Enseigner la philosophie en méthode naturelle
1 Je suis venu à enseigner la philosophie en pédagogie Freinet à la fois parce que j’ai eu l’occasion d’échanger avec des collègues qui étaient avancés dans leur pratique en « méthode naturelle », notamment ma femme qui enseigne l’histoire-géographie, et aussi parce que j’éprouvais un certain mal-être à persévérer dans ma façon d’enseigner comme si de rien n’était. Car les conditions d’exercice de nos métiers se sont considérablement dégradées ces dix dernières années, même pour moi qui ait fréquenté des lycées mixtes à Marseille qui ne sont pas des plus difficiles. Les réformes continuelles qui entraînent l’éclatement du groupe classe, l’évaluation permanente des tâches, le calendrier irrationnel pédagogiquement des épreuves de spécialité, le mode de recrutement des filières sélectives étendu à l’ensemble du supérieur avec Parcoursup, la mise en concurrence généralisée des individus, des disciplines et des établissements… tout produit chez les élèves une perte de sens des apprentissages, un mal-être et des tensions qui s’expriment diversement. Un détail révélateur pour ma part : j’avais de plus en plus de mal à mettre des notes et je produisais péniblement des remarques qui étaient peu lues sur les copies. Je ne voyais plus dans mes classes que les élèves réfractaires ou dont les difficultés semblaient insurmontables, et qui me renvoyaient à ma propre impuissance. L’intérêt de celles et ceux qui étaient touché.es par les textes philosophiques, le sérieux de beaucoup d’autres, ne compensaient plus cela. Mais pour se déplacer dans ses pratiques, il faut pouvoir être soutenu.e par d’autres [1]. C’est à la fois ce qui nous fait apparaître des déplacements comme désirables et ce qui permet de mesurer ce qui semble à notre portée, pour commencer. Alors on commence, on essaie, on tâtonne, et peu à peu, en réfléchissant avec d’autres sur ce qui a été essayé [2], on prend conscience de ce qui est accompli comme un point d’appui sûr qui permet d’aller plus loin. On accepte de faire parfois des erreurs, parce qu’un cadre suffisamment sécurisant a été mis en place qui permet d’être apprenant.e avec les élèves.
Méthode naturelle et tâtonnement expérimental
2 C’est donc petit à petit que j’ai été amené à enseigner la philosophie en « méthode naturelle [3] ». Cette expression faisait écho chez Célestin Freinet à l’intention de repenser entièrement la forme scolaire dans une perspective émancipatrice, en articulant des motivations pédagogiques et politiques. Dans le cadre scolaire ordinaire, l’activité de l’enfant s’articule à une programmation conçue par l’enseignant.e. Les objets d’enseignement sont déterminés en amont en fonction de la culture scolaire légitime, et les procédures didactiques sont pensées comme des stratégies pour mettre en activité et favoriser la transmission des savoirs. La démarche d’Élise et Célestin Freinet entend opérer un renversement des perspectives en pensant les interventions de l’adulte à partir des dynamiques propres d’apprentissage des enfants, qui n’attendent pas d’avoir des maîtres pour apprendre. Le proverbe « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » vient souligner cette idée : « L’enfant n’attend pas d’avoir forgé son outil pour s’en servir. Il s’en sert au fur et à mesure qu’il le forge, et il l’ajuste en s’en servant [4]. » Le but de l’enfant n’est en effet pas d’accomplir des tâches d’apprentissage définies extérieurement, mais de faire, de comprendre « pour affermir et affirmer sa puissance ». Il n’y a pas cependant d’essentialisation ou d’idéalisation d’une « nature » d’enfant, puisque si chacun.e apprend à marcher, à parler etc. les voies d’apprentissage sont multiples et diverses selon les individus. Il s’agit pour l’adulte d’aider chacun.e à chercher son chemin, de soutenir ce processus dans lequel l’enfant essaie et tâtonne. « Par la méthode naturelle, l’enfant lit et écrit bien avant d’être en possession des mécanismes de base, parce qu’il accède à la lecture par d’autres voies complexes qui sont celles de la sensation, de l’intuition et de l’affectivité dans le milieu social qui pénètre désormais, anime et éclaire le milieu scolaire [5]. » L’important dès lors pour les Freinet, est de ne pas séparer l’école de la vie et de toujours se mettre dans les pas des enfants. La « méthode naturelle » renvoie donc à la fois au processus complexe d’apprentissage chez les enfants et à la façon pour l’enseignant.e de l’accompagner. Plutôt que de diriger artificiellement les activités de l’enfant en fonction de préoccupations extérieures à sa vie, la méthode naturelle désigne le processus singulier d’apprentissage de chacun.e par « tâtonnement expérimental [6] ». Ce n’est pas une méthode au sens d’un programme réglé ou un ensemble de moyens déterminés à l’avance pour produire des résultats attendus, mais une manière d’enseigner à la fois singulière à chacun.e et partagée dans ses principes. Les praticiens Freinet qui prêtent attention aux manières d’apprendre des enfants ont expérimenté un ensemble de pratiques et de « techniques » ajustées et cohérentes, qui s’articulent entre elles et qui soutiennent l’apprentissage dans une perspective émancipatrice. En accueillant les productions libres des élèves, on permet l’expression et l’on vise, par la transformation de ces travaux, rendue possible par la mise en commun et la problématisation, à la constitution des savoirs et du milieu au sein duquel les personnes sont reconnu.es comme auteur.es.
