conformiste. Il « trouve suspect ce qui est insuffisamment adapté, et jamais l’adaptation elle-même ». Adorno cite Durkheim : « nous ne pouvons aspirer à une autre morale que celle qui est réclamée par notre état social [45] ». Ce conformisme fondamental de Durkheim supposé par Adorno [46] est rapporté à sa méthode : celle d’une critique immanente non dialectique. « Là encore », conclut Adorno, « l’empiriste Durkheim est un descendant de Hegel [47] ». Adorno montre que la sociologie de Durkheim sape la possibilité d’un point de vue critique. Certes, il y a bien quelque chose de critique chez Durkheim : l’objectivisme de sa méthode « l’aide à ne pas se livrer corps et âme à cette objectivité que fait miroiter la généralité statistique [48] ». Durkheim voit l’écart entre l’objectivité structurelle en tant qu’objectivité de l’esprit collectif, et les modes de comportements sociaux subjectifs, mais il ne se soucie pas du rapport entre les deux. Adorno applique ces considérations à l’analyse durkheimienne du suicide [49].
21 Adorno cible ainsi l’absence d’écart critique qui empêche une véritable différenciation entre normal et pathologique, ou du moins l’insuffisance prise en compte de la négativité. Cette accusation est portée tant contre Durkheim, penseur positiviste appréhendant les « faits sociaux comme des choses » pour qui l’essence de la société, à travers la contrainte collective, est bien l’esprit, que contre Hegel. Adorno fait ainsi apparaître un point de convergence entre ce positivisme, analysé comme une paradoxale « métaphysique des faits », et la philosophie hégélienne, dans leur impossibilité de se représenter un autre état que l’existant.
La reproduction pathologique du social
22 C’est précisément cette démarche durkheimienne de supposer le normal normatif, point de référence du pathologique, qui est présente chez Habermas et Honneth ; c’est elle qui marque la distance qui se maintient de façon irréductible entre l’approche de la première génération et celles qui la suivent. Nous avons évoqué ailleurs la différence de conception de la norme [50], concentrons-nous ici sur la différence d’appréhension du concept de reproduction sociale. On peut dire que pour Adorno, comme il ressort de sa lecture de Durkheim et de son appropriation de la notion d’esprit objectif, la reproduction du tout social est conçue comme une contrainte en quelque sorte immanente à la société, la contrainte d’un social naturalisé. Contre cette conception, comme cela est clairement assumé dans Le Droit de la liberté, Honneth met l’accent sur la notion d’éthicité (plutôt que d’esprit objectif ou de seconde nature) et pense non pas seulement la reproduction de la base sociale matérielle, mais une reproduction normative du social, qui passe par une reproduction des valeurs et des idéaux [51].
23 Corrélativement à cette conception de la reproduction sociale des idéaux, les pathologies sociales vont être considérées de manière croissante comme des pathologies de l’interprétation. Honneth parle de pathologie sociale quand « un certain nombre de personnes de la société, ou l’ensemble de ses membres, ne se montrent plus en situation, en raison des évolutions sociales, de comprendre convenablement la signification de [pratiques et de normes] [52] ». Il tire ainsi la pathologie du côté d’un problème d’interprétation des principes dans une sphère spécifique, ou de compréhension des domaines de validité des sphères sociales. Les pathologies se constatent dès lors à un niveau supérieur de la reproduction sociale. Les déficits de rationalité font que des convictions ou pratiques de premier niveau ne peuvent plus être acquises et utilisées de façon appropriée par les intéressés à un niveau second. L’arrière-plan théorique de Honneth est ici la référence aux « second-order disorders » de Christopher Zurn dans lesquels les sujets adoptent des attitudes fausses ou inappropriées à l’égard de leurs pratiques de premier ordre [53]. La pathologie sociale devient, avec Le Droit de la liberté, un problème herméneutique, un problème d’interprétation des principes dans une sphère spécifique. Le risque est alors que le remède aux pathologies se concentre sur la transformation de la conscience, puisque c’est à ce niveau que celles-ci opèrent [54]. Pour Adorno, une thérapeutique ainsi conçue serait impossible, car d’une part, se situer au seul niveau de la compréhension est problématique : le risque est d’oublier les maux de la réalité sociale elle-même [55]. D’autre part, une meilleure compréhension du fonctionnement social ne suffit pas à la guérison du « tout » malade. Le problème est plutôt de démêler l’intrication de la vie psychique et de la vie sociale qui conduit à un assujettissement des individus dans le contexte des sociétés capitalistes. L’exagération méthodologique adornienne permet sans doute une critique plus radicale des maux capitalistes.