L’expression libre et la construction commune du cours
3 C’est autour de l’expression libre que s’organise le travail. En pédagogie Freinet, l’expression libre ne renvoie pas à l’idée de spontanéité, mais d’authenticité. Ce qui est exprimé, oralement ou par écrit, s’inscrit dans la ligne d’un désir profond et va avec une transformation de soi, un soi qui se forme en trouvant les formes de son expression. Tout cela n’est pas facile pour les élèves, et il faut souvent beaucoup de temps pour que certain.es élèves se libèrent d’obstacles intérieurs pour exprimer ce qui leur importe vraiment. L’expression libre, parce qu’elle engage la personne entière, est une source de motivation intrinsèque : il importe de travailler à trouver les manières de bien penser ce qui suscite le questionnement, d’éclairer par une expression adéquate ce qui pose difficulté et la façon dont on peut penser une résolution. Ainsi l’expression libre ouvre-t-elle affectivement à la recherche, à l’enquête comme modalité d’une expérience partagée, elle est le socle d’une constitution de savoirs appropriables. Enfin, elle est la marque d’un.e auteur.e qui peut ainsi être reconnu.e pour ce qu’il ou elle apporte dans sa singularité au collectif.
4 C’est le propre de la pédagogie Freinet, par différence avec d’autres pédagogies actives, que de ne pas chercher à disposer l’élève dans des activités qui ont été pensées préalablement et par un autre, mais de considérer l’élève comme auteur.e de ses tâches, de son processus d’apprentissage, et co-auteur.e du milieu même qui rend possible cet apprentissage. Là encore, ce qui est posé comme condition de l’expression libre est aussi le fait d’un processus d’autorisation dans lequel l’élève va être soutenu.e, par la posture de l’enseignant.e, par le retour des autres, par les techniques mises en place dans lesquelles va s’inscrire son travail.
5 Dans la classe de philosophie, c’est autour de la présentation des textes libres écrits par les élèves que s’organise le travail collectif. Le cours s’ouvre par un temps de présentation de ces textes, témoignant ainsi que l’expression est première, et le collectif se met au service de l’auteur.e pour que nous puissions mesurer les effets que ce texte produit – ce qu’il donne à penser, à sentir, à imaginer. En examinant ce que nous entendons du texte présenté, mais aussi les questions qu’il soulève ou qui apparaissent à partir de ce qui est dit, nous inscrivons le travail dans la perspective d’une culture de l’interprétation [7]. On ne pense pas à partir de rien mais d’un objet qui est un texte, qui porte déjà en lui un effort pour donner sens à un problème, qui cherche à en mesurer l’importance et qui s’offre à l’interprétation des autres. Le texte est lu, il est porté en présence par l’élève qui l’a écrit. Lorsque les autres y sont confrontés, ils sont spontanément dans la bonne disposition pour commencer un travail interprétatif dans la mesure où ils estiment immédiatement que ce texte s’adresse à eux, qu’il y a une autrice ou un auteur attesté du texte qui a quelque chose à dire et qui peut être compris. Le professeur doit simplement s’assurer que les conditions d’écoute et d’accueil sont là. Le texte me parle – mais encore faut-il que j’écoute, que je fasse attention à ce qui est dit. Qu’est-ce qu’il veut dire ? Comment s’y prend-il ? Que peut-on en penser ? C’est cette position d’écoute et de questionnement qui permet de se mettre au service d’un texte et d’accepter de se laisser altérer par une parole exprimée. Lorsque j’apporte ensuite un texte du patrimoine philosophique, les élèves tiennent cette position, puisque le travail vient continuer ce que nous avons commencé à réfléchir et à interroger. Il y a une tenue dans l’attention qui permet de travailler le texte comme nous l’avons fait avec celui de l’élève : pour entendre ce qu’il a à dire, pour préciser les écarts qui apparaissent entre les textes, pour évaluer ce qui vient soutenir le propos et les perspectives qu’ouvrent ces différents points de vue. Nina relève que « la partie la plus importante de l’organisation du cours était le fait de partir des élèves pour aller vers la philo, utiliser les sujets dont nous voulons parler pour y relier les textes. » (BA [8]).
6 Les élèves apportent des questions et des textes qui travaillent ou sont travaillés par des questions, et nous faisons des liens avec d’autres questions et d’autres textes présentés. L’enseignant.e va également apporter des textes d’auteur.es qui peuvent faire écho à ces premiers textes d’élèves ou aux questions soulevées. L’étude commune de tous ces textes peut engager en retour l’écriture d’autres textes et petit à petit s’opère un parcours dans les notions du programme : car à chaque moment du travail, nous relevons les liens possibles avec les notions du programme et nous avons des outils collectifs pour recueillir et cartographier ce que nous avons fait ensemble à partir des textes d’élèves et de philosophes (ce sont les élèves qui vont peu à peu « faire le mur » – afficher ces éléments sur un mur de notre classe où sont répertoriées les notions et les textes avec un système de post-it de différentes couleurs). « Partir de nos idées et réflexions nous fait effectivement plus nous intéresser au cours », note Florian (BA).
La parole de l’élève et le processus d’autorisation
7 Cette co-construction va avec l’idée d’une participation forte qui apparaît comme nécessaire aux élèves pour faire cours : « Il est important que les élèves s’impliquent et prennent la parole pour faire vivre le cours afin d’aborder tous les aspects et les différents points de vue », insiste Amin. « La façon dont le cours se déroulait m’a plu car nous interagissions tous ensemble au lieu d’une simple dictée du professeur », note Yasmina. Et Bastien relève « le fait qu’à tous les cours les élèves puissent participer » (BA). La participation ne renvoie pas pour ces élèves à une injonction magistrale dans le cadre d’un cours dialogué mais à une exigence éprouvée qui tient au fait que le cours doit se faire tous ensemble et demande dès lors la participation active de tous.tes. Pour analyser cela, on peut prendre le témoignage de deux élèves ordinairement réservées. Arminé : « C’est aussi l’un des cours où je me sens le plus à l’aise pour participer, c’est peut-être parce que je ne ressens pas de différence entre les élèves durant le cours de philosophie comme si on avait tous le même niveau. Or, dans les autres cours, je n’ose pas participer par peur de faire une erreur et de ralentir le cours » (BT1). Ce qui met à l’aise et rend possible la participation d’Arminé, c’est le cadre posé : l’égalité des intelligences n’est pas un simple présupposé, puisque nous en mesurons ensemble les effets en examinant ce que chacun.e apporte et met au milieu. Dans ce qui relève d’une enquête commune, le statut de l’erreur change de même que la perception du temps. L’erreur n’est pas un écart par rapport à une norme de vérité ou de validation scolaire, mais ce qui est consubstantiel aux essais que chacun.e fait et que nous faisons ensemble.
8 Pour chercher à formuler des problèmes et y répondre, il importe d’essayer, et la pluralité des points de vue apparaît comme essentielle pour mener à bien l’enquête. Arminé n’a pas peur de « ralentir » le cours, ou de faire perdre leur temps aux autres qui seraient meilleurs qu’elle, puisque dans l’enquête nous prenons le temps que nous estimons nécessaire – pour formuler, pour reformuler, pour différer parfois ce qui ne peut être pris en charge sur le moment et qui mérite d’être décanté ou réfléchi par certain.es avant d’être repris collectivement. Fanny indique également : « J’ai beaucoup de mal à participer en classe par peur de me tromper. Néanmoins, lorsque les élèves passent au tableau pour la lecture de leurs textes, je suis très intéressée par le cours et je sais que j’ai des choses pertinentes à rajouter à la conversation de classe. Je dois me pousser à prendre la parole » (Tz novembre). Fanny peut faire part de sa difficulté, qui tient à cette « peur de se tromper », et dans la réflexivité qu’elle exerce sur son travail elle peut aussi noter ce qui va être pour elle un levier : au regard de ce qui se passe dans les échanges, de la façon dont les échanges se déroulent, elle se sent capable de prendre part à la « conversation ». Aussi la formulation finale n’est-elle pas qu’une bonne intention : c’est l’objectif que Fanny se pose à ce moment de l’année. Elle s’est déjà exprimée dans des textes libres que j’ai pu lire, elle a soutenu le cours par son attention et pris des responsabilités : elle est prête à prendre sa part aux échanges qui construisent le cours, elle s’autorise à parler.
9 On voit que le statut d’auteur.e qui est posé au départ est investi par les élèves dans un processus d’autorisation qui prend des modalités et des temporalités diverses selon les élèves. Mais dans tous les cas, c’est l’élève qui prend la parole, non pas parce qu’on la lui donne [9], ou qu’on le sollicite, mais parce qu’un milieu est constitué par tous.tes qui rend possible et désirable cette prise de parole – pour faire part de soi aux autres et pour prendre part à une recherche commune. Assurément le temps de présentation des textes et de « conversation » qui suit apparaît comme important. « J’ai beaucoup apprécié entendre les textes libres de nos camarades et pouvoir y réagir tous ensemble », note Sabrina (BA). « J’ai apprécié lorsque les élèves venaient au tableau lire leurs écrits et qu’il s’en suivait une discussion avec des prises de parole qui peuvent parfois s’opposer » indique Fanny en fin d’année (BA).