24 Ainsi, en mettant en lumière des maladies de la société qui ne sont pas ressenties sur le plan de la médecine individuelle – tout en assumant une référence relativement littérale à la maladie et à la pathologie, et finalement un organicisme – Honneth infléchit considérablement la philosophie sociale, qui, dès lors, perd chez lui sa frontière avec la philosophie politique. Il fonde la critique sur un cadre théorique, le fonctionnalisme normativiste, qui révèle un critère prédominant de pathologie sociale : les pathologies de la reproduction et de l’intégration. Selon lui, les maux les plus manifestes de nos sociétés contemporaines ont trait à un défaut de participation des individus à une reproduction sociale conçue sur le plan normatif plutôt que matériel (par exemple quand les individus ne saisissent pas les enjeux et les fonctions de telle sphère sociale spécifique, comme la sphère du droit en tant qu’elle interrompt la communication et qu’il convient de ne pas mécomprendre en attendant d’elle qu’elle rende possible la liberté sociale [56]). Plus généralement, les maux sociaux renvoient à une mauvaise intégration « sociale », et non systémique, des individus. La façon dont Honneth s’inscrit dans la tradition francfortoise de la philosophie sociale et lui assigne pour tâche le diagnostic de pathologies sociales marque ainsi un déplacement par rapport à la démarche d’Adorno. En prenant ses distances par rapport à l’acception « normativiste » des pathologies sociales, qui s’attache en particulier à la traduction psychique des maux sociaux et à la manière dont les souffrances et les troubles psychiques individuels traduisent des dysfonctionnements sociaux [57], il s’expose aux critiques déployées par Adorno à l’encontre de Durkheim. Honneth entend restituer aux individus la capacité de déterminer intersubjectivement les normes, mais il part d’une conception uniquement sociale de la maladie, axée sur le fonctionnement social qu’il convient d’interpréter. Comment saisir alors le pathologique de façon plus qualitative ? Comment répondre à la souffrance sociale, par exemple à la souffrance au travail, sans aller dans le sens d’une réinsertion ou d’une réadaptation des individus, si l’adaptation à un monde si rationalisé qu’il échappe à la raison génère précisément des troubles ? Ne pas faire droit au « pôle individuel », c’est s’empêcher de critiquer le fonctionnement social qui vise à rendre les individus opérationnels et efficaces, comme le suggérait Adorno. Une telle critique suppose une prise en compte du sens de la maladie pour l’individu, position qu’Adorno partage en un sens avec Canguilhem. Si la maladie pour Honneth est fondamentalement une maladie de l’intégration, au sens d’un défaut de l’intégration, soulignons que chez Adorno, l’homme est malade de l’intégration. Certes, la vérité de la maladie n’est pas le dernier mot d’Adorno, il ne se borne pas à inverser simplement les valeurs en donnant raison au malade. Comme l’indique le paragraphe « Santé mortelle » de Minima Moralia, « ce qui est désespérant, c’est qu’à la maladie de l’homme sain on ne peut pas opposer tout simplement la santé du malade, et qu’en fait l’état de ce dernier ne fait le plus souvent que représenter d’une façon différente le schéma du même désastre [58] ». L’intérêt de la théorisation adornienne est de désigner le mal sans le référer à un normal social positif, en considérant que toute souffrance doit être rapportée à l’idée d’un fonctionnement pathologique d’ensemble. Il n’indique pas quelles forces psychiques pourraient subvertir la vie sociale.
25 Même si elle doit être maniée précautionneusement, la référence à la santé et à la maladie, à la pathologie et à la normalité, reste selon nous fondamentale pour une philosophie sociale critique qui entend diagnostiquer les maux sociaux, pour autant qu’on explicite la conception du social qui s’y trouve véhiculée. Reste à trouver la juste voie entre une valorisation excessive de la maladie, entendue à la fois comme symptôme et comme réaction critique contre l’irrationalité profonde de la société, et une confiance excessive dans la normalité sociale.
Notes
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[1]
S. Haber, Habermas et la sociologie, Paris, PUF, 1998, p. 7.
-
[2]
J. Habermas, « Überlegungen zur Kommunikationspathologie », dans Vorstudien und Ergänzungen zur Theorie des kommunikativen Handelns, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1974, p. 226-232.
-
[3]
J. Habermas, Théorie de l’agir communicationnel, tome I, Rationalité de l’agir et rationalisation de la société, trad. J.-M. Ferry. Tome II, Critique de la raison fonctionnaliste, trad. J.-L. Schlegel, Fayard, Paris, 1987.