10 Nina relève une autre dimension, à savoir que ces présentations donnent aussi à entendre des voix singulières, et, à travers les questions, les remarques, les récits, font apparaître des sujets d’une vie : « Ce cours était très intéressant car aujourd’hui j’ai l’impression de connaître mes camarades de classe grâce aux textes lus devant la classe, et la partie orale rend la matière dynamique » (BA). C’est un point qui l’avait déjà marquée très tôt dans l’année : « Au fil des cours de philo de plus en plus d’élèves passent pour lire leurs textes, et chaque texte me fait plaisir. J’ai l’impression d’avoir un petit aperçu de la personnalité de chacun. En réalité nous passons des heures entières ensemble, mais on ne se connaît jamais forcément. Entendre les points de vue ou les ressentis de chacun, c’est quelque chose qui arrive assez peu en classe, mais je pense que cela devrait être fait plus souvent. Je pense qu’en général les cours sont trop impersonnels » (Tz octobre). La constitution d’un collectif coopératif va avec l’apparition de personnes à la fois différentes et prenant part à une recherche commune. « Ce qui m’a marqué et du coup le plus plu, c’est que nous lisions nos textes personnels à la classe entière », note Yasmina (BA).
Une écologie attentionnelle : produire un milieu sûr et soutenant
11 C’est important pour soi, pour la reconnaissance de soi comme être capable, mais aussi pour le travail. « Je me suis sentie intégrée dans la classe grâce à ma participation avec la lecture de mes textes », dit Lauriane (BT2). Sabrina, qui était aussi au départ très discrète, indique : « Je me suis sentie entendue et écoutée à chaque fois que je prenais la parole » (BA). Écouter l’autre, donner de la valeur à ce qui est dit, c’est obtenir la garantie qu’on sera soi-même entendu.e par le groupe : c’est prendre sa place au sein d’un collectif d’égaux. Bien que ces points soient souvent mentionnés dans les bilans d’élève, Mélissa l’a mis en avant et précisé au fur et à mesure qu’elle avançait dans sa réflexion sur le travail de l’année. D’abord en indiquant ce qui lui avait plu : « Cette année, ce qui m’a plu dans mon cours de philo, c’est l’écoute. L’écoute des uns et des autres, l’écoute de notre professeur. » Elle le reprend lorsque je lui demande ce qui importe pour le cours : « De nouveau l’écoute ! Tout repose sur l’attention que nous portons sur les textes que nous lisons, étudions et partageons. C’est un travail collectif que nous faisons tous en commun. » Elle y insiste lorsqu’il s’agit de préciser ce que fait le professeur : « Notre professeur de philo nous écoute. C’est la première fois qu’un de mes professeurs accorde autant d’importance à mon travail. Notre professeur de philo donne de la valeur à ce que nous pensons, il nous regarde pour ce que nous sommes, des êtres à part entière et non pas que de simples élèves de terminale. »
12 L’espace de la classe pourrait alors être défini, en suivant une inspiration guattarienne, comme un « agencement collectif d’attentions ». Ce qui est intéressant est que l’écoute ne renvoie pas ici à une simple capacité individuelle, mais elle est le fait d’un exercice conjoint. Apprendre (et enseigner) à philosopher apparaît alors plus comme un mode d’attention que comme un mode de transmission. C’est une modalité de l’attention qui suppose l’apprentissage, de la part du maître et des élèves, d’un ajustement de chacun.e pour ménager un espace qui rende possible l’expression et l’écoute. Cela révèle que la libre expression est inséparable d’un droit d’être entendu.e dont nous produisons collectivement les conditions de possibilité. Pour que cet ajustement puisse opérer, il faut un objet commun : c’est le travail, ce que nous faisons les un.es et les autres, à part soi et ensemble.
13 De fait, le rituel du cours fait que nous commençons toujours par nous taire tous.tes pour écouter u.·e élève présenter son texte. Il faut d’abord laisser place à une parole singulière pour pouvoir en parler ensemble. Dans ce temps du cours, nous cultivons notre capacité collective d’écoute envers ce qui se dit. En même temps que nous examinons ce qui nous est donné à penser et ce que nous pouvons en penser, nous faisons l’épreuve d’un collectif qui valide le travail en lui accordant légitimité et valeur. C’est un exercice d’évaluation mais aussi une vérification des procédures de travail (nous mesurons les effets des réajustements et des manières de faire ensemble). C’est parce qu’il y a cette vérification actualisée que les élèves vont s’autoriser, à un moment ou à un autre, à confier au groupe leurs textes ou leurs remarques.
14 Si la part du maître est de sécuriser cet espace en posant strictement le cadre – en demandant en début d’année un silence religieux et en étant intransigeant sur les écarts éventuels –, il faut bien voir que c’est parce que les élèves l’entretiennent qu’ils et elles y trouvent l’assurance de pouvoir y prendre part. C’est parce que nous sécurisons l’espace de notre travail commun que nous sommes sûrs de pouvoir l’investir également. Ce travail commun va ensuite nourrir les envies et la recherche des élèves, en soulevant des pistes, en engageant à des reprises et à des essais. Anissati perçoit rapidement ce jeu entre la réflexion personnelle et ce qui est partagé : « Entendre les textes des gens qui passent devant la classe nourrit de plus en plus ma réflexion » (Tz octobre). Et c’est aussi à cet endroit que se joue une reconnaissance éprouvée par l’élève : lorsqu’il ou elle fait l’expérience que son travail produit des effets sur chacun.e comme sur le collectif.