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[4]
Voir A. Honneth, « Les pathologies du social. Traduction et actualité d’une tradition de pensée », dans La Société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique, éd. O. Voirol, Paris, La découverte, p. 39-100, et R. Jaeggi & R. Celikates, Sozialphilosophie. Eine Einführung, München, C.H.Beck, 2017.
-
[5]
A. Honneth, « Les pathologies du social », art. cité, ainsi que « Une pathologie sociale de la raison. Sur l’héritage intellectuel de la Théorie critique », dans La Société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique, éd. O. Voirol, Paris, La découverte, p. 101-130.
-
[6]
A. Laitinen and A. Särkelä, « Analysing Conceptions of Social Pathology: Eight Questions », dans Studies in social and political thought, Winter 2018, p. 22 : chaque type « d’architecture théorique va conduire le théoricien à rechercher certains cas de pathologies ».
-
[7]
A. Honneth, « Les pathologies du social. Tradition et actualité de la philosophie sociale », art. cité, p. 77.
-
[8]
Ibid., p. 119.
-
[9]
Voir M. Horkheimer, Th. W. Adorno, La Dialectique de la raison. Fragments philosophiques, trad. E. Kaufholz, Paris, Gallimard, 1974 ; Th. W. Adorno, Dialectique négative, trad. Groupe du Collège de Philosophie, Paris, Payot, 2003 ; « Individu et organisation », dans Société : intégration, désintégration, trad. P. Arnoux et al., Paris, Payot, 2011.
-
[10]
Canguilhem réfute cet exemple « d’un homme dont la vie, sans incident pathologique accusé par lui, a été interrompue par un meurtre ou une collision. Selon la théorie de Leriche, si une autopsie d’intention médico-légale révélait un cancer du rein ignoré de son défunt porteur, on devrait conclure à une maladie, encore qu’il ne se trouverait personne à qui l’attribuer, ni au cadavre puisqu’il n’en est plus capable, ni rétroactivement au vivant d’autrefois qui ne s’en souciait pas, ayant fini sa vie avant le stade évolutif du cancer où, selon toute probabilité clinique, les douleurs eussent enfin crié le mal » (G. Canguilhem, Le Normal et le pathologique, Paris, PUF, 2013, p. 68).
-
[11]
Ibid., p. 66.
-
[12]
« S’il nous fallait parler d’une maladie qui affecte la raison, il serait nécessaire de comprendre que cette maladie n’a pas frappé la raison à un moment historique donné, mais qu’elle a été inséparable de la nature de la raison dans la civilisation telle que nous l’avons connue jusque-là. La maladie de la raison, c’est que la raison naquit de la tendance impulsive de l’homme à dominer la nature et le “rétablissement” dépend de la connaissance de la nature de la maladie originelle et non point de la guérison de ses symptômes les plus tardifs » (M. Horkheimer, Éclipse de la raison, trad. J. Debouzy, suivi de Raison et conservation de soi, trad. J. Laizé, Paris, Payot, 1974, p. 182).
-
[13]
A. Koestler, « Politische Neurosen », dans Der Monat 63, Jg. 6, décembre 1953, p. 227 sq.
- [14]
-
[15]
Ibid., p. 74.
-
[16]
Ibid., p. 73.
-
[17]
Ibid., p. 73.
-
[18]
Cf. M. Horkheimer et Th. W. Adorno, « Sauver l’Aufklärung », dans Le Laboratoire de la Dialectique de la raison, trad. J. Christ, K. Genel, Paris, FMSH, 2013.
-
[19]
J. Habermas, Le Discours philosophique de la modernité, trad. C. Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Gallimard, 1988.
-
[20]
J. Habermas, Théorie de l’agir communicationnel, t.1 et t. 2, op. cit..
-
[21]
I. Aubert, Habermas. Une théorie critique de la société, Paris, CNRS Éditions, 2015, p. 104.
-
[22]
A. Laitinen, A. Särkelä, « Four conceptions of pathologies », dans European Journal of Social Theory, 2018.
-
[23]
A. Honneth, « Les pathologies du social », art. cité, p. 40.
-
[24]
A. Honneth, « Les maladies de la société. Approche d’un concept presque impossible », dans Réseaux, n° 193, 2015/5, p. 21-42.
-
[25]
A. Honneth, « Les maladies de la société », art. cité, p. 38.
-
[26]
A. Honneth, « Les maladies de la société », art. cité, p. 40.
-
[27]
Ibid., p. 34.
-
[28]
Ibid., p. 41.
-
[29]
G. Canguilhem, Le Normal et le pathologique, op. cit., p. 225.
-
[30]
Ibid., p. 68.
-
[31]
Axel Honneth, Le Droit de la liberté. Esquisse d’une éthicité démocratique, trad. F. Joly et P. Rusch, Paris, Gallimard, 2015 ; A. Honneth, L’Idée du socialisme. Un essai d’actualisation, trad. P. Rusch, Paris, Gallimard, 2015.
-
[32]
A. Laitinen, A. Särkelä, « Four conceptions of pathologies », art. cité.
-
[33]
A. Honneth, « La dynamique du mépris. D’où parle une théorie critique de la société ? », dans La Société du mépris, op. cit..
-
[34]
Th. W. Adorno, « Recherche empirique et sociologie », dans Le Conflit des sociologies. Théorie critique et sciences sociales, trad. P. Arnoux, J. Christ, G. Felten, F. Nicodème, Paris, Payot, 2016, p. 416.
-
[35]
Ibid., p. 416.
-
[36]
Th. W. Adorno, « Société I », dans Société : intégration, désintégration, op. cit., p. 26.
-
[37]
Ibid., p. 26.
-
[38]
Ibid., p. 24.
-
[39]
Nous pensons à la phrase de Ferdinand Kürnberger, « La vie ne vit pas », citée dans ce texte d’Adorno (Ibid, p. 32) ainsi qu’en exergue de la première partie des Minima moralia.
-
[40]
Th. W. Adorno, « Introduction à Emile Durkheim », dans Le Conflit des sociologies, op. cit., p. 150.
-
[41]
Ibid., p. 147.
- [42]
-
[43]
G. Canguilhem, Le Normal et le pathologique, op. cit., p. 37.
-
[44]
« La négation abstraite de la vue courante de la société en tant qu’agglomérat d’individus se transforme en l’affirmation tout aussi abstraite de ce qui leur préexiste », Le Conflit des sociologies, p. 152.
-
[45]
Ibid., p. 165.
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[46]
N’ayant pas la place d’étudier ici véritablement la validité des jugements d’Adorno sur Durkheim, nous nous concentrons sur l’usage qu’il en fait.
-
[47]
Le Conflit des sociologies, op. cit., p. 179.
-
[48]
Ibid., p. 179.
-
[49]
« Mais si la science vilipende, en les prenant de haut, les motivations des suicidés ou si elle n’est pas à même d’établir un lien entre celles-ci et la fameuse constance du taux de suicide à certaines périodes, alors cette constance, que la science se targue d’avoir découverte, se transforme en énigme ; énigme que la science ne fera pas disparaître en expliquant le suicide en tant que fait social* par le manque d’intégration de l’individu singulier au sein de son groupe. Pour Durkheim, la structure du collectif fournit l’unique critère sociologiquement pertinent concernant le suicide. Or dans la genèse de celui-ci, des mécanismes psychologiques entrent tout autant en ligne de compte […] » (ibid., p. 181).
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[50]
Nous nous permettons de renvoyer à nos deux études : K. Genel, « The Norm, the Normal and the Pathological: Articulating Honneth’s Account of Normativity with a French Philosophy of the Norm (Foucault and Canguilhem) », dans Critical Horizons, volume 22, 2021, ainsi que « Vie et critique. Esquisse d’un parallèle entre l’École de Francfort et Georges Canguilhem », dans Recherches germaniques, 49, 2019.
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[51]
A. Honneth, Le Droit de la liberté, op. cit., p. 22 sq.
-
[52]
A. Honneth, Le Droit de la liberté, op. cit., p. 137.
-
[53]
Ch. Zurn, « Social Pathologies as Second-Order Disorders », dans D. Petherbridge (dir.), The Critical Theory of Axel Honneth, Leyden, Brill, 2011, p. 345-370.
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[54]
C’est l’une des objections soulevées par F. Freyenhagen, « Honneth on Social Pathologies: A Critique », dans Critical Horizons, vol. 16, n° 2, 2015, p. 131-152.
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[55]
Outre la critique de Freyenhagen à Honneth, voir celle de J. Schaub, « Misdevelopments, Pathologies, and Normative Revolutions: Normative Reconstruction as Method of Critical Theory », dans Critical Horizons 16, 2, 2015, p. 107-130 ainsi que la critique que fait A. Laitinen de Zurn (« Social Pathologies, Reflexive Pathologies, and the Idea of Higher-Order Disorders », dans Studies in Social and Political Thought, 25, 2015, p. 44-65).
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[56]
C’est le modèle des pathologies du droit dans Le Droit de la liberté, op. cit..
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[57]
Ce qui a été largement analysé par Emmanuel Renault, Souffrances sociales. Sociologie, psychologie et politique, Paris, La Découverte, 2008, qui procède également à une critique du modèle durkheimien des pathologies.
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[58]
Th. W. Adorno, Minima moralia, op. cit., p. 63-64.