15 Cette façon d’articuler travail pour soi et travail en commun, coopération et tâtonnement individuel, formation de soi dans la constitution d’un collectif, fait la force émancipatrice de la pédagogie Freinet. Ce jeu collectif/individuel organise les temps du cours comme l’indique Léa : « Le temps où les élèves présentent leurs textes et où on peut confronter nos idées, le temps où l’on étudie un texte qui nous apporte plus des connaissances et enfin, le temps où l’on réfléchit seule sur les discussions, le texte étudié, avec le TI [10] » (BA). Les élèves notent les effets de cette organisation en termes d’attention, comme Katérina : « nos séances sont extrêmement enrichissantes, l’organisation permet d’avoir une palette très large (lecture de TI, étude de texte, méthodologie) ainsi je suis captivée et j’essaie d’être la plus attentive en classe » (BA). Les temps ritualisés permettent aux élèves d’ajuster leurs efforts, de moduler leur investissement, comme le note Dina : « Dans la mesure où les cours ne sont pas répétitifs, puisque différents temps sont mis en place, rester attentive et concentrée est assez facile. De plus, certains temps/activités comme les présentations de textes requièrent une participation active et donc une attention pleine, et je trouve qu’une grosse partie du cours est organisée autour de ce temps, ce qui retient donc nécessairement mon attention » (BT1).
Le temps d’apprendre : le Travail Individualisé
16 Tous ces textes libres que nous partageons, il faut bien les écrire. Et comme l’écriture libre ne va pas de soi, et qu’il faut « apprendre à écrire quand on n’a pas l’habitude » comme le dit Kenza (BA), il faut un temps où chacun.e puisse s’exercer, un temps qui produise les conditions effectives de l’autonomie dans le travail. Ramzy définit le moment de TI comme « un temps libre à la fin du cours [11] pour que l’élève puisse développer sur une question qui l’intéresse ou s’entraîner sur des fiches ou sur des manuels ». « Le TI laisse aux élèves le libre cours de se questionner sur un sujet et permet de sortir de l’apprentissage classique » dit Fanny, car il faut aussi « avoir du temps seul pour philosopher ». D’autant que « la philosophie est un exercice qui nécessite du temps et de la réflexion profonde » comme l’indique Yasmina (BA).
17 Le temps de TI est donc temps pour soi libéré des contraintes qui pèsent ordinairement sur les temps accordés aux élèves (activité dirigée, temps limité, production évaluée). Ce temps est bien limité, mais il est régulier : l’élève sait qu’il ou elle peut reprendre son travail en cours et a donc l’assurance de pouvoir le finir à son rythme. Ce temps est important pour la mise au travail, car on peut se concentrer sur son travail : « Les temps de TI permettent à chacun de se mettre à son travail en choisissant ce qui nous intéresse », note Pauline (BA). C’est un temps de respiration, avec une autre modalité d’attention après le travail en collectif, c’est une détente dans le travail selon David : « J’ai bien aimé les temps de TI à la fin des cours, en plus de nous entraîner à l’écriture, ça permet d’avoir une sorte de moment de « détente » tout en travaillant, ce qui est rare dans les autres cours » (BA). Yasmina le note également : « Le TI était pour moi un moment de détente tout en étant un travail, ça permettait de se lâcher en évacuant la pression du cours. Cela restait tout de même un exercice de réflexion » (BA). François note qu’il a pu « développer [s]a rédaction grâce au temps de travail individuel » et Walid souligne que « le fait de s’entraîner toutes les semaines » était essentiel (BT3).
18 Les élèves ne font pas qu’écrire des textes libres pendant ce temps de TI (même si j’insiste sur l’importance que revêt cette pratique), car ce type d’écriture suppose d’être capable de s’engager fortement, et chacun.e évalue ce qui semble à sa portée. Tous les textes écrits ne sont pas présentés en commun, mais ils sont tous lus par l’enseignant.e. Je ne les « corrige » pas, mais me contente de mettre à la suite une question, une remarque qui attestent que le texte a produit des effets sur moi – ce qu’il m’a donné à penser, où il a suscité mon intérêt. Ce premier retour permet aux élèves d’être soutenu.es dans leur pratique. « J’aime beaucoup le temps de T.I qui nous laisse une certaine liberté dans notre travail mais surtout le fait que vous laissez une remarque à chaque travail que l’on vous rend. Ce qui me permet de voir mes difficultés et de m’améliorer aux prochains travaux, on ne se sent pas perdu car elles sont précises », relève Yasmina (Tz novembre).
19 Les élèves peuvent poursuivre leur texte au TI suivant, certain.e se lancent dans des « séries » (des textes qui se suivent), d’autres les abandonnent pour d’autres essais sur d’autres questions, mais ce qui était travaillé fait parfois retour quelques mois après. Lorsque je sens qu’un texte est porteur d’une question vive, ou qu’il témoigne d’un certain accomplissement, je suis porteur du geste qui consiste à dire que le texte peut être « fini » – je note alors que l’élève peut le mettre « au propre ». Cette reprise du texte n’a pas toujours lieu. Car, de fait, elle engage une réécriture, parfois une recomposition profonde du matériau ; et puis cela se fait chez soi, en prenant un temps pour soi, en se mettant devant un ordinateur pour taper ce texte sur un support qui le rende publiable. L’horizon de tout texte est d’être communiqué. Il importe dès lors d’avoir dans la classe des outils de publication (journal de travaux, affichage) pour ces textes que nous disons « finalisés ». L’élève peut faire l’expérience du passage d’une écriture-recherche en TI à l’écriture d’un texte, qui pense son unité et sa forme propre. C’est une forme d’accomplissement qui donne de la force et de l’assurance pour écrire d’autres textes.
S’évaluer en écrivant : l’évaluation comme mesure de l’évolution
20 Dans cette écriture continuée se jouent beaucoup de choses. Le plus étonnant est que les élèves y font très précisément l’évaluation de leurs transformations. Cet aspect ne se dément jamais : lorsque les élèves commencent à parler de leurs textes libres dans leurs bilans, c’est non seulement qu’ils ou elles sont au travail, mais qu’une attention très précise est portée à ce qui se passe/joue dans cette écriture. Si l’évaluation véritable est la mesure de l’évolution, alors le texte libre est non seulement un lieu d’exercice d’un travail pour soi mais aussi l’espace d’évaluation de ce travail. Par exemple, Gregory pointe deux endroits où s’éprouvent le mieux ses progrès : « Je pense que durant cette année, j’ai eu une progression au niveau de mon écriture, j’arrive mieux à écrire plus, tout en étant encore plus pertinent, et en classe mon attention a augmenté au fur et à mesure de l’année » (BT3). Alors que Sabrina avait des doutes en novembre (« Je rencontre des difficultés à l’écrit car je n’ai pas encore totalement confiance en mes capacités à l’écrit et je n’arrive pas toujours à retranscrire mes idées », [Tz novembre]), elle pointe un accomplissement (« Un de mes textes a été lu en classe ! ») et note : « J’ai l’impression que mes textes libres sont moins confus que ceux du premier trimestre […] J’ai l’impression de m’être améliorée en terme d’écriture et avoir pris confiance en moi et en mes aptitudes à l’écrit pour les textes libres, ainsi que la correspondance, et j’essaye de participer malgré ma timidité » (BT2).
21 Le temps de TI est libérateur, pas seulement parce qu’on y écrit des textes libres, mais parce qu’il ouvre la possibilité éprouvée d’une augmentation de sa propre puissance en faisant naître des exigences nouvelles. Au terme d’un premier bilan très complet, Ambre conclut : « Je n’attends qu’une chose, c’est d’évoluer, que mon travail soit de qualité. » (Tz septembre). Ce n’est pas une attente passive, mais une espérance bien fondée, parce qu’Ambre sait qu’elle dispose de l’espace et du temps pour y travailler. Laurie indique dans le même esprit : « J’ai aimé écrire plusieurs textes et je trouve ces exercices libérateurs, d’autant plus que les textes libres permettent d’aborder différents horizons de la manière que l’on souhaite. Je pense avoir plutôt bien réussi à m’entraîner à l’écriture de texte philosophique et espère observer une progression de ma part au cours de l’année » (Tz septembre).
22 Les élèves saisissent vite qu’il importe d’écrire beaucoup, de s’entraîner régulièrement, car ils ou elles éprouvent une « aisance » dans l’écriture qui est à la fois le signe de progrès et la condition pour travailler plus précisément la qualité de l’expression ou la structuration du propos. Très vite les élèves font le lien entre la façon dont ils abordent les exercices scolaires [12] avec des difficultés propres et les avancées éprouvées dans l’écriture libre. En dissertation, la forme est contrainte, mais le sens de ces contraintes est compris différemment du fait de l’exercice d’écriture et du travail sur les textes fait en commun, et surtout, les élèves peuvent s’appuyer sur ce qu’ils essaient dans l’écriture libre. Maya, qui a beaucoup de mal avec les attentes scolaires, dresse ainsi un bilan satisfaisant au troisième trimestre : « Depuis le début de l’année, au fur et à mesure des cours j’ai appris à m’organiser autour du travail qui m’était demandé, mes cours étaient de plus en plus clairs, mes participations à l’oral de plus en plus régulières et pertinentes et mes textes ou devoirs écrits, globalement, de plus en plus structurés. Je suis assez fière de ma progression sur l’année qui est positive » (BT3).
Le sens du collectif : responsabilités et productions
23 Cette fierté retrouvée tient aussi beaucoup à la place que les élèves se sont faits au milieu des autres. Si la coopération est un principe fondamental de la pédagogie Freinet, c’est que l’idée de « travail » va avec la constitution d’un espace où s’effectue ce travail – le « milieu » – ce qui suppose de penser son organisation ensemble. Le milieu éducatif fait chacun.e de nous et nous fait (il rend possible la formation de « soi » et d’un « nous »), mais chacun.e fait et nous faisons ce milieu. Concrètement, cela passe par le fait d’apporter pour enrichir ce milieu, de participer pour animer les discussions et les recherches, et de remplir les « responsabilités » qui permettent à la fois le travail de chacun.e et ce que nous faisons ensemble. Cela peut porter sur les conditions matérielles et l’organisation de l’espace (distribuer la parole, les travaux, mettre en place le matériel pour le TI, disposer les tables pour un temps d’atelier, s’occuper de l’affichage, « faire le mur ») mais aussi sur la production des outils (notamment le « Journal de cours » qui apparaît comme une œuvre commune). Anna le relève : le travail est libre, mais « c’est organisé et personne ne se perd ». « Ce qui est important dans un cours de philo c’est l’organisation de chacun, la détermination des secrétaires, distributeurs de parole et autres sont des points importants car tout le monde peut s’appuyer sur tout le monde », souligne Bastien (BA).
24 Ce qui se forme conjointement, c’est une culture de la classe – du fait des textes que les élèves et le maître apportent – et un sens du collectif. En faisant le secrétaire ou en travaillant à l’édition du journal, on est responsable aux yeux des autres d’un travail et de la manière de le faire : « J’aime vraiment faire secrétaire papier [13] car je m’applique pour que, ce que j’ai compris, puisse être correctement transmis à mes camarades » indique Ruby (Tz décembre). Mais du coup on apparaît aux autres comme être capable : c’est bon pour la confiance, cela donne une légitimité pour prendre la parole, cela engage à bien exercer son attention. « Tous les rôles que nous avions, distributeur de parole, éditeur, secrétaire, faire le mur, sont des moyens divertissant [sic] d’apprendre en confiance », note Mélissa (BT3). « J’ai beaucoup apprécié la prise de responsabilité qui me donnait l’impression d’être active et prendre pleinement part au processus d’apprentissage » indique Élisa (BA). C’est une autonomie éprouvée dans le travail pour soi, mais qui s’articule à un faire ensemble : « J’aime beaucoup le fait que le cours soit organisé avec des responsabilités attribuées aux élèves. Je trouve que cela est très unique et dynamise le cours qui n’est pas seulement dirigé par le professeur », précise Yasmina (Tz novembre).
La part du maître
25 S’il n’est plus en position magistrale, le maître a la responsabilité particulière de mettre en place ce que les élèves vont investir et d’être garant de l’organisation adoptée – et de ses modifications décidées collectivement : « Le professeur de philo nous donne un cadre et permet une certaine organisation », dit Bastien (BA). J’interviens également dans les discussions et, bien sûr, j’apporte ma part de textes. C’est là que j’apparais comme expert, moins au regard de connaissances que j’aurais à transmettre que, du fait de ma fréquentation des textes, par ma capacité à les lire et à les lier entre eux. La difficulté est de choisir des textes philosophiques qui soient au plus près des questionnements des élèves, et s’ils s’en écartent un peu, de noter ces écarts pour ne pas déposséder l’élève de son projet et instrumentaliser son travail. De même dans les discussions, l’important est de faire le point et de clarifier ce qui est relevé, pour faire apparaître des difficultés ou des oppositions parfois, afin que le collectif garde la main sur la façon dont il faut orienter la recherche. « Le professeur lie des notions du programme et des textes d’auteurs à nos réflexions personnelles, et supervise/structure les discussions » note Nina. Et Florian relève qu’« il faut aussi que le professeur aiguille le cours pour pas que la parole s’égare vers autre chose. Le professeur permet de nous donner le vocabulaire spécifique, de rattacher les sujets de discussion au programme et de nous présenter les pensées de grands philosophes » (BA). Me mettre dans les pas des élèves, c’est pour moi partager des textes de philosophes qui sont au plus près de leurs objets de réflexion. Le travail de lecture que nous faisons alors – qui s’inscrit aussi dans la visée de l’exercice d’explication de texte tel qu’il existe à l’examen – permet à la fois d’exercer la problématisation et le travail de distinction conceptuelle, en même temps qu’il fait apparaître des perspectives et des objets nouveaux. C’est donc le va-et-vient entre leurs essais et les textes d’auteur.es, la validation qui est faite en classe dans les échanges à partir de leurs textes, le fait de se nourrir d’autres textes qui forment peu à peu la culture commune de la classe qui garantit la teneur philosophique des textes d’élèves.
26 Mais ce n’est pas moi qui détermine ce qui importe. Cette question de l’importance est indissociable d’un travail réflexif sur ce que l’on fait : la recherche commune est évaluée en mesurant les acquis qui sont validés par le groupe et en levant des directions possibles de ce qu’il faudrait préciser et approfondir. Toutes les pistes ne sont pas également explorées, toutes les hypothèses ne sont pas systématiquement examinées, mais en revanche tout ce qui est réfléchi l’est dans cet esprit : c’est ce qui donne aux élèves à la fois des repères pour leur travail particulier et l’assurance de pouvoir prendre part à une démarche qui leur devient familière. L’idée de Freinet que « l’éducateur » est essentiellement aidant et doit se mettre dans les pas des élèves qui apprennent par eux-mêmes amène l’enseignant.e à varier les postures, à moduler ses interventions, à ajuster ses demandes. C’est sans doute pour cela que cette année Katérina a indiqué que « le professeur de philo est un métamorphe (quelque-un qui change de fonction) ». Je le prends comme une sorte d’encouragement à poursuivre les transformations intérieures qui permettront, en digérant les indications des élèves, de continuer à déplacer mes pratiques.
Notes
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[1]
Le fait d’obtenir un poste en classes préparatoires m’a aussi aidé à cela. J’ai demandé à garder une classe de terminale avec laquelle je pouvais me concentrer. Ce qui me conduit aussi à conseiller d’essayer d’abord avec une classe ce que l’on veut mettre en place de nouveau, afin d’éprouver la pratique et d’en mesurer les effets en termes de travail notamment.
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[2]
Pour une présentation des difficultés propres à l’enseignement de la pédagogie Freinet en collège et au lycée et des leviers pour les surmonter, voir l’ouvrage du Secteur second degré de l’ICEM (Institut Coopératif de l’École Moderne) qui propose une série de témoignages commentés : S’engager en pédagogie Freinet au second degré, Paris, ICEM éditions, 2023.
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[3]
Denis de Casabianca, Apprendre autrement à philosopher. La pédagogie Freinet pour s’émanciper au lycée, Paris, ESF, 2022, 192 pages.
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[4]
Célestin Freinet, La Méthode naturelle. I. L’apprentissage de la langue, Lonay, Delachaux et Niestlé, 1968, p. 42.
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[5]
Ibid., p. 40.
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[6]
Au cours de son processus singulier d’apprentissage, l’enfant expérimente dans ses activités et évolue par essais-erreurs en examinant des objets qui suscitent son intérêt. Le renvoi à l’expérience a trois sens : la dimension sensible et affective, la formation d’un savoir empirique et une mise à l’épreuve personnelle. Par le tâtonnement s’opère une transformation et une prise de conscience de soi comme être capable. La coopération permet également de mobiliser les expériences des autres et d’étendre le champ des activités, pour constituer des savoirs et des compétences partagées. Dans sa pratique pédagogique, l’enseignant.e aussi procède par tâtonnement expérimental, seul ou avec l’aide de ses pairs. L’Invariant n° 1 indique que « l’enfant est de même nature que l’adulte » également pour rappeler cette condition tâtonnante partagée. Pour plus de précision, on peut se référer au Dictionnaire de la pédagogie Freinet, Paris, ESF-ICEM éditions, 2018. L’ouvrage est élaboré par le Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM et on trouvera sur le site du mouvement Freinet d’autres informations : www.icem-pedagogie-freinet.org
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[7]
Yves Citton, L’Avenir des humanités. Économie de la connaissance ou cultures de l’interprétation, Paris, La Découverte, 2010.
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[8]
J’utiliserai les abréviations suivantes pour indiquer la source des citations données : BT (Bilan Trimestre 1, 2, 3) ; Tz (bilan Trizaine, avec indication du mois) ; BA (Bilan Annuel effectué en mai). J’utilise les matériaux recueillis avec ma classe de terminale en 2021/2022. Les prénoms des élèves ont été modifiés.
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[9]
Dans ce temps du cours, je dois comme chacun.e demander à l’élève chargé.e de la distribution de parole de m’inscrire pour intervenir. Ce qui m’oblige à cultiver l’écoute, à économiser mes interventions et m’aide pour apprendre à suivre l’indication de Célestin Freinet : « Parlez le moins possible » (Invariant no 20).
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[10]
Travail individualisé : temps de travail régulier en classe pendant lequel l’élève choisit son activité.
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[11]
Entre vingt et vingt-cinq minutes dans la dernière partie de la séance. Les élèves ont à disposition du matériel (fichiers d’exercice, recueils de textes d’élèves, manuels) pour pouvoir choisir et varier les activités. L’outil pour soutenir l’organisation individuelle du travail est une « fiche de travaux » sur laquelle les élèves notent tout ce qu’ils ou elles font, en classe et à la maison, ce qui leur permet en fin de trizaine (période de trois semaines) de faire un retour réflexif sur leur travail en ayant tout sous les yeux. Cette auto-évaluation, ou « bilan », permet à l’enseignant.e d’ajuster ses remarques et de soutenir les engagements pris par les élèves. En fin de trimestre, un bilan plus complet permet d’arrêter avec l’élève une note qui sera mise sur le bulletin. Aucun des travaux particuliers, même les exercices scolaires, ne sont notés.
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[12]
Il y a un devoir type bac à faire à la maison chaque trizaine, sauf lorsqu’il y a des DS à préparer. Pour les DM, les élèves choisissent le sujet qu’ils veulent traiter dans le manuel et ont pour consigne de s’appuyer sur les textes associés à la question choisie. Ils savent pouvoir mobiliser d’autres ressources s’ils estiment que c’est pertinent.
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[13]
Il y a deux secrétaires à chaque séance (papier et ordinateur) et deux élèves qui travaillent ensemble à l’édition à la fin de la semaine sur la base de ces notes.